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La France pendant la deuxième guerre mondiale, Faut-il arrêter les combats?

Que faire si la bataille de France est perdue? La question a commencé de se poser aux responsables politiques et militaires dès qu'ils ont pris conscience de la gravité de la situation. Dans les premiers jours, on croit encore qu'on pourra la rétablir, puis on espère un miracle : Paul Reynaud évoque, dans une allocution radiodiffusée, les jeunes généraux victorieux de la Révolution et clame sa certitude que la France ne peut mourir. Le gouvernement s'associe en corps aux prières publiques pour la France. A partir de la rupture de la ligne sur laquelle Weygand a adjuré l'armée de tenir bon, il devient évident pour ceux qui sont au courant - pour autant que le permettent la désorganisation des troupes, l'absence de liaisons et le désarroi d'un gouvernement chassé de ses lieux de décision et éparpillé entre une dizaine de châteaux du Val de Loire - que la bataille est perdue sur le sol de France. Dès lors, quelle décision prendre?

Faut-il engager des pourparlers avec l'ennemi en vue d'un arrêt des combats? La question divise les dirigeants. Un demi-siècle après l'armistice de juin 1940, la controverse n'est pas éteinte. Le sera-t-elle jamais, on peut en douter Trois questions relatives à l'appréciation de la situation et de ses développements possibles formaient un premier faisceau. Y avait-il encore un espoir d'arrêter la progression de l'ennemi et de reconstituer sur le sol national un front continu à l'arrière duquel préparer, avec l'aide de l'industrie des États-Unis et quand la mobilisation britannique aurait pu aligner des dizaines de divisions, l'offensive qui libérerait le territoire comme en 1918? Douteuse au début de juin, la réponse ne l'était plus quelques jours après : même les tenants du réduit breton ou du repli sur le Massif central ne défendaient plus ces solutions que comme un répit passager laissant le temps de se replier sur l'Angleterre ou l'Afrique du Nord. Deuxième question : y avait-il une chance raisonnable de prolonger la lutte en Afrique du Nord? Les uns assurent qu'il y avait de l'autre côté de la Méditerranée assez de troupes et de ressources pour repousser une invasion, et ce fut la première réaction de ceux qui y commandaient; d'autres soutiennent que l'armistice a évité l'occupation de l'Afrique du Nord par l'Axe et rendu possible à terme le débarquement anglo-américain de novembre 1942. Troisième interrogation, la plus lourde de conséquences : la cessation, de fait ou de droit, des combats sur le sol français était-elle la fin de la guerre entre les démocraties et l'Allemagne? Quoi qu'en aient dit plus tard les partisans de l'armistice, la question de la paix interférait inéluctablement avec le débat sur l'armistice. La plupart des responsables ne doutent pas que la fin des combats ne soit aussi la fin de la guerre: si l'armée française a succombé en six semaines à l'armée allemande, dont elle avait triomphé en 1918, comment supposer que l'Angleterre, qui n'a pas été capable de mettre en ligne plus de quelques divisions, pourrait résister à une Allemagne maîtresse du continent, alliée à l'Italie, assurée de l'amitié de l'Espagne, bénéficiant de la neutralité bienveillante de l'Union soviétique? L'Allemagne a gagné la guerre: la sagesse est d'arrêter au plus tôt une lutte sans espoir pour tenter d'obtenir les moins mauvaises conditions de paix. Seuls quelques esprits, entrevoient qu'une bataille perdue n'est pas la fin de la guerre. Mais combien sont-ils à raisonner ainsi?

