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l'histoire de France, La république

Place de l'Hôtel de ville, durant cette froide journée de décembre 1870, la foule des Parisiens piétine autour de planches posées sur des tréteaux. Un marché? Oui. Le plus étrange sans doute que l'on ait vu jamais dans la capitale. Sur ces tables improvisées se trouvent en effet de grandes cages. Et, à l'intérieur de celles-ci, s'agitent des rats. Des centaines de rats. Ils sont à vendre.

Hommes et femmes se penchent, regardent attentivement, font leur choix, désignent au marchand l'un des rats. L'homme, à l'aide d'une baguette, pousse l'animal dans une cage plus petite. Attaché à la table, un énorme dogue attend, grognant et grondant. Brusquement, sous son nez, le marchand lâche le rat. Avec une extraordinaire rapidité, le dogue l'attrape et, d'un seul coup de dents, l'étrangle. Il ne reste plus au marchand qu'à ramasser le rat mort, à l'envelopper, à le tendre à l'acheteur. - Douze sous, s'il vous plaît. L'acheteur paye et s'en va. Le soir, à la maison, le rat, tantôt rôti au four, tantôt cuit en cocotte, fera la joie de toute une famille.

Ne sursautez pas: durant l'hiver de 1870-1871, le rat est devenu un mets de choix. Après la captivité de Napoléon III et la proclamation de la République, la guerre a continué. Les Prussiens sont venus mettre le siège devant Paris. Impossible d'y entrer, impossible d'en sortir. Bientôt, les vivres manquent. Les Parisiens ont faim. Que manger? On commence par du cheval. Jusque-là on considérait comme un crime d'inscrire ce noble animal à un menu. On a dû s'y faire - et on s'y est très bien fait. Quand les chevaux disparaissent à leur tour, on se jette sur toutes les autres bêtes comestibles : le chien, le chat, le rat. Jusqu'aux animaux du jardin des Plantes que l'on doit sacrifier. On mange du zèbre, du casoar, du kangourou, du renne, de l'éléphant. Paris, à bout de forces, de munitions, de victuailles, doit capituler. Les Parisiens, hâves, amaigris, se ruent vers les banlieues les plus proches. On pleure, mais on mange.

Le 28 janvier 1871, un armistice est signé avec les Prussiens.

Les Français élisent une Assemblée nationale qui va se réunir à Bordeaux.

Surprise ! Alors que, depuis le 4 septembre précédent, on vit officiellement en république, ces députés, dans leur grande majorité, ne sont pas républicains. La raison en est simple: les hommes d'État favorables à la république, tels que Gambetta, se déclarent pour la poursuite de la guerre. Ils jurent que l'on peut encore se battre et - qui sait? - vaincre les Allemands. Les Français sont las de la guerre. Ils ont voté pour les candidats royalistes qui, eux, ont promis de signer la paix.

Nous avons déjà rencontré Adolphe Thiers en 1830. Depuis il a été président du Conseil de Louis-Philippe et, sous Napoléon III, s'est montré un opposant acharné. Élu « chef du pouvoir exécutif» par l'Assemblée, il négocie avec le Prussien Bismarck le traité de paix qui comporte, hélas, la cession à l'Allemagne de l'Alsace (sauf Belfort) et d'une partie de la Lorraine. La France doit payer à son vainqueur une somme énorme : 5 milliards.

Va-t-on voir renaître enfin cette paix qui permettra de panser les plaies innombrables dues à la guerre?

Cette année-là, le printemps est précoce. Le 18 mars 1871, un samedi, à 3 heures du matin, le clairon sonne dans les casernes de Paris. Les soldats, mal réveillés et maugréant, se rassemblent dans les cours. En bon ordre, ils sortent des casernes.

L'opération voulue par monsieur Thiers est commencée. M. Thiers sait que les républicains sont plus nombreux à paris qu'en province. Et que les parisiens craignent une restauration de la monarchie par l'assemblée nationale, laquelle vient de se transporter à Versailles. Qu'arrivera-t-il si Paris se soulève contre l'assemblée ? Or, les Parisiens possèdent des canons. Ils ses ont payés eux-mêmes, par souscription publique, pendant le siège. Pour éviter que ces canons ne tombent dans les mains des Prussiens, ils les ont transportés à Montmartre et à belleville. Ces canons rendent les Parisiens redoutables. Ils sont pour M. Thiers une véritable obsession.

