Premier podcast vidéo de Nicolas Sarkozy
Loïc Le Meur : Bonjour, Monsieur le Ministre.
Nicolas Sarkozy : Bonjour (Sourire).
LLM : Merci de recevoir un blogueur (Sourire) !
NS : Merci surtout de me rendre visite. Vous êtes un des nombreux, des centaines de milliers, des millions de blogueurs... Bienvenue au ministère de l'Intérieur, pour la première fois.
LLM : Merci, oui, vous êtes le premier homme politique de premier plan à recevoir comme ça un blogueur, un podcasteur. Vous avez dû entendre parler du terme podcast. Alors ce n'est pas le 20 heures, il n'y a pas la même audience que sur une chaîne de télévision, mais l'idée, c'est ce que je voulais vous montrer, c'est que les gens regardent ça là-dessus. Et donc le terme podcasting vient de ce petit objet que vous connaissez, qui est un iPod, et voilà, là, vous voyez... hop... vous avez donc... on a une image...
NS : Je viens d'en acheter un pour l'anniversaire... pour le Noël de mon fils, d'ailleurs, un iPod.
LLM : D'accord, justement comme vous m'offrez cet entretien, je me suis permis de vous amener mon livre...
NS : Ah c'est sympa...
LLM : Sur les blogs (sourire), si ça vous intéresse...
NS : Ah oui, ça vous ne me le donnez pas (rires) !
LLM : Mais si, j'en ai un neuf !
NS : Ah vraiment, c'est sympa, parce que comme j'en ai acheté un pour mon fils, ça va me permettre d'avoir le mien. Au fond, j'ai bien fait de vous recevoir (sourire) !
LLM : Comme ça, vous pourrez directement regarder cet entretien.
NS : On peut mettre de la musique, aussi, préenregistrée ?
LLM : De la vidéo, et puis directement, ensuite, les gens regardent ça, en se promenant. Ils en ont vendu plus de 5 millions. Des vidéos seulement, et c'est l'intérêt essentiel, c'est que les gens s'abonnent et n'ont pas besoin... si l'émission, par exemple, est à 19 heures, on doit être à 19 heures devant la télévision, par exemple, alors que là...
NS : Tandis que là on peut faire sa propre télévision !
LLM : Voilà !
NS : Sympa, merci, non, non, je regarde...
LLM : Et donc l'idée c'était, j'avais envie alors... J'ai une question à vous poser, qui va peut-être vous surprendre, mais sur les blogs, on a tendance à se tutoyer.
NS : Pas de problème, pas de problème c'est vous qui aurez des ennuis !
LLM : C'est moi qui vais avoir...
NS : Moi, vous tutoyer, aucun problème, c'est flatteur : alors tu le connais ? Comment il est ? Ça témoignerait d'une proximité (Rires) !
LLM : C'est pour moi que ça va être difficile, mais je vais essayer !
NS : Non, non, aucun problème : vas-y !
LLM : Merci, Nicolas. Sur l'Internet justement, est-ce que c'est important ? On a vu...
NS : Non, mais c'est capital. Bon, ce qu'on fait là, c'est rien d'autre que ce qui c'est passé au début des années quatre-vingt avec les radios libres. C'est la même révolution. Bon, jusqu'au début des années quatre-vingt, on écoutait ce qu'on appelait les radios périphériques.
LLM : Oui.
NS : Et en dehors de France Inter, RTL, Europe1, il n'y avait point de salut. Aujourd'hui, la réalité du média radio, c'est la réalité de l'écoute de la radio qui n'existait pas il y a 20 ans, il y a 25 ans. C'est impossible de ne pas tenir compte de la révolution que représente le Net.
LLM : Oui, 20 millions d'internautes en France.