Les adversaires de l'armistice invoquaient le respect de la parole donnée, comme à propos de Munich : la France avait pris l'engagement solennel de ne pas conclure de paix séparée. En signant l'armistice, elle se parjurerait comme elle l'avait fait déjà en abandonnant la Tchécoslovaquie. Il faut croire que même pour les partisans de l'armistice l'argument avait de la force, à en juger par leur insistance à obtenir de Winston Churchill d'être relevés de cet engagement. Partisans et adversaires d'une négociation avec l'ennemi divergeaient aussi sur la nature de l'adversaire. Un Pétain ou un Weygand ne voyaient pas grande différence entre l'Allemagne wilhelmienne et celle de Hitler - c'était toujours l'ennemi héréditaire -, et la guerre de 1939-1940 n'était que le dernier rebondissement du conflit opposant les deux peuples depuis plus d'un siècle. En 1918, l'Allemagne avait perdu la guerre: en 1940, c'était au tour de la France. Il n'y avait pas de déshonneur à reconnaître sa défaite: le Maréchal annonce qu'il traitera dans l'honneur, et, quatre mois plus tard, à Montoire, il ne verra pas d'objection à mettre sa main dans celle du vainqueur. Ils n'ont pas compris la nature du national-socialisme. D'autres, mieux informés, ont pressenti sa spécificité : ils ont perçu que Hitler n'est pas Guillaume Il ou Bismarck. Parce qu'ils accordaient plus d'attention à l'idéologie, ils avaient compris que l'on avait affaire à un système auquel il était impossible de faire confiance. A la limite, ils auraient accepté une défaite devant la supériorité allemande, mais pas de trêve dans la lutte contre une idéologie monstrueuse et un système détestable. Si donc le combat contre Hitler était juste, la défaite de nos armes ne lui retirait pas sa raison d'être: le résultat ne changeait rien à la signification de la guerre. Elle devait être continuée par tous les moyens possibles: c'était l'attitude spontanée d'un Edmond Michelet diffusant à Brive, le jour même où Pétain annonçait l'armistice, un tract appelant à continuer, citant Péguy pour qui celui qui refuse de se rendre a toujours raison. Si l'on scrute au plus profond des motivations qui inspirent les uns et les autres, on pressent qu'ils ont aussi des visions différentes de la France. Ils se séparent sur ce qu'est la patrie. Le Maréchal exprime parfaitement l'une des deux conceptions, le 13 juin 1940, quand il déclare qu'il ne quittera pas la France, car elle n'est pas ailleurs qu'en France: son âme ne peut être sauvée que par un gouvernement présent sur le sol de la patrie. L'autre vision n'est pas moins soucieuse de sauver l'âme de la France, mais s'en fait une idée différente: elle l'identifie à certaines valeurs auxquelles elle a été fidèle au long de son histoire, qu'elle a servies, qu'elle a propagées dans le monde. La France ne tient pas toute dans les limites de l'espace territorial, elle est partout où des Français agissent conformément à sa tradition. Elle ne saurait être elle-même que dans l'honneur, le respect de l'homme. Les premiers voient dans la prompte signature d'un armistice l'unique chance de préserver l'essentiel: «La condition nécessaire à la pérennité de la France éternelle », dit Pétain le 13 juin. Aux autres l'armistice apparaît comme la renonciation à ce qui fait la raison d'être de la France, la trahison de sa vocation. Les multiples implications du choix à effectuer ne sont pas toutes perçues clairement par les acteurs du drame qui se joue dans les conseils successifs qui se tiennent à Briare, Candé, Bordeaux : la précipitation des événements ne laisse guère le loisir de procéder à une analyse lucide, mais ces implications n'en sont pas moins agissantes. Sous le choc des nouvelles qui parviennent de la bataille, les points de vue s'affrontent avec violence dans le gouvernement: le président du Conseil tient pour la continuation du combat, mais, mauvais juge des hommes, il n'a pas su s'entourer de collaborateurs qui partagent ses vues; pour un colonel de Gaulle dont il fait, le 5 juin, un sous-secrétaire d'État à la Guerre qui s'évertue à lui insuffler la volonté de tenir, que de défaitistes dans son entourage! Le débat rebondit de réunion en réunion, divisant de plus en plus le gouvernement. Le dimanche 16 juin, épuisé par l'écrasante responsabilité qu'il a portée depuis cinq semaines, manquant de sommeil, harcelé par les partisans de l'armistice, Paul Reynaud s'est convaincu que la majorité des ministres penchent vers l'ouverture de pourparlers avec l'ennemi et démissionne. Tout aussi respectueux des usages, le président de la République appelle à lui succéder le chef de file de ceux qui sont pour l'arrêt des combats et qui se trouve être le vice-président du Conseil, le maréchal Pétain. Ce n'est donc, formellement, qu'un remaniement ministériel, et c'est le plus régulièrement du monde que Pétain accède à la direction du gouvernement: le 16 juin, il n'y a pas l'ombre d'un coup d'État. Pétain sort de sa poche la liste de son gouvernement : rarement une crise ministérielle aura été dénouée aussi promptement.

