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l'histoire de France, Les chemins de l'unité

Ce grand gaillard qui, avec un mélange de colère et d'orgueil, considère sa flotte immobilisée devant Saint-Valéry-sur-Somme parce que le vent refuse de souffler, c'est Guillaume, duc de Normandie, celui que bientôt on appellera Guillaume le Conquérant. Il y a maintenant plus de cent cinquante ans que les Vikings sont installés en Normandie et leurs ducs en ont fait l'un des plus puissants et des plus riches fiefs du royaume de France. A Caen, Bayeux et Rouen, Guillaume gouverne de façon beaucoup plus moderne que les autres titulaires de fiefs, y compris le roi de France : il a mis sur pied une administration, il fait établir chaque année un budget, il nomme lui-même les évêques, il perçoit des impôts, ce qui lui permet de constituer un trésor de guerre toujours disponible.

Depuis qu'il règne, Guillaume n'a cessé d'agrandir son domaine, ce qui veut dire qu'il n'a cessé de se battre. Il a même affronté le roi de France Henry Ier. Ce qui ne l'empêche pas de se reconnaître toujours comme son vassal. Dans tout le royaume, les seigneurs agissent de même.

La faiblesse du roi est si notoire que, dans son propre domaine, de petits seigneurs comme les comtes de Corbeil et de Melun peuvent impunément le narguer.

Mais le roi de France est devenu aux yeux de ses sujets – y compris les seigneurs – un être à part qui tient ses pouvoirs de Dieu. Il est le suzerain de tous, même s'il est plus pauvre et plus vulnérable que la plupart de ses vassaux. Ce jour-là, le 27 septembre 1066, ce n'est d'ailleurs pas au roi de France que pense Guillaume de Normandie, mais à celui d'Angleterre. Le roi défunt de ce pays, Edouard, a verbalement promis à Guillaume de lui léguer son trône. En fait, l'un de ses parents, Harold, s'en est emparé. Guillaume a décidé de faire valoir ses « droits » les armes à la main.

Les seigneurs de Normandie ont promis de construire chacun de cent vingt à cent cinquante grandes barques, inspirées des drakkars. En même temps, Guillaume a fait préparer un grand nombre de bateaux plats où l'on chargera les chevaux. Les Normands écrasent l'armée de Harold et Guillaume, le jour de Noël, est couronné roi d'Angleterre à Westminster au milieu de ses chevaliers. Comme roi, Guillaume est devenu l'égal du roi de France. Mais, en tant que duc de Normandie, il demeure son vassal. Ce sont là les surprises de la féodalité. On peut prévoir que de redoutables problèmes naîtront un jour de cette anomalie.

Le temps des croisades.

Le 27 novembre 1095 à Clermont d'Auvergne – futur Clermont-Ferrand – le pape Urbain II s'adresse à la foule agglutinée devant la cathédrale. Il évoque la situation lamentable dans laquelle sont plongés les chrétiens en Orient. Les Arabes et les Turcs n'occupent-ils pas ces lieux sacrés où a vécu Jésus ? Et qu'ont-ils fait ? Ils ont détruit les basiliques et immolé les chrétiens comme des bêtes. Dans les églises où jadis le service divin était célébré par les fidèles, les païens ont fait des étables pour leurs animaux !

Va-t-on accepter une telle humiliation, un tel sacrilège ?

Urbain II supplie les pauvres comme les riches de s'en aller chasser les Infidèles des lieux saints. Il accordera le pardon de leurs péchés à tous ceux qui mourront en route ou en combattant les païens.

Dès le lendemain, le comte de Toulouse annonce qu'il va partir. Plusieurs milliers de sujets ont cousu une croix rouge sur l'épaule. Parce qu'ils arboreront cette croix d'étoffe, ceux qui vont se mettrent en route pour l'Orient seront appelés les croisés. Un grand mouvement commence qui va mobiliser toute la chrétienté, non seulement française, mais occidentale : les Croisades.