Il s'est donc décidé : il les fera enlever. De force. Voilà pourquoi, pendant la nuit, la troupe marche vers Belleville et Montmartre.

A l'endroit même ou se trouve la basilique du Sacré-Cœur de nos jours, se trouvait en 1871 le parc où l'on avait rassemblé les fameux canons. Voici les troupes de M. Thiers. Elles s'élancent baïonnette en avant. Les gardes nationaux qui surveillent le parc prennent les armes et accourent. Ils sont accueillis à coups de fusil et se rendent. Les canons sont pris. M. Thiers peut être satisfait.

Pour emporter ces canons, il faut des chevaux. Ils devraient être là. A la suite de quelle négligence, de quelle incurie, l'ordre n'a-t-il pas été donné ? On ne l'a jamais su. Toujours est-il que les chevaux n'arrivent pas. On va les attendre pendant quatre heures ! Pendant tout ce temps, les troupes demeurent l'arme au pied – sans avoir bu ni mangé. Les habitants de Montmartre se sont éveillés. Ils ont appris la nouvelle: - On enlève nos canons ! Toute la population - jeunes et vieux, hommes et femmes est dans la rue. Certains crachent des insultes à la face des soldats, mais les autres leur demandent seulement ce qu'ils font là. On leur rappelle que les canons appartiennent au peuple et qu'eux, les soldats, sont aussi du peuple. On les invite à prendre un verre. Des femmes leur apportent du café.

Soudain les cloches sonnent le tocsin, les tambours battent le rappel. Les chefs de la garde nationale du quartier convoquent leurs hommes.

Quand le général Lecomte, qui commande la troupe, voit surgir les gardes nationaux en groupe compact, il perd la tête. Il hurle: -Feu! Le malheureux! Depuis des heures, ses soldats rient, plaisantent avec les badauds. Comment tireraient-ils maintenant sur la foule?

Au lieu d'obéir à leur général, les soldats mettent la crosse en l'air ou jettent leurs fusils. La troupe et la garde nationale, dans une immense acclamation, fraternisent.

Quelques heures plus tard, dans la cour d'un bal public de la rue Clignancourt, le général Lecomte sera fusillé : la première victime d'un mouvement révolutionnaire que l'on appelle la Commune. C'est ainsi, une nouvelle fois, que s'engage entre Français une de ces guerres civiles dont notre histoire se désole. Aux premières nouvelles de l'insurrection, M. Thiers s'affole. En agitant furieusement son toupet de cheveux blancs, il annonce aux ministres, stupéfaits, son intention de quitter Paris avec le gouvernement et l'armée. Ce qu'il fait, le jour même. Abandonnés à eux-mêmes, les Parisiens vont élire un Conseil de 86 membres et un gouvernement. Ils disent qu'ils veulent créer une fédération des communes de France. La Commune ne vivra qu'un peu plus de deux mois. Le 21 mai, l'armée de M. Thiers - comme ces soldats viennent de Versailles, on les appelle les Versaillais - entre dans Paris. Les Communards leur opposent une résistance farouche. Les Versaillais fusillent tous ceux qu'ils font prisonniers. Les Communards ripostent en exécutant des otages.

Le bilan se révèle atroce. La Commune est responsable de 480 exécutions. M. Thiers a fait massacrer au moins 25 000 Parisiens. Douze fois plus de victimes en une semaine que la Terreur en avait fait à Paris en quinze mois!

Mais Adolphe Thiers restera encore trois ans à la tête de la France et sera proclamé « libérateur du territoire» parce qu'il a obtenu rapidement le départ des troupes allemandes. Le 29 janvier 1875, un député gravit les marches de la tribune de l'Assemblée nationale qui siège toujours à Versailles. Son visage rond est encadré d'un collier de barbe grise. Il se nomme Henri Wallon.