Aussitôt il sollicite l'entremise du gouvernement espagnol pour sonder l'Allemagne, et, le lendemain, lundi 17 juin, à 13 heures, le Maréchal s'adresse au pays pour lui annoncer que le moment est venu de «cesser le combat », formule malheureuse qui sera corrigée en : «II faut tenter de cesser le combat », mais trop tard pour en rattraper les effets désastreux. Elle a brisé un ressort : comment exiger des combattants qu'ils se fassent tuer pour un combat que l'on sait perdu et qui prendra fin dans quelques heures? Néanmoins, des unités poursuivent la lutte et opposent ici ou là une résistance courageuse aux divisions ennemies dont l'avance atteint des régions qui n'avaient plus vu d'envahisseur depuis des siècles. Hitler eut l'astuce d'accéder aux deux demandes dont le rejet aurait pu contraindre les négociateurs français à ne pas signer l'armistice : la non-livraison de la flotte et le maintien d'un gouvernement ayant autorité sur l'ensemble du territoire, y compris les régions occupées. Au reste, c'était l'intérêt de la puissance occupante que de laisser à un gouvernement national la charge de l'administration qui lui garantirait la soumission des populations. Pour rigoureuses qu'elles fussent, les clauses de l'armistice ne parurent pas anormales aux contemporains, qui se souvenaient des conditions imposées à l'Allemagne vaincue. De toute façon, c'était l'affaire de quelques semaines: on ne doutait guère qu'elles fissent bientôt place au traité de paix. Le Maréchal crut pouvoir assurer que la convention d'armistice ne comportait aucune disposition qui contrevînt à l'honneur. Sur un point au moins pourtant il faisait erreur : le gouvernement français avait consenti à livrer aux autorités allemandes tous les ressortissants allemands que réclamerait le gouvernement du Reich, c'est-à-dire les réfugiés politiques qui l'avaient fui et avaient mis leur confiance dans la protection de la France. Concession inouïe, qui jetait sur l'honneur de la France une tache indélébile et dont l'application consciencieuse par l'administration française coûta la vie à plusieurs opposants au IIIè Reich. La convention imposait le désarmement de toutes les troupes, à l'exception d'une armée dite d'armistice, dont l'effectif était plafonné à 100000 hommes comme la Reichwehr de la république de Weimar -, et la livraison de tout le matériel de guerre.

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Que faire si la bataille de France est perdue? La question a commencé de se poser aux responsables politiques et militaires dès qu'ils ont pris conscience de la gravité de la situation. Dans les premiers jours, on croit encore qu'on pourra la rétablir, puis on espère un miracle : Paul Reynaud évoque, dans une allocution radiodiffusée, les jeunes généraux victorieux de la Révolution et clame sa certitude que la France ne peut mourir. Le gouvernement s'associe en corps aux prières publiques pour la France. A partir de la rupture de la ligne sur laquelle Weygand a adjuré l'armée de tenir bon, il devient évident pour ceux qui sont au courant - pour autant que le permettent la désorganisation des troupes, l'absence de liaisons et le désarroi d'un gouvernement chassé de ses lieux de décision et éparpillé entre une dizaine de châteaux du Val de Loire - que la bataille est perdue sur le sol de France. Dès lors, quelle décision prendre?

 

Faut-il engager des pourparlers avec l'ennemi en vue d'un arrêt des combats? La question divise les dirigeants. Un demi-siècle après l'armistice de juin 1940, la controverse n'est pas éteinte. Le sera-t-elle jamais, on peut en douter

Trois questions relatives à l'appréciation de la situation et de ses développements possibles formaient un premier faisceau. Y avait-il encore un espoir d'arrêter la progression de l'ennemi et de reconstituer sur le sol national un front continu à l'arrière duquel préparer, avec l'aide de l'industrie des États-Unis et quand la mobilisation britannique aurait pu aligner des dizaines de divisions, l'offensive qui libérerait le territoire comme en 1918? Douteuse au début de juin, la réponse ne l'était plus quelques jours après : même les tenants du réduit breton ou du repli sur le Massif central ne défendaient plus ces solutions que comme un répit passager laissant le temps de se replier sur l'Angleterre ou l'Afrique du Nord.

Deuxième question : y avait-il une chance raisonnable de prolonger la lutte en Afrique du Nord? Les uns assurent qu'il y avait de l'autre côté de la Méditerranée assez de troupes et de ressources pour repousser une invasion, et ce fut la première réaction de ceux qui y commandaient; d'autres soutiennent que l'armistice a évité l'occupation de l'Afrique du Nord par l'Axe et rendu possible à terme le débarquement anglo-américain de novembre 1942.