Le frère du roi de France Philippe Ier, le comte de Vermandois et le comte de Normandie, le seigneur de Brabant, Godefroi de Bouillon et son frère Baudouin de Boulogne vont partir. On dénombre tant de volontaires qu'il faudra les constituer en quatre armées. Ce ne sont pas seulement les seigneurs qui répondent à l'appel d'Urbain II. Les petites gens aussi veulent aller délivrer le tombeau du Christ. Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et même d'enfants abandonnent tout pour se joindre aux Croisés. La croisade des pauvres gens sera un échec tragique. Presque tous, après avoir traversé l'Europe à pied, seront massacrés par les turcs. Quant aux chevaliers, il leur faudra plus de trois ans de combats acharnés pour s'emparer enfin de Jérusalem (1099). Un royaume chrétien est créé en Palestine dont les rois, assistés des vassaux selon le système féodal, sont français. C'est ainsi que la civilisation et la langue françaises ont rayonné dans tout le Proche-Orient. Pour défendre ces nouvelles possessions, des ordres de moines guerriers voient le jour, tels que les Templiers.

Le royaume de Jérusalem durera un peu moins d'un siècle. En 1187, les Turcs reprennent Jérusalem. La chrétienté tout entière se désespère. Désormais, tous les papes appellent les fidèles à se croiser de nouveau.

Pendant deux siècles encore, des Français, des Anglais, des Allemands repartiront pour l'Orient et tenteront d'y reprendre pied. Est-ce seulement par esprit de sainteté que les seigneurs se « croisent » ? Assurément le goût de l'aventure et l'espoir de conquérir des terres ne sont pas étrangers à l'engagement de certains d'entre eux. Malgré tout, ce que les plus rudes de ces chevaliers vont chercher en Terre sainte, c'est le pardon de leurs péchés. Beaucoup y périssent et la plupart s'y ruinent. Les croisades ont donc amené une conséquence inattendue : la noblesse française s'est trouvée affaiblie. Ceux qui bénéficieront de cet affaiblissement ne seront autres que les rois. Et les villes.

Villes et bourgeois.

Louis VI qui régnera de 1108 à 1137 ne tolère guère qu'on oublie son rang, c'est pourquoi, il a mis de l'ordre dans le domaine royal. Il a fait raser les châteaux forts qui commandaient les routes et pouvaient à l'occasion lui tenir tête. Le roi vit des revenus de son domaine. Il entend donc être maître chez lui et il a mis au pas les seigneurs qui, dans l'Ile de France elle-même, pillaient les abbayes et dévalisaient les marchands. En 1124, quand l'armée de l'empereur germanique marche sur Reims, le roi appelle tous les seigneurs de France à l'ost royal, c'est-à-dire au service armé. Miracle : tous viennent. Ceci est la première preuve d'une unité nationale ressentie par les Français. On dit souvent que pour régner, il faut diviser. Louis VI le démontre excellemment. Il appuie le désir de certaines villes et de certains villages d'acquérir quelque autonomie. Ces villes qui couvraient le pays au temps de la Gaule romaine, n'ont pas survécu aux invasions barbares. Vidées de la plupart de leurs habitants, elles se sont repliées dans un seul quartier que l'on a entouré de murs pour parer aux périls qui menaçaient de toutes parts. Le commerce, qui avait fait la richesse des villes gallo-romaines, était mort dans la Gaule mérovingienne et carolingienne. Le souverain et les seigneurs vivaient à cette époque à la campagne, dans des domaines qui se suffisaient à eux-mêmes.

Dès le XIIème siècle, quelque chose d'extraordinaire se produit : la renaissance du commerce. Les croisades, en faisant tomber aux mains des « Francs » la Palestine et la Syrie, ont permis d'acheter leurs marchandises aux caravanes venues d'Asie. Des vaisseaux les transportent vers ces ports endormis qui retrouvent une nouvelle vie.