NS : Et de surcroît, ce sont des gens, c'est encore beaucoup plus important parce que ce sont des gens, qui viennent prendre leur information sur la toile, et qui ont abandonné les autres médias, c'est-à-dire que la seule façon de leur parler, c'est de leur parler sur ce nouveau média. Et pour l'UMP, comme pour le ministère de l'Intérieur, on investit énormément sur l'Internet. Je suis persuadé que ça va changer la compréhension que peuvent avoir les gens des enjeux. Ce n'est pas simplement une nouvelle technologie, c'est une nouvelle façon d'appréhender la société dans laquelle on vit.
LLM : Alors justement, sur l'UMP, si on en parle une seconde, il y a eu comme ça une démarche importante vis-à-vis d'Internet, vous avez communiqué, tu as communiqué, je vais commencer à m'y mettre ! sur l'envoi notamment de courriers électroniques. Est-ce que c'est une campagne qui a été profitable ?
NS : Oui. Je vais te donner un chiffre qui est très très simple. Euh... l'année dernière en 2004, on a fait 2 000 adhésions à l'UMP par le biais de l'Internet. Cette année, on a fait 16 500 adhésions. C'est pour te dire !
LLM : Uniquement sur l'Internet ?
NS : Je te parle uniquement d'Internet, alors pour moi, c'est aussi quelque chose d'extrêmement intéressant. C'est que les gens qui sont sur le net sont plutôt des gens jeunes. C'est un média qui permet de toucher les jeunes, alors c'est vrai... peut-être certains ont pu être choqués, gênés parce que j'ai envoyé, dans les boîtes électroniques, un message que j'avais signé. Alors je leur dis « ne sois pas choqué », je suis pour qu'il y ait un vrai débat démocratique, donc je vais chercher les gens là où ils sont... Après tout, on est empoissonné, on était empoisonné dans sa boîte aux lettres, on avait tout un tas de publicités. Moi je veux convaincre que nos idées sont justes et qu'on a besoin de la participation des citoyens, je vais les chercher là où ils sont. Et là où ils sont, c'est quoi... sur le net, et la communication elle est quoi ? Quelle est sa caractéristique ? Tu me dis on se tutoie. c'est un détail...
LLM : Je ne veux surtout pas être impoli...
NS : Non, mais c'est un détail. En vérité, c'est un média qui est beaucoup plus proche, qui désacralise, il n'y a pas la distance de la télévision entre les gens qui sont sur le net. Ils ont une communauté identitaire, ce sont des gens qui ont envie de parler, envie d'échanger, envie de communiquer, c'est finalement la meilleure stratégie contre la solitude, et pourquoi moi, je n'irais pas défendre mes idées sur le média de demain !
LLM : Bien sûr !
NS : C'est exactement comme si un homme politique disait : « Eh bien moi, par principe, je ne vais pas sur le 20 heures ». Tu ne vas pas sur le 20 heures, mon vieux, eh bien tu ne vas nulle part !
LLM : Ou par principe, je ne vais sur que sur le 20 heures, et pas sur Internet...
NS : D'une certaine façon, si tu veux, la France profonde, elle est là. Parce que, qu'est-ce que c'est la France profonde, c'est la France où sont les gens, eh bien les gens ils sont là. Donc moi, je veux défendre mes idées là où sont les gens, pas seulement là où ils ne sont pas. Par exemple, sur le plateau de Millevaches...
LLM : (rires) Alors justement, il y a 20 millions d'internautes en France environ. On est à peu près à 50 % de pénétration. Dans les pays nordiques, c'est plus, 80 - 90 %, comme en Finlande ou en Suède. On voit aussi que les 10 pays qui viennent de rejoindre l'Europe ont un taux de connexion très élevé. En France, qu'est-ce qu'on pourrait faire, pour améliorer cette fracture ? Certains parlent de fracture numérique ?