Troisième interrogation, la plus lourde de conséquences : la cessation, de fait ou de droit, des combats sur le sol français était-elle la fin de la guerre entre les démocraties et l'Allemagne? Quoi qu'en aient dit plus tard les partisans de l'armistice, la question de la paix interférait inéluctablement avec le débat sur l'armistice.

La plupart des responsables ne doutent pas que la fin des combats ne soit aussi la fin de la guerre: si l'armée française a succombé en six semaines à l'armée allemande, dont elle avait triomphé en 1918, comment supposer que l'Angleterre, qui n'a pas été capable de mettre en ligne plus de quelques divisions, pourrait résister à une Allemagne maîtresse du continent, alliée à l'Italie, assurée de l'amitié de l'Espagne, bénéficiant de la neutralité bienveillante de l'Union soviétique? L'Allemagne a gagné la guerre: la sagesse est d'arrêter au plus tôt une lutte sans espoir pour tenter d'obtenir les moins mauvaises conditions de paix. Seuls quelques esprits, entrevoient qu'une bataille perdue n'est pas la fin de la guerre. Mais combien sont-ils à raisonner ainsi?

Les adversaires de l'armistice invoquaient le respect de la parole donnée, comme à propos de Munich : la France avait pris l'engagement solennel de ne pas conclure de paix séparée. En signant l'armistice, elle se parjurerait comme elle l'avait fait déjà en abandonnant la Tchécoslovaquie. Il faut croire que même pour les partisans de l'armistice l'argument avait de la force, à en juger par leur insistance à obtenir de Winston Churchill d'être relevés de cet engagement.

Partisans et adversaires d'une négociation avec l'ennemi divergeaient aussi sur la nature de l'adversaire. Un Pétain ou un Weygand ne voyaient pas grande différence entre l'Allemagne wilhelmienne et celle de Hitler - c'était toujours l'ennemi héréditaire -, et la guerre de 1939-1940 n'était que le dernier rebondissement du conflit opposant les deux peuples depuis plus d'un siècle. En 1918, l'Allemagne avait perdu la guerre: en 1940, c'était au tour de la France. Il n'y avait pas de déshonneur à reconnaître sa défaite: le Maréchal annonce qu'il traitera dans l'honneur, et, quatre mois plus tard, à Montoire, il ne verra pas d'objection à mettre sa main dans celle du vainqueur. Ils n'ont pas compris la nature du national-socialisme. D'autres, mieux informés, ont pressenti sa spécificité : ils ont perçu que Hitler n'est pas Guillaume Il ou Bismarck. Parce qu'ils accordaient plus d'attention à l'idéologie, ils avaient compris que l'on avait affaire à un système auquel il était impossible de faire confiance. A la limite, ils auraient accepté une défaite devant la supériorité allemande, mais pas de trêve dans la lutte contre une idéologie monstrueuse et un système détestable. Si donc le combat contre Hitler était juste, la défaite de nos armes ne lui retirait pas sa raison d'être: le résultat ne changeait rien à la signification de la guerre. Elle devait être continuée par tous les moyens possibles: c'était l'attitude spontanée d'un Edmond Michelet diffusant à Brive, le jour même où Pétain annonçait l'armistice, un tract appelant à continuer, citant Péguy pour qui celui qui refuse de se rendre a toujours raison.

Si l'on scrute au plus profond des motivations qui inspirent les uns et les autres, on pressent qu'ils ont aussi des visions différentes de la France. Ils se séparent sur ce qu'est la patrie. Le Maréchal exprime parfaitement l'une des deux conceptions, le 13 juin 1940, quand il déclare qu'il ne quittera pas la France, car elle n'est pas ailleurs qu'en France: son âme ne peut être sauvée que par un gouvernement présent sur le sol de la patrie. L'autre vision n'est pas moins soucieuse de sauver l'âme de la France, mais s'en fait une idée différente: elle l'identifie à certaines valeurs auxquelles elle a été fidèle au long de son histoire, qu'elle a servies, qu'elle a propagées dans le monde. La France ne tient pas toute dans les limites de l'espace territorial, elle est partout où des Français agissent conformément à sa tradition. Elle ne saurait être elle-même que dans l'honneur, le respect de l'homme.