L'activité commerciale gagne tout le royaume. Des marchés s'ouvrent dans les villes. Des artisans transforment les matières premières en objets fabriqués que d'autres marchands remportent pour les vendre ailleurs. Ces artisans ne suffisent bientôt plus à satisfaire une demande toujours accrue. Ils cherchent des ouvriers et s'adressent aux paysans qui quittent la terre pour la ville. Ces villes qui renaissent et grandissent, appartiennent toutes à un seigneur ou à un évêque, c'est la loi de la féodalité. Les seigneurs qui perçoivent des redevances auprès de leurs paysans, en exigent autant des habitants des villes. Au début, ils paient sans protester. Cependant, les artisans et les marchands qui s'enrichissent, s'associent pour voyager en caravanes armées et pour se former en groupements professionnels appelés corporations. Le jour vient où les bourgeois – les habitants des villes – ne supportent plus l'autorité des seigneurs. Ils revendiquent un certain nombre d'avantages et plus de liberté. Par la négociation ou la révolte, de longues années seront nécessaires à cette émancipation. Au bout du compte, les villes gagnent. Les grandes cités commerçantes obtiennent une indépendance égale à celle des grands vassaux. Elles s'administrent elles-mêmes, se donnent des maires et des conseillers municipaux. Elles possèdent leur propre armée : la milice.

Un divorce catastrophique La reine Aliénor est belle avec ses immenses yeux verts, limpides. Quand son père, Guillaume Ier, comte de Poitou, a senti venir la mort, il a dicté un testament par lequel il chargeait le roi de France louis VI de trouver un époux à sa fille. Lui qui ne rêvait que d'agrandir son domaine, il sait parfaitement qu'Aliénor apportera en dot à son mari, le Limousin, la Gascogne, le Poitou, tout le duché d'Aquitaine : le Sud-Ouest jusqu'aux Pyrénées ! Il ne trouve donc personne de mieux que son propre fils et héritier, le prince Louis. Donc, on les marie, on les sacre.

Louis VI le gros est mort, la conscience en paix : il a accompli son devoir de capétien. Il a donné l'Aquitaine à la France. Le drame est que, la trop belle Aliénor a jugé bien triste le palais de la Cité où elle doit vivre. Il faut dire que son mari, roi de 1137 à 1180, a gardé auprès de lui l'abbé Suger qui l'a élevé dans une piété si ardente qu'elle inspire à Aliénor cette réflexion : - J'ai épousé un moine, non un roi ! Quand Louis VII, à son tour, part pour la croisade prêchée en 1146 par saint Bernard, il emmène Aliénor. En Orient, la jeune femme découvre de nouveaux horizons. Elle s'éloigne de son époux si maussade. On la rencontre souvent en compagnie de l'oncle de Louis VII, un prince bien séduisant. Bref, le roi se fâche.

Au retour en France, Louis VII annonce qu'il va répudier Aliénor. Suger l'en dissuade, le départ d'Aliénor représenterait une catastrophe pour le royaume. Il a raison.

Quatre ans plus tard, Suger meurt. Louis VII annonce qu'il répudie Aliénor. Redevenue libre, Aliénor tombe amoureuse d'un adolescent aux cheveux roux, Henri Plantagenêt, dont l'allure athlétique tranche évidemment sur celle de son ex-mari. Bientôt, elle l'épouse. Du jour au lendemain, elle lui apporte toutes les provinces reprises à Louis VII.

Quant au colosse roux, il tient de sa mère le duché de Normandie et, de son père le Maine et l'Anjou. Une fois marié avec Aliénor, il est en France bien plus puissant que le roi.

Pour comble, Henri Plantagenêt est couronné roi d'Angleterre sous le nom d'Henri II. Comte d'Anjou, Henri se reconnaît vassal du roi de France. Roi d'Angleterre, il n'accepte plus l'autorité de Louis VII. Aliénor donnera à Henri II deux fils, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. Eux aussi refuseront de se reconnaître vassaux du fils de Louis VII, Philippe, que ses sujets surnomment Auguste parce qu'il est né au mois d'août. Quand ce jeune roi succède à son père, il a quinze ans. Il est patient, rusé, ambitieux : une vraie tête politique. Au début de son règne, il paraît vouloir rester en bons termes avec Richard Cœur de Lion. Les deux rois partent ensemble pour la croisade. En Terre sainte, leurs caractères s'opposent et ils se brouillent. Richard n'est pas le roi idéal que nous montre le film Robin des Bois, mais un prince particulièrement féroce. De retour en France, Philippe entreprend la conquête des terres de Richard. A la mort prématurée de celui-ci, son frère Jean sans Terre lui succède. Jean est une sorte de demi-fou sanguinaire à qui l'on reproche plusieurs meurtres. Philippe convoque Jean à sa cour pour qu'il se justifie sur tous ces griefs. Le roi d'Angleterre refuse de se déranger. Admirable occasion pour le roi de France qui proclame que Jean est déchu de ses droits sur ses domaines français. Philippe entreprend la conquête de toute la Normandie, du Maine, de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou. Toutes ces provinces tombent à la suite les unes des autres.