NS : Ils ont raison. On ne peut pas avoir une fracture numérique parce qu'elle serait trop grave sur deux plans : - Fractures entre les générations : les plus anciens qui ne sauraient plus parler aux plus jeunes, parce que les plus jeunes, naturellement, s'expriment par le biais de cette technologie. Donc, il y a un effort à faire vers les classes les plus âgées de la population - Et puis fracture territoriale, parce que la France est, avec l'Allemagne, le pays qui a la superficie la plus large en Europe, et donc il y a des zones d'ombre, il y a des endroits où ils n'ont pas le bénéfice de cela. Or c'est capital, parce que grâce à ces nouvelles technologies, il n'y a plus de territoire enclavé. C'est-à-dire que l'information est la même pour tout le monde. C'est un fantastique média, un moyen, de donner de l'égalité : égalité des chances, égalité du savoir, égalité devant l'information.
LLM : Puis tu le montres ici, en en recevant un amateur. Parce que c'est aussi un média d'amateur.
NS : Oui. En fait, si tu veux, pour moi ce qui compte, ce n'est pas amateur/professionnel, ce qui compte, c'est la passion. Je préfère recevoir un amateur, entre guillemets, passionné, qu'un professionnel blasé.
LLM : D'accord. Oui, c'est ça... Mais il y a aussi peut-être l'idée d'avoir des PC qui soient moins chers, un petit peu... ou une question de moyens ensuite...
NS : Alors, tu as tout à fait raison. La question, maintenant, c'est celle du marché. Pourquoi c'est très important la généralisation ? Outre la lutte contre la fracture générationnelle et la fracture territoriale, c'est ce que va créer un marché, et quand il y a un marché, plus le marché est large, plus les prix sont bas. Plus les prix sont bas, plus le média est accessible. Donc il faut y aller à marche forcée, il faut que l'État aide ; et d'ailleurs, c'est la seule réponse, me semble-t-il, à la querelle sur les droits d'auteur, sur le téléchargement.
LLM : Il y a une bonne nouvelle ce matin...
NS : Oui, la seule vraie réponse, c'est la diminution des prix. Parce que tu comprends bien qu'à ce moment-là, tu laisses la liberté aux gens, parce que les prix sont plus bas, et en même temps, tu préserves le droit de la création. Parce que c'est vrai que les droits d'auteur, ça existe, et que ça protège les artistes. Et donc la baisse des prix par l'ouverture du marché, la généralisation du marché, c'est la solution à tous les problèmes.
LLM : Alors, si on parle un petit peu de Nicolas Sarkozy, est-ce que tu es né homme politique ? Est-ce que c'est un destin ? Est-ce que c'est naturel ?
NS : Tu sais, moi je ne me suis jamais posé la question de savoir si je devais faire de la politique puisque cela a toujours été naturel chez moi. J'ai voulu faire ce que je fais. Je ne t'explique pas que suis là par hasard. Je n'ai hérité de personne. Je ne suis pas né dans une famille où qui que ce soit faisait de la politique. Tout ce que j'ai, je l'ai construit par mon travail. J'ai choisi de faire de la politique et j'ai assumé ce choix. J‘ai payé cher pour le faire, mais voilà, aujourd'hui, je suis heureux de faire ce qui a été le rêve de mon adolescence. Parce que tu sais, la vie qu'est-ce que c'est ? On rêve dans l ‘adolescence, et on passe sa vie d'adulte à essayer de ressembler à celui qu'on rêvait. Le monde d'adulte, il rêve moins. Tes rêves, tu les arrêtes en sortant de l‘adolescence. Et à ce moment-là, il ne faut plus rêver, il faut faire. L'adolescent rêve, l'adulte fait. Et le but de la vie, c‘est une adéquation entre ce que rêvait l'adolescent et ce que fait l'adulte.
LLM : Alors quel est ce rêve, justement ? C'est, je n'imagine pas, un rêve de pouvoir ? C'est plus un rêve d'être au service de la France ?
NS : Mais tu sais, le pouvoir, c'est quelque chose qui m'a toujours intéressé. J'aime faire !