Sur les travées, on fait silence. Chacun sait que l'on traverse l'un de ces instants capitaux où l'Histoire peut basculer dans un sens ou dans l'autre. Il y a quatre ans que cette assemblée a été élue pour donner à la France un régime définitif et elle n'y est pas encore parvenue. Puisque la majorité est royaliste, pourquoi n'a-t-elle pas encore proclamé que la France était de nouveau en monarchie? Même le maréchal de Mac-Mahon, qui a succédé à Thiers à la tête de l'État, est royaliste! Vous devez comprendre que cette majorité voulait un roi, en effet, mais que ses membres ne souhaitaient pas tous le même roi ! Certains se déclarent partisans du petit-fils de Charles X, le comte de Chambord - « l'enfant du miracle » -, et d'autres se veulent les fidèles du petit-fils de Louis-Philippe, le comte de Paris. Depuis quatre ans, on court après un impossible accord. Il est clair que l'on ne peut laisser plus longtemps la France dans une telle incertitude. À la tribune, Henri Wallon prend la parole. Il propose à l'assemblée de voter un texte qu'il se met à lire: « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans; il est rééligible. » Vous trouvez probablement ce texte tout simple, sans importance particulière. Erreur. Il est essentiel. Car Henri Wallon, sans faire d'éclat et en douceur, parce qu'il a introduit dans son texte les mots « président de la République », est en train de proposer à ses collègues de renoncer à cette monarchie à laquelle ils tiennent tant. Le lendemain, on vote. À 6 h 45 de l'après-midi, le président proclame le résultat: par 353 voix contre 352 l 'amendement Wallon est adopté. La République est fondée. Elle l'est par une voix de majorité! Mais cette majorité va vite grossir.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous vivons toujours en république. La France en a connu cinq: la Ire, née en 1792; la IIe, née en 1848; la IIIe, née en 1875; la IVe, née en 1946; la Ve, née en 1958, qui est la dernière.

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Place de l'Hôtel de ville, durant cette froide journée de décembre 1870, la foule des Parisiens piétine autour de planches posées sur des tréteaux. Un marché? Oui. Le plus étrange sans doute que l'on ait vu jamais dans la capitale.

Sur ces tables improvisées se trouvent en effet de grandes cages. Et, à l'intérieur de celles-ci, s'agitent des rats. Des cen­taines de rats. Ils sont à vendre.

   Hommes et femmes se penchent, regardent attentivement, font leur choix, désignent au marchand l'un des rats. L'homme, à l'aide d'une baguette, pousse l'animal dans une cage plus petite. Attaché à la table, un énorme dogue attend, grognant et grondant. Brusquement, sous son nez, le marchand lâche le rat. Avec une extraordinaire rapidité, le dogue l'attrape et, d'un seul coup de dents, l'étrangle.

    Il ne reste plus au marchand qu'à ramasser le rat mort, à  l'envelopper, à le tendre à l'acheteur.

- Douze sous, s'il vous plaît.

L'acheteur paye et s'en va. Le soir, à la maison, le rat, tantôt rôti au four, tantôt cuit en cocotte, fera la joie de toute une famille.

Ne sursautez pas: durant l'hiver de 1870-1871, le rat est devenu un mets de choix.

Après la captivité de Napoléon III et la proclamation de la République, la guerre a continué. Les Prussiens sont venus mettre le siège devant Paris. Impossible d'y entrer, impossible d'en sortir. Bientôt, les vivres manquent. Les Parisiens ont faim. Que manger? On commence par du cheval. Jusque-là on consi­dérait comme un crime d'inscrire ce noble animal à un menu. On a dû s'y faire - et on s'y est très bien fait.

Quand les chevaux disparaissent à leur tour, on se jette sur toutes les autres bêtes comestibles : le chien, le chat, le rat. Jusqu'aux animaux du jardin des Plantes que l'on doit sacrifier. On mange du zèbre, du casoar, du kangourou, du renne, de l'élé­phant.

