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Toi la Vie, "Polyglotterie" gloutonne

Je les avais reçues ce matin au courrier de 1 0 heures. J'avais immédiatement et religieusement déballé le colis, le cœur battant. Mes espérances étaient comblées.

Je n'avais pas hésité, lorsqu'on m'avait fait l'offre, à accepter d'être le cobaye. Mon geste était mûrement réfléchi, je savais pourtant que le processus serait irréversible.

J'avais, malgré tout, repoussé l'échéance jusqu'au soir, histoire de savourer ces derniers instants de moi avant la métamorphose. J'ai attendu d'être seule pour commencer l'expérience et d'en tester les premiers effets. Les trois seringues étaient là, devant moi. Leur contenu était incolore.

Une petite voix me murmura: «Es-tu sûre de ton choix? Ne vas-tu pas le regretter?

J'avais certes une certaine appréhension mais c'était écrit, j'attendais depuis si longtemps. L'ordre d'injection n'était pas très important. Je saisis la première seringue sur laquelle était inscrit, en lettre capitale, un 1. .. 1 comme ... Interdit?

Mon geste était étonnamment sûr. Le précieux fluide coula en moi comme un élixir de jouvence. Je ne sentis aucune douleur, c'était magique, c'était merveilleux! J'entendais des chants, des rires, il y avait même une odeur de pizza. Me revinrent alors à l'esprit mes souffrances et mes sueurs successives lors de mes dernières tentatives infructueuses d'absorption par la bouche et par les oreilles. Je ressentais déjà les premiers effets. Une sorte de dédoublement de la personnalité s'opérait en moi. Les mots affluaient, pressés, mais ne franchissaient pas encore la limite de ma bouche.

Je pris délicatement la seconde seringue. Selon la notice, il était préférable d'attendre douze heures avant la deuxième injection. Mais c'était plus fort que moi, je brûlais d'aller plus loin. Je choisis l'autre bras, ma main gauche était plus maladroite, si j'ose dire, et une douleur aiguë mais très supportable m'inquiéta un instant. J'aurais peut-être du respecter les instructions. Cette deuxième seringue portait la lettre D, D comme Délire .. , ?

Mon corps eut du mal à assimiler tout le contenu, mais là encore je ressentis comme un dédoublement. Etrange sensation. J'étais moi et j'étais plusieurs. Au point où j'en étais, je décidais de me piquer, allégrement, pour la troisième fois. Un E était flanqué sur l'étiquette. E comme Elixir. Le liquide envahit mon corps et une à une, mes cellules vivantes recevaient ce bienfait. Nous commencions à être nombreuses dans cette fragile enveloppe mortelle à ressentir cette lente mais inexorable transformation.

Je m'allongeais pour que les trois fluides irriguent davantage le cerveau. L'expérience m'avait terriblement fatiguée et je m'endormis profondément. Je savais que tout cela n'était pas un rêve. Cette nuit-là, je voyageais beaucoup et étrangement je me sentais à l'aise partout où le destin m'entraînait. J'avais acquis une assurance qui ne m'était pas familière. Je me sentais invincible.

Lorsque le maudit coq du voisin me sortit de ma torpeur et de mon lit, je bondis devant le miroir. Rien, pas une trace.

Les trois seringues étaient là, je n'avais pas rêvé. Je relus à voix haute les trois lettres IDE. Elles m'apparurent soudain comme une évidence. I Italiano D Deutsch E English Je m'essayais à des mots, des phrases plus sophistiquées puis à des discours interminables. L'expérience était concluante, j'avais réussi. Ce que les professeurs les plus acharnés n'avaient pu faire entrer dans ma petite cervelle, par les voies normales, la science elle, me l'avait inoculé par la voie du sang, sans douleur. Je maîtrisais désormais, enfin, la langue de Léonard de Vinci, de Goethe et de Shakespeare.

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Je les avais reçues ce matin au courrier de 1 0 heures. J'avais immédiatement et religieusement déballé le colis, le cœur battant.

Mes espérances étaient comblées.

Je n'avais pas hésité, lorsqu'on m'avait fait l'offre, à accepter d'être le cobaye. Mon geste était mûrement réfléchi, je savais pourtant que le processus serait irréversible.

J'avais, malgré tout, repoussé l'échéance jusqu'au soir, histoire de savourer ces derniers instants de moi avant la métamorphose.

 

J'ai attendu d'être seule pour commencer l'expérience et d'en tester les premiers effets.

 

Les trois seringues étaient là, devant moi. Leur contenu était incolore.

 

Une petite voix me murmura: «Es-tu sûre de ton choix? Ne vas-tu pas le regretter?

J'avais certes une certaine appréhension mais c'était écrit, j'attendais depuis si longtemps. L'ordre d'injection n'était pas très important. Je saisis la première seringue sur laquelle était inscrit, en lettre capitale, un 1. .. 1 comme ... Interdit?

Mon geste était étonnamment sûr. Le précieux fluide coula en moi comme un élixir de jouvence. Je ne sentis aucune douleur, c'était magique, c'était merveilleux! J'entendais des chants, des rires, il y avait même une odeur de pizza. Me revinrent alors à l'esprit mes souffrances et mes sueurs successives lors de mes dernières tentatives infructueuses d'absorption par la bouche et par les oreilles.

Je ressentais déjà les premiers effets. Une sorte de dédoublement de la personnalité s'opérait en moi. Les mots affluaient, pressés, mais ne franchissaient pas encore la limite de ma bouche.

Je pris délicatement la seconde seringue. Selon la notice, il était préférable d'attendre douze heures avant la deuxième injection. Mais c'était plus fort que moi, je brûlais d'aller plus loin. Je choisis l'autre bras, ma main gauche était plus maladroite, si j'ose dire, et une douleur aiguë mais très supportable m'inquiéta un instant. J'aurais peut-être du respecter les instructions. Cette deuxième seringue portait la lettre D, D comme Délire .. , ?

Mon corps eut du mal à assimiler tout le contenu, mais là encore je ressentis comme un dédoublement. Etrange sensation. J'étais moi et j'étais plusieurs.

 

Au point où j'en étais, je décidais de me piquer, allégrement, pour la troisième fois.

 

Un E était flanqué sur l'étiquette. E comme Elixir. Le liquide envahit mon corps et une à une, mes cellules vivantes recevaient ce bienfait. Nous commencions à être nombreuses dans cette fragile enveloppe mortelle à ressentir cette lente mais inexorable transformation.

Je m'allongeais pour que les trois fluides irriguent davantage le cerveau. L'expérience m'avait terriblement fatiguée et je m'endormis profondément. Je savais que tout cela n'était pas un rêve.

Cette nuit-là, je voyageais beaucoup et étrangement je me sentais à l'aise partout où le destin m'entraînait. J'avais acquis une assurance qui ne m'était pas familière. Je me sentais invincible.

Lorsque le maudit coq du voisin me sortit de ma torpeur et de mon lit, je bondis devant le miroir. Rien, pas une trace.

Les trois seringues étaient là, je n'avais pas rêvé.

 

Je relus à voix haute les trois lettres IDE. Elles m'apparurent soudain comme une évidence.

I  Italiano D Deutsch E English

Je m'essayais à des mots, des phrases plus sophistiquées puis à des discours interminables. L'expérience était concluante, j'avais réussi.

Ce que les professeurs les plus acharnés n'avaient pu faire entrer dans ma petite cervelle, par les voies normales, la science elle, me l'avait inoculé par la voie du sang, sans douleur.

 

Je maîtrisais désormais, enfin, la langue de Léonard de Vinci, de Goethe et de Shakespeare.