Je dirais que j'aime plus faire, réaliser, changer, bousculer, réformer, que durer. La phrase que j'aime le moins c'est : « J'ai le temps ». Parce que je pense que le temps est une denrée si rare que c'est très prétentieux de dire : « j'ai le temps ». Tu n'en sais rien, ça peut s'arrêter demain. Donc moi, je crois que chaque minute doit être utilisée, et on doit faire quelque chose. J'aime faire !
LLM : Mais vers ce rêve ?
NS : J'aime faire ! Alors après, cela s'exprime dans la politique, je veux transformer la France... mais j'aime faire ! Au fond, il y a des gens qui font, qui sont faits pour « faire », et moi, c'est ce que je veux faire.
LLM : Donc, à la fin de ta carrière, c'est d'avoir « fait » qui sera probablement le plus important ?
NS : Ma carrière, je ne sais pas, moi. Ce qu'il me plaît, c'est, tous les jours, de devoir prendre des décisions, de réaliser des choses. Le monde bouge, le monde change, la France ne peut pas rester immobile. On ne peut pas avoir un monde qui change tous les jours à une vitesse stupéfiante et avoir une France qui dit : « Non, excusez moi, on a le temps, on ne change pas ». Et moi je veux qu'on change pour le meilleur. Je veux réconcilier les gens avec la réussite.
LLM : Alors, justement, les réconciliés avec la politique, on parlait de jeunes tout à l'heure, et là, il y a pas mal de jeunes qui vont regarder, quelques-uns, comment on les réconcilie avec la politique. Tu parles souvent de rupture avec une politique, c'est vrai donc. On a l'impression qu'elle est un peu opaque...
NS : Mais déjà, qu'on comprenne ce qu'on dit, nous les hommes politiques. Il y a tant d'hommes politiques qu'on écoute et on ne comprend rien à ce qu'ils disent. Et quand on comprend, on se demande même s'ils sont sincères.
LLM : (Sourire)
NS : Non, je ne prétends pas être plus intelligent que les autres, mais au moins, quand je parle, j'essaie d'être compris, et surtout je veux faire sentir aux gens que c'est très grave. Je crois dans tout ce que je dis. Il y a un déficit d'authenticité et un déficit de sincérité. Et puis, il faut parler, décrire les choses telles qu'elles sont, et pas telles qu'on aimerait qu'elles soient. Euh... tu vas voir le médecin, tu as malheureusement un cancer, il n'ose pas te le dire, il dit : « Vous avez une mauvais grippe », et te donne une médication pour la grippe. Tu changes de médecin. Eh bien, un homme politique qui n'est pas capable de faire le diagnostic en disant : « Voilà, ça ne va pas » et pourquoi ça ne va pas, et : « Voilà les remèdes qu'on va pouvoir apporter ! », c'est un homme politique qui n'est pas à la hauteur de ses responsabilités.
LLM : Sur les jeunes, moi, j'ai quelques amis qui l'ont été, d'ailleurs, Bozidar Djelic qui était ministre des Finances en Serbie et qui a mon âge ou à peu près. Il n'y a pas beaucoup de trentenaires en politique en France. Comment faire, est-ce que c'est le système qui... ?
NS : Mais parce qu'ils se demandent : est-ce que la politique a encore du pouvoir, est-ce qu'on peut changer les choses, est-ce qu'on peut peser sur les élections...
LLM : Est-ce qu'on peut rentrer, même, en politique ?
NS : Moi, je crois qu'on peut... et moi, comment j'ai fait, je suis rentré par le plus bas niveau, personne ne m'a aidé, personne ne m'a tendu la main, donc on peut. Lorsqu'on veut... tu sais souvent on rencontre des jeunes qui te disent : « Moi j'aimerais bien être artiste, prendre des cours de théâtre » ; je leur dis : « Laisse tomber, tu ne le feras jamais ». Parce que la distance entre « j'aimerais » et « je fais », c'est la distance entre la vérité et la volonté. Celui qui a envie, il fait, il demande l'adresse du cours d'art dramatique. Tu comprends ?