Paris, à bout de forces, de munitions, de victuailles, doit capi­tuler. Les Parisiens, hâves, amaigris, se ruent vers les banlieues les plus proches. On pleure, mais on mange.

Le 28 janvier 1871, un armistice est signé avec les Prussiens.

Les Français élisent une Assemblée nationale qui va se réunir à Bordeaux.

Surprise ! Alors que, depuis le 4 septembre précédent, on vit officiellement en république, ces députés, dans leur grande majorité, ne sont pas républicains. La raison en est simple: les hommes d'État favorables à la république, tels que Gambetta, se déclarent pour la poursuite de la guerre. Ils jurent que l'on peut encore se battre et - qui sait? - vaincre les Allemands. Les Français sont las de la guerre. Ils ont voté pour les candidats royalistes qui, eux, ont promis de signer la paix.

Nous avons déjà rencontré Adolphe Thiers en 1830. Depuis il a été président du Conseil de Louis-Philippe et, sous Napoléon III, s'est montré un opposant acharné. Élu « chef du pouvoir exécutif» par l'Assemblée, il négocie avec le Prussien Bismarck le traité de paix qui comporte, hélas, la cession à l'Allemagne de l'Alsace (sauf Belfort) et d'une partie de la Lorraine. La France doit payer à son vainqueur une somme énorme : 5 milliards.

Va-t-on voir renaître enfin cette paix qui permettra de panser les plaies innombrables dues à la guerre?

 

Cette année-là, le printemps est précoce. Le 18 mars 1871, un samedi, à 3 heures du matin, le clairon sonne dans les casernes de Paris. Les soldats, mal réveillés et maugréant, se rassemblent dans les cours. En bon ordre, ils sortent des casernes.

L'opération voulue par monsieur Thiers est commencée.

M. Thiers sait que les républicains sont plus nombreux à paris qu'en province. Et que les parisiens craignent une restauration de la monarchie par l'assemblée nationale, laquelle vient de se transporter à Versailles. Qu'arrivera-t-il si Paris se soulève contre l'assemblée ?

Or, les Parisiens possèdent des canons. Ils ses ont payés eux-mêmes, par souscription publique, pendant le siège. Pour éviter que ces canons ne tombent dans les mains des Prussiens, ils les ont transportés à Montmartre et à belleville. Ces canons rendent les Parisiens redoutables. Ils sont pour M. Thiers une véritable obsession.

Il s'est donc décidé : il les fera enlever. De force. Voilà pourquoi, pendant la nuit, la troupe marche vers Belleville et Montmartre.

A l'endroit même ou se trouve la basilique du Sacré-Cœur de nos jours, se trouvait en 1871 le parc où l'on avait rassemblé les fameux canons.

 Voici les troupes de M. Thiers. Elles s'élancent baïonnette en avant. Les gardes nationaux qui surveillent le parc prennent les armes et accourent. Ils sont accueillis à coups de fusil et se rendent. Les canons sont pris. M. Thiers peut être satisfait.

Pour emporter ces canons, il faut des chevaux. Ils devraient être là. A la suite de quelle négligence, de quelle incurie, l'ordre n'a-t-il pas été donné ? On ne l'a jamais su. Toujours est-il que les chevaux n'arrivent pas. On va les attendre pendant quatre heures ! Pendant tout ce temps, les troupes demeurent l'arme au pied – sans avoir bu ni mangé.

Les habitants de Montmartre se sont éveillés. Ils ont appris la nouvelle:

- On enlève nos canons !

Toute la population - jeunes et vieux, hommes et femmes ­est dans la rue. Certains crachent des insultes à la face des soldats, mais les autres leur demandent seulement ce qu'ils font là. On leur rappelle que les canons appartiennent au peuple et qu'eux, les soldats, sont aussi du peuple. On les invite à prendre un verre. Des femmes leur apportent du café.

Soudain les cloches sonnent le tocsin, les tambours battent le rappel. Les chefs de la garde nationale du quartier convoquent leurs hommes.

Quand le général Lecomte, qui commande la troupe, voit surgir les gardes nationaux en groupe compact, il perd la tête. Il hurle:

-Feu!

