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l'histoire de France, L'épopée industrielle

Dans la calèche découverte tirée par huit chevaux qui, le 3 mai 1814, s'avance lentement par la rue Saint-Honoré vers le palais des Tuileries, le roi Louis XVIII - le frère cadet de Louis XVI revenu d'un exil de vingt-trois années - salue largement la foule dont les acclamations font s'envoler haut vers le ciel les pigeons de Paris. Le long du parcours, la garde qui, hier encore, était celle de Napoléon fait la haie. Mais beaucoup de « grognards» fidèles à leur empereur, ont rabattu leur bonnet à poil jusque sur leurs yeux : ils estiment que mieux vaut ne rien voir du tout que 'avoir à subir un tel spectacle! Au milieu de la foule, voici, près de sa mère, un garçon de douze ans qui trépigne et crie plus fort encore que les autres: - Vive le roi ! Cet enfant est pourtant fils d'un général de Napoléon, ancien volontaire de la République, le général Hugo. Il se prénomme Victor et deviendra notre plus grand poète. Mais, entre l'opinion de son père bonapartiste et celle de sa mère, il a choisi le royalisme de Mme Hugo. Et il s'égosille à crier derechef: - Vive le roi ! L'année suivante, un autre petit garçon va, du sud au nord, traverser la France. Il a dix ans et il est fils d'un ancien député à la Convention que Napoléon avait nommé sous-préfet. Il s'appelle Auguste Blanqui et sera un jour un homme politique célèbre. Avec une vieille tante et ses quatre frères et sœurs, il va se mettre en route au moment où Napoléon, vaincu à Waterloo, est emmené à Sainte-Hélène.

La France que parcourt Auguste est occupée par les vainqueurs qui étalent partout leur orgueil et leur mépris. Dans le Midi, les royalistes massacrent ceux - tel le maréchal Brune - qui ont servi la Révolution ou l'Empire : c'est la Terreur blanche. Auguste Blanqui n'oubliera jamais ce double souvenir: les vengeances pratiquées par les royalistes et l'occupation humiliante de notre pays. Victor Hugo et Auguste Blanqui ne se rencontreront qu'une seule fois, en 1848. Ils ne se parleront même pas. Si j'ai rapproché ici leurs noms, c'est parce que les réactions de ces deux enfants illustrent bien le fossé qui, au cours de tout le XIXe siècle, va séparer les Français. Le petit Victor Hugo est royaliste parce qu'il croit que les Bourbons vont rendre à la France la liberté que Napoléon lui a ôtée. Le petit Auguste Blanqui déteste Louis XVIII parce qu'il voit en lui l'homme qui est revenu en France grâce aux ennemis de notre pays et qui doit fatalement anéantir les conquêtes de la Révolution. Pendant près de cent ans, les Français vont chercher éperdument quel est le meilleur régime, celui des amis de la Révolution ou celui des adversaires de la Révolution. Les uns, comme Blanqui, resteront toute leur vie fidèles à leurs idées. Les autres, comme Victor Hugo, évolueront. Ils seront les plus nombreux.

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Dans la calèche découverte tirée par huit chevaux qui, le 3 mai 1814, s'avance lentement par la rue Saint-H­onoré vers le palais des Tuileries, le roi Louis XVIII - le frère cadet de Louis XVI revenu d'un exil de vingt-trois années - salue largement la foule dont les acclamations font s'envoler haut vers le ciel les pigeons de Paris.

 

Le long du parcours, la garde qui, hier encore, était celle de Napoléon fait la haie. Mais beaucoup de « grognards» fidèles à leur empereur, ont rabattu leur bonnet à poil jusque sur leurs yeux : ils estiment que mieux vaut ne rien voir du tout que 'avoir à subir un tel spectacle!

 

Au milieu de la foule, voici, près de sa mère, un garçon de douze ans qui trépigne et crie plus fort encore que les autres:

- Vive le roi !

Cet enfant est pourtant fils d'un général de Napoléon, ancien volontaire de la République, le général Hugo. Il se prénomme Victor et deviendra notre plus grand poète. Mais, entre l'opinion de son père bonapartiste et celle de sa mère, il a choisi le roya­lisme de Mme Hugo. Et il s'égosille à crier derechef:

- Vive le roi !

L'année suivante, un autre petit garçon va, du sud au nord, traverser la France. Il a dix ans et il est fils d'un ancien député à la Convention que Napoléon avait nommé sous-préfet. Il s'appelle Auguste Blanqui et sera un jour un homme politique célèbre. Avec une vieille tante et ses quatre frères et sœurs, il va se mettre en route au moment où Napoléon, vaincu à Waterloo, est emmené à Sainte-Hélène.

La France que parcourt Auguste est occupée par les vainqueurs qui étalent partout leur orgueil et leur mépris. Dans le Midi, les royalistes massacrent ceux - tel le maréchal Brune - qui ont servi la Révolution ou l'Empire : c'est la Terreur blanche.

Auguste Blanqui n'oubliera jamais ce double souvenir: les vengeances pratiquées par les royalistes et l'occupation humiliante de notre pays.

Victor Hugo et Auguste Blanqui ne se rencontreront qu'une seule fois, en 1848. Ils ne se parleront même pas. Si j'ai rappro­ché ici leurs noms, c'est parce que les réactions de ces deux enfants illustrent bien le fossé qui, au cours de tout le XIXe siècle, va séparer les Français. Le petit Victor Hugo est royaliste parce qu'il croit que les Bourbons vont rendre à la France la liberté que Napoléon lui a ôtée. Le petit Auguste Blanqui déteste Louis XVIII parce qu'il voit en lui l'homme qui est revenu en France grâce aux ennemis de notre pays et qui doit fatalement anéantir les conquêtes de la Révolution.

Pendant près de cent ans, les Français vont chercher éperdu­ment quel est le meilleur régime, celui des amis de la Révolution ou celui des adversaires de la Révolution. Les uns, comme Blanqui, resteront toute leur vie fidèles à leurs idées. Les autres, comme Victor Hugo, évolueront. Ils seront les plus nombreux.