Jean va alors susciter contre le roi de France l'alliance de l'empereur germanique Otton, du comte de Flandre Ferrand, du duc de Brabant, du comte de Boulogne, des seigneurs de Hollande et de Lorraine. Philippe en appelle à ses vassaux et marche à leur rencontre.

Victoire à Bouvines Philippe Auguste médite. Il sait que, de la bataille qui va s'engager, dépend le sort de son royaume. Un messager survient – le comte de Champagne est aux prises avec l'ennemi et a grand peine à arrêter ses assauts ! Philippe se lève, se fait apporter son armure, l'endosse et se hisse sur son cheval. Tous ses chevaliers son déjà en selle. Le regard du roi ne s'attarde cependant guère à ces guerriers professionnels, mais à ceux qui vont combattre à pieds, ces hommes que lui ont envoyés les communes. Les bourgeois vont donc combattrent aux côtés des seigneurs. Pour la première fois sur un champ de bataille, la fleur de lys sert d'emblème en même temps aux nobles et aux hommes du peuple. Dès les premiers instants, l'empereur Otton, dont le cheval a été tué sous lui, manque être capturé. Les Français chargent l'infanterie Germanique. On s'entre-tue avec frénésie. Les Anglais et les Brabançons cèdent les premiers et entraînent dans leur repli les troupes d'Otton qui n'en peuvent plus. Philippe triomphe sur toute la ligne de bataille. Parmi les prisonniers, voici Renaud de Boulogne, le comte de Salisbury et surtout le comte Ferrand de Flandre, ce seigneur, vassal du roi de France, qui avait osé prendre les armes contre son suzerain.

En plus des provinces arrachées aux Plantagenêts, Philippe va pouvoir annexer l'Artois et la Picardie. A sa mort en 1223, le domaine royal aura quadruplé.

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Ce grand gaillard qui, avec un mélange de colère et d'orgueil, considère sa flotte immobilisée devant Saint-Valéry-sur-Somme parce que le vent refuse de souffler, c'est Guillaume, duc de Normandie, celui que bientôt on appellera Guillaume le Conquérant.

Il y a maintenant plus de cent cinquante ans que les Vikings sont installés en Normandie et leurs ducs en ont fait l'un des plus puissants et des plus riches fiefs du royaume de France. A Caen, Bayeux et Rouen, Guillaume gouverne de façon beaucoup plus moderne que les autres titulaires de fiefs, y compris le roi de France : il a mis sur pied une administration, il fait établir chaque année un budget, il nomme lui-même les évêques, il perçoit des impôts, ce qui lui permet de constituer un trésor de guerre toujours disponible.

Depuis qu'il règne, Guillaume n'a cessé d'agrandir son domaine, ce qui veut dire qu'il n'a cessé de se battre. Il a même affronté le roi de France Henry Ier. Ce qui ne l'empêche pas de se reconnaître toujours comme son vassal. Dans tout le royaume, les seigneurs agissent de même.

La faiblesse du roi est si notoire que, dans son propre domaine, de petits seigneurs comme les comtes de Corbeil et de Melun peuvent impunément le narguer.

Mais le roi de France est devenu aux yeux de ses sujets – y compris les seigneurs – un être à part qui tient ses pouvoirs de Dieu. Il est le suzerain de tous, même s'il est plus pauvre et plus vulnérable que la plupart de ses vassaux.

Ce jour-là, le 27 septembre 1066, ce n'est d'ailleurs pas au roi de France que pense Guillaume de Normandie, mais à celui d'Angleterre. Le roi défunt de ce pays, Edouard, a verbalement promis à Guillaume de lui léguer son trône. En fait, l'un de ses parents, Harold, s'en est emparé. Guillaume a décidé de faire valoir ses « droits » les armes à la main.

Les seigneurs de Normandie ont promis de construire chacun de cent vingt à cent cinquante grandes barques, inspirées des drakkars. En même temps, Guillaume a fait préparer un grand nombre de bateaux plats où l'on chargera les chevaux.