Le malheureux! Depuis des heures, ses soldats rient, plaisan­tent avec les badauds. Comment tireraient-ils maintenant sur la foule?

Au lieu d'obéir à leur général, les soldats mettent la crosse en l'air ou jettent leurs fusils. La troupe et la garde nationale, dans une immense acclamation, fraternisent.

Quelques heures plus tard, dans la cour d'un bal public de la rue Clignancourt, le général Lecomte sera fusillé : la première victime d'un mouvement révolutionnaire que l'on appelle la Commune.

C'est ainsi, une nouvelle fois, que s'engage entre Français une de ces guerres civiles dont notre histoire se désole. Aux pre­mières nouvelles de l'insurrection, M. Thiers s'affole. En agitant furieusement son toupet de cheveux blancs, il annonce aux ministres, stupéfaits, son intention de quitter Paris avec le gou­vernement et l'armée. Ce qu'il fait, le jour même. Abandonnés à eux-mêmes, les Parisiens vont élire un Conseil de 86 membres et un gouvernement. Ils disent qu'ils veulent créer une fédéra­tion des communes de France.

La Commune ne vivra qu'un peu plus de deux mois. Le 21 mai, l'armée de M. Thiers - comme ces soldats viennent de Versailles, on les appelle les Versaillais - entre dans Paris. Les Communards leur opposent une résistance farouche. Les Versaillais fusillent tous ceux qu'ils font prisonniers. Les Communards ripostent en exécutant des otages.

Le bilan se révèle atroce. La Commune est responsable de 480 exécutions. M. Thiers a fait massacrer au moins 25 000 Parisiens. Douze fois plus de victimes en une semaine que la Terreur en avait fait à Paris en quinze mois!

Mais Adolphe Thiers restera encore trois ans à la tête de la France et sera proclamé « libérateur du territoire» parce qu'il a obtenu rapidement le départ des troupes allemandes.

 

Le 29 janvier 1875, un député gravit les marches de la tribune de l'Assemblée nationale qui siège toujours à Versailles. Son visage rond est encadré d'un collier de barbe grise. Il se nomme Henri Wallon.

Sur les travées, on fait silence. Chacun sait que l'on traverse l'un de ces instants capitaux où l'Histoire peut basculer dans un sens ou dans l'autre.

Il y a quatre ans que cette assemblée a été élue pour donner à la France un régime définitif et elle n'y est pas encore parvenue. Puisque la majorité est royaliste, pourquoi n'a-t-elle pas encore proclamé que la France était de nouveau en monarchie? Même le maréchal de Mac-Mahon, qui a succédé à Thiers à la tête de l'État, est royaliste! Vous devez comprendre que cette majorité voulait un roi, en effet, mais que ses membres ne souhaitaient pas tous le même roi ! Certains se déclarent partisans du petit-­fils de Charles X, le comte de Chambord - « l'enfant du miracle » -, et d'autres se veulent les fidèles du petit-fils de Louis-Philippe, le comte de Paris.

Depuis quatre ans, on court après un impossible accord. Il est clair que l'on ne peut laisser plus longtemps la France dans une telle incertitude.

À la tribune, Henri Wallon prend la parole. Il propose à l'assemblée de voter un texte qu'il se met à lire: « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans; il est rééligible. »

Vous trouvez probablement ce texte tout simple, sans impor­tance particulière. Erreur. Il est essentiel. Car Henri Wallon, sans faire d'éclat et en douceur, parce qu'il a introduit dans son texte les mots « président de la République », est en train de proposer à ses collègues de renoncer à cette monarchie à laquelle ils tiennent tant.

Le lendemain, on vote. À 6 h 45 de l'après-midi, le président proclame le résultat: par 353 voix contre 352 l'amendement Wallon est adopté. La République est fondée. Elle l'est par une voix de majorité! Mais cette majorité va vite grossir.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous vivons toujours en répu­blique. La France en a connu cinq: la Ire, née en 1792; la IIe, née en 1848; la IIIe, née en 1875; la IVe, née en 1946; la Ve, née en 1958, qui est la dernière.