Les premiers voient dans la prompte signature d'un armistice l'unique chance de préserver l'essentiel: «La condition nécessaire à la pérennité de la France éternelle », dit Pétain le 13 juin. Aux autres l'armistice apparaît comme la renonciation à ce qui fait la raison d'être de la France, la trahison de sa vocation.

Les multiples implications du choix à effectuer ne sont pas toutes perçues clairement par les acteurs du drame qui se joue dans les conseils successifs qui se tiennent à Briare, Candé, Bordeaux : la précipitation des événements ne laisse guère le loisir de procéder à une analyse lucide, mais ces implications n'en sont pas moins agissantes.

Sous le choc des nouvelles qui parviennent de la bataille, les points de vue s'affrontent avec violence dans le gouvernement: le président du Conseil tient pour la continuation du combat, mais, mauvais juge des hommes, il n'a pas su s'entourer de collaborateurs qui partagent ses vues; pour un colonel de Gaulle dont il fait, le 5 juin, un sous-secrétaire d'État à la Guerre qui s'évertue à lui insuffler la volonté de tenir, que de défaitistes dans son entourage! Le débat rebondit de réunion en réunion, divisant de plus en plus le gouvernement. Le dimanche 16 juin, épuisé par l'écrasante responsabilité qu'il a portée depuis cinq semaines, manquant de sommeil, harcelé par les partisans de l'armistice, Paul Reynaud s'est convaincu que la majorité des ministres penchent vers l'ouverture de pourparlers avec l'ennemi et démissionne. Tout aussi respectueux des usages, le président de la République appelle à lui succéder le chef de file de ceux qui sont pour l'arrêt des combats et qui se trouve être le vice-président du Conseil, le maréchal Pétain. Ce n'est donc, formellement, qu'un remaniement ministériel, et c'est le plus régulièrement du monde que Pétain accède à la direction du gouvernement: le 16 juin, il n'y a pas l'ombre d'un coup d'État. Pétain sort de sa poche la liste de son gouvernement : rarement une crise ministérielle aura été dénouée aussi promptement.

 

Aussitôt il sollicite l'entremise du gouvernement espagnol pour sonder l'Allemagne, et, le lendemain, lundi 17 juin, à 13 heures, le Maréchal s'adresse au pays pour lui annoncer que le moment est venu de «cesser le combat », formule malheureuse qui sera corrigée en : «II faut tenter de cesser le combat », mais trop tard pour en rattraper les effets désastreux. Elle a brisé un ressort : comment exiger des combattants qu'ils se fassent tuer pour un combat que l'on sait perdu et qui prendra fin dans quelques heures? Néanmoins, des unités poursuivent la lutte et opposent ici ou là une résistance courageuse aux divisions ennemies dont l'avance atteint des régions qui n'avaient plus vu d'envahisseur depuis des siècles.

 

Hitler eut l'astuce d'accéder aux deux demandes dont le rejet aurait pu contraindre les négociateurs français à ne pas signer l'armistice : la non-livraison de la flotte et le maintien d'un gouvernement ayant autorité sur l'ensemble du territoire, y compris les régions occupées. Au reste, c'était l'intérêt de la puissance occupante que de laisser à un gouvernement national la charge de l'administration qui lui garantirait la soumission des populations. Pour rigoureuses qu'elles fussent, les clauses de l'armistice ne parurent pas anormales aux contemporains, qui se souvenaient des conditions imposées à l'Allemagne vaincue. De toute façon, c'était l'affaire de quelques semaines: on ne doutait guère qu'elles fissent bientôt place au traité de paix. Le Maréchal crut pouvoir assurer que la convention d'armistice ne comportait aucune disposition qui contrevînt à l'honneur. Sur un point au moins pourtant il faisait erreur : le gouvernement français avait consenti à livrer aux autorités allemandes tous les ressortissants allemands que réclamerait le gouvernement du Reich, c'est-à-dire les réfugiés politiques qui l'avaient fui et avaient mis leur confiance dans la protection de la France. Concession inouïe, qui jetait sur l'honneur de la France une tache indélébile et dont l'application consciencieuse par l'administration française coûta la vie à plusieurs opposants au IIIè Reich. La convention imposait le désarmement de toutes les troupes, à l'exception d'une armée dite d'armistice, dont l'effectif était plafonné à 100000 hommes comme la Reichwehr de la république de Weimar -, et la livraison de tout le matériel de guerre.