Les Normands écrasent l'armée de Harold et Guillaume, le jour de Noël, est couronné roi d'Angleterre à Westminster au milieu de ses chevaliers.

Comme roi, Guillaume est devenu l'égal du roi de France. Mais, en tant que duc de Normandie, il demeure son vassal. Ce sont là les surprises de la féodalité. On peut prévoir que de redoutables problèmes naîtront un jour de cette anomalie.

 

Le temps des croisades.

Le 27 novembre 1095 à Clermont d'Auvergne – futur Clermont-Ferrand – le pape Urbain II s'adresse à la foule agglutinée devant la cathédrale. Il évoque la situation lamentable dans laquelle sont plongés les chrétiens en Orient. Les Arabes et les Turcs n'occupent-ils pas ces lieux sacrés où a vécu Jésus ? Et qu'ont-ils fait ?

Ils ont détruit les basiliques et immolé les chrétiens comme des bêtes. Dans les églises où jadis le service divin était célébré par les fidèles, les païens ont fait des étables pour leurs animaux !

Va-t-on accepter une telle humiliation, un tel sacrilège ?

Urbain II supplie les pauvres comme les riches de s'en aller chasser les Infidèles des lieux saints. Il accordera le pardon de leurs péchés à tous ceux qui mourront en route ou en combattant les païens.

Dès le lendemain, le comte de Toulouse annonce qu'il va partir. Plusieurs milliers de sujets ont cousu une croix rouge sur l'épaule. Parce qu'ils arboreront cette croix d'étoffe, ceux qui vont se mettrent en route pour l'Orient seront appelés les croisés. Un grand mouvement commence qui va mobiliser toute la chrétienté, non seulement française, mais occidentale : les Croisades.

Le frère du roi de France Philippe Ier, le comte de Vermandois et le comte de Normandie, le seigneur de Brabant, Godefroi de Bouillon et son frère Baudouin de Boulogne vont partir. On dénombre tant de volontaires qu'il faudra les constituer en quatre armées.

Ce ne sont pas seulement les seigneurs qui répondent à l'appel d'Urbain II. Les petites gens aussi veulent aller délivrer le tombeau du Christ. Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et même d'enfants abandonnent tout pour se joindre aux Croisés.

La croisade des pauvres gens sera un échec tragique. Presque tous, après avoir traversé l'Europe à pied, seront massacrés par les turcs. Quant aux chevaliers, il leur faudra plus de trois ans de combats acharnés pour s'emparer enfin de Jérusalem (1099).

Un royaume chrétien est créé en Palestine dont les rois, assistés des vassaux selon le système féodal, sont français. C'est ainsi que la civilisation et la langue françaises ont rayonné dans tout le Proche-Orient.

Pour défendre ces nouvelles possessions, des ordres de moines guerriers voient le jour, tels que les Templiers.

 

Le royaume de Jérusalem durera un peu moins d'un siècle. En 1187, les Turcs reprennent Jérusalem. La chrétienté tout entière se désespère. Désormais, tous les papes appellent les fidèles à se croiser de nouveau.

Pendant deux siècles encore, des Français, des Anglais, des Allemands repartiront pour l'Orient et tenteront d'y reprendre pied.

Est-ce seulement par esprit de sainteté que les seigneurs se « croisent » ? Assurément le goût de l'aventure et l'espoir de conquérir des terres ne sont pas étrangers à l'engagement de certains d'entre eux.

Malgré tout, ce que les plus rudes de ces chevaliers vont chercher en Terre sainte, c'est le pardon de leurs péchés. Beaucoup y périssent et la plupart s'y ruinent.

Les croisades ont donc amené une conséquence inattendue : la noblesse française s'est trouvée affaiblie. Ceux qui bénéficieront de cet affaiblissement ne seront autres que les rois. Et les villes.

 

Villes et bourgeois.

Louis VI qui régnera de 1108 à 1137 ne tolère guère qu'on oublie son rang, c'est pourquoi, il a mis de l'ordre dans le domaine royal. Il a fait raser les châteaux forts qui commandaient les routes et pouvaient à l'occasion lui tenir tête.

