Talampaya 10e jour, 23 mars
A l'aube du 10ème jour, nous découvrons un nouvel aspect du travail du temps, ce sculpteur prodigieux. C'est à pied que nous abordons le Cuidad Perdida, un labyrinthe chaotique aux flancs sableux et instables, faits de gradins colorés extrêmement friables, modelage spectaculaire dû aux mutations du vent. Le vent, parfois destructeur, est ici un créateur imaginatif et fantaisiste qui a mis des siècles pour achever son œuvre. Les roches, soumises déjà à l'érosion de l'eau, se désagrègent au contact de l'air, le vent les creuse, les polit, les façonne en statues étranges, les formes et les couleurs évoquent des images d'inspiration supra-terrestre, tout à fait surprenantes et insolites. Le temps semble s'être arrêté, nous redécouvrons la genèse du monde et tutoyons l'infini. Nous allons de surprise en surprise et talampaya nous offre à nouveau un spectacle époustouflant. De gigantesques falaise rouges dominent un canyon creusé par des millénaires d'érosion, écrasé de soleil, le désert y est roi, de la terre craquelée quelques végétaux torturés par les rafales et les tourbillons affectent des formes tourmentées. Quelques traces de bovidés dans le lit asséché d'une rivière hypothétique. Architecture du fantastique, colonnades baroques, chapiteaux, volutes, leçon d'humilité dans cet amphithéâtre naturel à l'échelle du temps géologique. Chacun retrouve ses instincts ludiques et enfantins en jouant avec l'écho qui répercute quatre fois l'onde sonore de part et d'autre du canyon. Nous emportons avec nous cette photographie fascinante et poursuivons notre périple vers Chilecito, province de La Rioja, plateau à 1100m dominé par la Sierra Famatina, 6200m, aux neiges éternelles, royaume des condors et des pumas.
Nous traversons des contrées très pauvres et quasiment inhabitées avant de retrouver la civilisation et déjà les tracasseries administratives. Cet insolite convoi de Suisses intrigue beaucoup les gendarmes locaux qui exigent de voir nos passeports, avec un zèle guidé davantage par la curiosité que par simple routine.
Une nuit à l'hôtel, ce n'est pas du luxe après trois jours sans eau ou presque, les barbes ont poussé, on a respiré toute la journée la poussière des pistes et on aspire tous à une bonne douche. On se met à table à minuit. Quelques frictions relatives à l'intendance n'entament pas le moral des troupes. Chilecito et sa place centrale où persistent les vestiges d'une architecture coloniale est notre dernière étape civilisée avant d'affronter la montagne. Corvée de cartes postales, téléphones, etc… Le check-up des véhicules nous permet de profiter de la piscine de l'hôtel, privilège des touristes que nous sommes en fait.