LLM : Oui, oui, tout à fait !
NS : C'est ça, la différence !
LLM : Oui, ça ressemble plus à ce que fait un entrepreneur, qui est plus beaucoup plus dans l'action.
NS : Il fait, il ne décrit pas. Je crois que la vérité d'un homme est plus dans ce qu'il fait que dans ce qu'il dit.
LLM : Alors, quel est le conseil que tu donnerais à des jeunes qui ont envie, comme ça... parce qu'on voit quand même qu'il y a un regain de popularité, entre guillemets, pour la politique, ou pour au moins voter...
NS : Mais tu sais, il ne faut laisser personne renier tes ambitions. Tu as envie, fais-le ! Fais-le à fond !
LLM : Alors, est-ce qu'il faut adhérer à un parti ?
NS : Oui, je le pense.
LLM : C'est la première étape...
NS : Dans ce cas-là, il faut faire à l'UMP, parce que c'est mieux, quand même !
LLM : 200 000, je crois ?
NS : 210 000, oui, parce que je pense qu'on ne change pas la politique en étant un homme seul. J'ai voulu développer un parti, moderniser un parti, parce que je pense que la meilleure façon de changer la politique, c'est de changer les partis politiques. On ne peut pas faire les choses seul, et tous ceux qui adhèrent à l'UMP, je leur ai promis quelque chose, c'est qu'ils auraient le droit à la parole, c'est-à-dire, c'est eux qui voteront sur les principales étapes du projet, et c'est eux qui choisiront nos candidats, y compris le candidat à la présidentielle. En bref, ta voix de citoyen, elle pèse plus lourd si tu adhères à un parti politique qui te permet de choisir quel sera le candidat et quel sera le projet.
LLM : Donc ça, c'est très très blog, c'est-à-dire que les blogs, les gens participent, s'expriment...
NS : C'est la société interactive. Il n'y a pas d'un côté celui qui sait, et puis d'un autre, celui qui ne sait pas.
LLM : Est-ce qu'on va voir sur le site de l'UMP, ou à l'UMP en général, plus de gens qui s'expriment dans des...
NS : Pas simplement sur le site de l'UMP, je veux que l'UMP soit le lieu des grands débats de la société française. Les problèmes sont complexes, il n'y a pas de vérité révélée. C'est extrêmement difficile. Eh bien cherchons, trouvons ensemble, innovons, imaginons, il n'y a pas de sujets tabous. Je veux que ce soit un endroit de liberté, l'UMP.
LLM : Alors justement, sans sujet tabou, ça doit être dur, moi je m'intéressais personnellement, ce que tu as vécu récemment doit être assez difficile, dans les banlieues, ces attaques personnelles permanentes, ça fait partie du politique, ça vient avec le...
NS : Mais tu sais, moi j'essaie de rester zen. Qu'est-ce que j'observe : ceux qui attaquent, qu'est-ce qu'ils ont fait... Rien. Moi, mon boulot, c'est de faire. J'ai eu à gérer cette crise, et je peux regarder les Français en leur disant : « Voilà, on a eu 25 nuits d'émeute, il n'y a pas eu un mort ». La police s'est remarquablement comportée, et la stratégie qu'on a mise en place, elle a permis de ramener l'ordre sans drame. C'est ça qui compte. Alors après, il y en a qui s'agitent, qui font ce qu'ils font...
LLM : Djamel Debbouze, dans le Figaro , ce matin...
NS : Mais je suis heureux, car je leur fais de la publicité, au fond. Ils doivent tous avoir un film ou un CD à vendre, eh bien tant mieux, si je peux les aider, c'est ma contribution à leur popularité.
LLM : Donc ça, ce sont les critiques qui sont quand même quotidiennes. Sur l'expérience terrain, je crois que dans les banlieues pendant tes visites...
NS : Mais tu sais, l'expérience terrain...
LLM : Il y a eu des blessés quand même !