Le roi  vit des revenus de son domaine. Il entend donc être maître chez lui et il a mis au pas les seigneurs qui, dans l'Ile de France elle-même, pillaient les abbayes et dévalisaient les marchands.

En 1124, quand l'armée de l'empereur germanique marche sur Reims, le roi appelle tous les seigneurs de France à l'ost royal, c'est-à-dire au service armé. Miracle : tous viennent. Ceci est la première preuve d'une unité nationale ressentie par les Français. On dit souvent que pour régner, il faut diviser. Louis VI le démontre excellemment. Il appuie le désir de certaines villes et de certains villages d'acquérir quelque autonomie.

Ces villes qui couvraient le pays au temps de la Gaule romaine, n'ont pas survécu aux invasions barbares. Vidées de la plupart de leurs habitants, elles se sont repliées dans un seul quartier que l'on a entouré de murs pour parer aux périls qui menaçaient de toutes parts.

Le commerce, qui avait fait la richesse des villes gallo-romaines, était mort dans la Gaule mérovingienne et carolingienne. Le souverain et les seigneurs vivaient à cette époque à la campagne, dans des domaines qui se suffisaient à eux-mêmes.

Dès le XIIème siècle, quelque chose d'extraordinaire se produit : la renaissance du commerce. Les croisades, en faisant tomber aux mains des « Francs » la Palestine et la Syrie, ont permis d'acheter leurs marchandises aux caravanes venues d'Asie. Des vaisseaux les transportent vers ces ports endormis qui retrouvent une nouvelle vie.

L'activité commerciale gagne tout le royaume. Des marchés s'ouvrent dans les villes. Des artisans transforment les matières premières en objets fabriqués que d'autres marchands remportent pour les vendre ailleurs. Ces artisans ne suffisent bientôt plus à satisfaire une demande toujours accrue. Ils cherchent des ouvriers et s'adressent aux paysans qui quittent la terre pour la ville.

 

Ces villes qui renaissent et grandissent, appartiennent toutes à un seigneur ou à un évêque, c'est la loi de la féodalité.

Les seigneurs qui perçoivent des redevances auprès de leurs paysans, en exigent autant des habitants des villes. Au début, ils paient sans protester. Cependant, les artisans et les marchands qui s'enrichissent, s'associent pour voyager en caravanes armées et pour se former en groupements professionnels appelés corporations. Le jour vient où les bourgeois – les habitants des villes – ne supportent plus l'autorité des seigneurs. Ils revendiquent un certain nombre d'avantages et plus de liberté. Par la négociation ou la révolte, de longues années seront nécessaires à cette émancipation. Au bout du compte, les villes gagnent. Les grandes cités commerçantes obtiennent une indépendance égale à celle des grands vassaux. Elles s'administrent elles-mêmes, se donnent des maires et des conseillers municipaux. Elles possèdent leur propre armée : la milice.

 

Un divorce catastrophique

La reine Aliénor est belle avec ses immenses yeux verts, limpides.

Quand son père, Guillaume Ier, comte de Poitou, a senti venir la mort, il a dicté un testament par lequel il chargeait le roi de France louis VI de trouver un époux à sa fille. Lui qui ne rêvait que d'agrandir son domaine, il sait parfaitement qu'Aliénor apportera en dot à son mari, le Limousin, la Gascogne, le Poitou, tout le duché d'Aquitaine : le Sud-Ouest jusqu'aux Pyrénées ! Il ne trouve donc personne de mieux que son propre fils et héritier, le prince Louis. Donc, on les marie, on les sacre.

Louis VI le gros est mort, la conscience en paix : il a accompli son devoir de capétien. Il a donné l'Aquitaine à la France.

Le drame est que, la trop belle Aliénor a jugé bien triste le palais de la Cité où elle doit vivre. Il faut dire que son mari, roi de 1137 à 1180, a gardé auprès de lui l'abbé Suger qui l'a élevé dans une piété si ardente qu'elle inspire à Aliénor cette réflexion :

-         J'ai épousé un moine, non un roi !

Quand Louis VII, à son tour, part pour la croisade prêchée en 1146 par saint Bernard, il emmène Aliénor. En Orient, la jeune femme découvre de nouveaux horizons. Elle s'éloigne de son époux si maussade. On la rencontre souvent en compagnie de l'oncle de Louis VII, un prince bien séduisant. Bref, le roi se fâche.

Au retour en France, Louis VII annonce qu'il va répudier Aliénor. Suger l'en dissuade, le départ d'Aliénor représenterait une catastrophe pour le royaume. Il a raison.

Quatre ans plus tard, Suger meurt. Louis VII annonce qu'il répudie Aliénor.

Redevenue libre, Aliénor tombe amoureuse d'un adolescent aux cheveux roux, Henri Plantagenêt, dont l'allure athlétique tranche évidemment sur celle de son ex-mari. Bientôt, elle l'épouse. Du jour au lendemain, elle lui apporte toutes les provinces reprises à Louis VII.

Quant au colosse roux, il tient de sa mère le duché de Normandie et, de son père le Maine et l'Anjou. Une fois marié avec Aliénor, il est en France bien plus puissant que le roi.

Pour comble, Henri Plantagenêt est couronné roi d'Angleterre sous le nom d'Henri II.

Comte d'Anjou, Henri se reconnaît vassal du roi de France. Roi d'Angleterre, il n'accepte plus l'autorité de Louis VII.

Aliénor donnera à Henri II deux fils, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. Eux aussi refuseront de se reconnaître vassaux du fils de Louis VII, Philippe, que ses sujets surnomment Auguste parce qu'il est né au mois d'août.

Quand ce jeune roi succède à son père, il a quinze ans. Il est patient, rusé, ambitieux : une vraie tête politique. Au début de son règne, il paraît vouloir rester en bons termes avec Richard Cœur de Lion. Les deux rois partent ensemble pour la croisade. En Terre sainte, leurs caractères s'opposent et ils se brouillent. Richard n'est pas le roi idéal que nous montre le film Robin des Bois, mais un prince particulièrement féroce. De retour en France, Philippe entreprend la conquête des terres de Richard. A la mort prématurée de celui-ci, son frère Jean sans Terre lui succède. Jean est une sorte de demi-fou sanguinaire à qui l'on reproche plusieurs meurtres. Philippe convoque Jean à sa cour pour qu'il se justifie sur tous ces griefs. Le roi d'Angleterre refuse de se déranger.

Admirable occasion pour le roi de France qui proclame que Jean est déchu de ses droits sur ses domaines français. Philippe entreprend la conquête de toute la Normandie, du Maine, de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou. Toutes ces provinces tombent à la suite les unes des autres.

Jean va alors susciter contre le roi de France l'alliance de l'empereur germanique Otton, du comte de Flandre Ferrand, du duc de Brabant, du comte de Boulogne, des seigneurs de Hollande et de Lorraine. Philippe en appelle à ses vassaux et marche à leur rencontre.

 

Victoire à Bouvines

Philippe Auguste médite. Il sait que, de la bataille qui va s'engager, dépend le sort de son royaume.

Un messager survient – le comte de Champagne est aux prises avec l'ennemi et a grand peine à arrêter ses assauts !

Philippe se lève, se fait apporter son armure, l'endosse et se hisse sur son cheval. Tous ses chevaliers son déjà en selle. Le regard du roi ne s'attarde cependant guère à ces guerriers professionnels, mais à ceux qui vont combattre à pieds, ces hommes que lui ont envoyés les communes.

Les bourgeois vont donc combattrent aux côtés des seigneurs. Pour la première fois sur un champ de bataille, la fleur de lys sert d'emblème en même temps aux nobles et aux hommes du peuple.

Dès les premiers instants, l'empereur Otton, dont le cheval a été tué sous lui, manque être capturé. Les Français chargent l'infanterie Germanique. On s'entre-tue avec frénésie. Les Anglais et les Brabançons cèdent les premiers et entraînent dans leur repli les troupes d'Otton qui n'en peuvent plus. Philippe triomphe sur toute la ligne de bataille. Parmi les prisonniers, voici Renaud de Boulogne, le comte de Salisbury et surtout le comte Ferrand de Flandre, ce seigneur, vassal du roi de France, qui avait osé prendre les armes contre son suzerain.

En plus des provinces arrachées aux Plantagenêts, Philippe va pouvoir annexer l'Artois et la Picardie. A sa mort en 1223, le domaine royal aura quadruplé.