NS : Oui, mais c'est très passionnant, j'ai fait 46 déplacements dans les quartiers les pires...
LLM : Où est-ce que c'était le pire ?
NS : 14 nuits blanches !
LLM : Quelle est ta pire expérience ?
NS : Hmm, c'est qu'il y en a eu tellement, hein... bon, Grigny, 2 h 30 du matin, on a tiré avec des cartouches de 12 sur 11 fonctionnaires de police qui ont eu le sang-froid de ne pas répondre avec leur arme. Euh... Argenteuil, une bande de voyous, là, nous attendait durement... Bon, 14 nuits blanches, mais quand je voyais les gens, les vrais gens, ceux qui habitent là-bas, ils me disaient : « Merci, on n'en peut plus, on a peur ». Pourquoi, depuis trop longtemps, la République accepte-t-elle ça ? Il faut voir ce que c'est, habiter ces quartiers et être terrorisé au moment d'entrer dans son immeuble parce qu'il y a une bande de 10 loubards qui essaient de vous barrer le chemin, ce n'est pas facile de vivre avec la peur au ventre. Et moi, je veux travailler pour ces gens qui se lèvent tôt le matin et qui n'ont pas à avoir peur... qui se demandent pourquoi celui là, qui ne se lève pas, qui "deale" de la drogue, gagne plus d'argent qu'eux. Et puis tous ces voyous qui brûlent des voitures, moi, je pose une question : pourquoi ils ne brûlent jamais la leur, de voiture ? hein ? Pourquoi c'est toujours celle du voisin ?
LLM : Alors tu cites le mot "voyou", est-ce qu'il y a des mots que tu regrettes d'avoir prononcé ? NS : Non, non, non, non. Tu veux dire : racaille ?
LLM : Par exemple !
NS : Ben, je ne sais pas de... la... la langue française est riche. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas utiliser toute la panoplie de cette richesse. "Racaille", c'était un mot que j'ai repris, c'est du vécu. Une dame à Argenteuil me dit : « Monsieur Sarkozy, débarrassez-nous de cette racaille, je vous en prie, on n'en peut plus ». J'ai dit : « Oui Madame, je vais vous débarrasser de cette racaille ». C'est des mots de tous les jours. Un homme politique, il doit se faire comprendre.
LLM : Oui, c'est un petit peu faire de toi un bouc émissaire que de rappeler en permanence ces mots-là alors...
NS : Oui, mais tu sais, moi, je reste tranquille là-dessus, mais ça s'appelle quoi, c'est de l'amalgame, et l'amalgame, c'est l'arme des fascistes. C'est-à-dire que ceux qui font ça, ils font ce qu'ils croient dénoncer. Ce n'est pas très intelligent.
LLM : Alors sur la France, est-ce que comme... Jospin tu vas, si je me souviens bien, annoncer ta candidature par fax ?
NS : Et quelle comparaison, mon Dieu ! Ben j'espère, dans ce cas-là, que ça me portera davantage...
LLM : Est-ce que tu le feras par blog ?
NS : Mais je ne sais pas (rires), je pense que... tiens, mais c'est une bonne idée !
LLM : Donc sur un blog ?
NS : Je peux t'appeler ?
LLM : Avec plaisir !
NS : Tu te rends compte, on fait un émission du siècle, là !
LLM : (rires) Mon blog t'est ouvert, Nicolas, en permanence...
NS : Ah d'accord, ben... c'est une sacrée bonne idée, tiens. Je vais y penser.
LLM : Je te prends au mot, tu annonces ta candidature...
NS : Bon, qu'est-ce que tu m'amènes comme cadeau, là ?
LLM : (rires)
NS : Parce que un iPod pour participer oui, mais pour que je l'annonce, alors, ça, c'est plus !
LLM : Ça pourrait être sur le tien (rires). Il s'agit pas de...
NS : Non, non, non, j'aime mieux être chez toi, au contraire... au contraire !
LLM : Bon, ben, écoute, je m'en souviendrai...
NS : Et ben, écoute, on en reparle, allez... à la fin de l'année 2006.
LLM : D'accord. Et sur la campagne, juste pour terminer, si tu as encore quelques minutes, est-ce qu'on peut avoir un petit avant-goût des grandes idées, puisque tu es un homme d'action ? Quelle est l'action... parce que, il y a quand même un sentiment de Français...
NS : Tu sais, je... je... c'est beaucoup trop tôt pour en parler, mais...
LLM : Bien sûr !
NS : Je vais te dire juste une chose, c'est que je ne ferai pas de compromis... au sens où je crois... enfin j'ai des convictions, je veux les faire partager. Je crois savoir ce qu'il faut pour que chacun ait sa place dans notre pays, et je ne ferai pas de petites compromissions...
LLM : L'entrepreneur, par exemple, est-ce qu'il a une...
NS : Je ne ferai pas de petites compromissions. Mais bien au-delà de l'entrepreneur, moi je veux que tous ceux qui se donnent du mal, ils aient la récompense des efforts qu'ils font : entrepreneurs, enseignants, fonctionnaires, jeunes, moins jeunes, peu importe. La seule chose qui compte, tu te donnes plus de mal que les autres, tu dois avoir la récompense de ton investissement.
LLM : Alors, si tu ne nous donnes pas, ce que je comprends tout à fait, quelques avant- goûts des grands thèmes de la campagne, c'est Noël, est-ce que tu peux donner un avant-goût des vœux que tu souhaiterais pour les Français ou pour les blogueurs ? Au choix, qui nous regardent !
NS : D'abord, les vœux pour les blogueurs, c'est que ton site, ton blog ait un plus grand succès, et puis pour chacun de ceux qui nous regardent, qu'ils aient une année 2006 la plus passionnante possible. Parce qu'au fond, je crois, le pire dans la vie, c'est de se lever le matin, disant : « Mon Dieu, qu'est ce qu'on va faire, on s'ennuie... ». La passion, c'est quand même ce qui reste, dans tous les domaines, le plus important.
Mais si tu veux, je t'invite à voir mon bureau...
LLM : Avec plaisir, j'adorerais !
NS : Tu vois, ça, c'est le salon pour les invités ! Ça, c'est le bureau traditionnel du ministre de l'Intérieur...
LLM : Impressionnant !
NS : C'est toujours le même. Ça ne bouge jamais.
LLM : Mais alors, il n'y a pas d'ordinateur sur le bureau, par exemple.
NS : Non, il n'y a pas d'ordinateur, parce que les décisions à prendre, ce ne sont pas des décisions par ordinateur. Mais j'y suis assez peu, d'ailleurs. La vérité c'est que je suis toujours parti... toujours, toujours, toujours parti. On a une autre salle où on peut travailler, et c'est ici. Et puis tu vois, il y a un petit jardin.
LLM : Oui, c'est magnifique...
NS : C'est sympa l'été !
LLM : Et alors, tu vis au-dessus ?
NS : Et je vis au-dessus, j'habite au-dessus, tu vois. Là c'est les bureaux, et puis j'habite au-dessus. Parce que le ministre de l'Intérieur, il doit être mobilisé 24 heures sur 24.
LLM : Et quel est l'agenda cette semaine, par exemple ?
NS : L'agenda, bon, j'essaie de me réveiller vers 6 heures, et puis j'arrête entre minuit et 1 heure. Voilà à peu près l'agenda. Mais j'ai un grand avantage, c'est que j'habite ici, donc, tu vois. Dans la journée, je travaille ici et le soir, la nuit, je travaille là-haut.
LLM : (rires) Non stop ! Combien d'heures tu dors, chaque nuit ?
NS : Ben pas suffisamment... malheureusement. Merci à vous, en tout cas !
LLM : Merci beaucoup.
NS : À bientôt, j'oublie pas l'invitation.
LLM : D'accord !