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Mondovino, L'affaire Mondavi: La guerre des vins.

Un même métier, deux cultures différentes . Entre 2000 et 2001, le petit village d'Aniane, dans le Languedoc-Roussillon, a été le théâtre des dissensions et autres clivages opposant la famille américaine Mondavi et les vignerons et politiciens français de la région. « Ce projet d'investissement semblait paré de toutes les vertus. Conformément à leur culture du win-win-win, les Californiens s'étaient évertués à construire un projet bénéfique où tout le monde semblait gagnant : le groupe Mondavi qui allait produire un grand vin, les viticulteurs et la coopérative locale qui pouvaient prétendre bénéficier du savoir-faire commercial de la firme américaine et même le département de l'Hérault qui allait améliorer son image de producteur de vins de qualité », résume l'auteur. Mondavi : un passionné et un visionnaire . La famille Mondavi, originaire d'Italie et implantée en Californie, s'est construit un nom dans le monde du vin à force de détermination et d'innovations. Mais des discordes se font jour entre les deux frères Mondavi, Robert et Peter. Doté d'un caractère trempé, Robert Mondavi se sépare de son frère dans les années 60 et décide de voler de ses propres ailes. Cette décision, quoique douloureuse, lui sera profitable. Très rapidement, la « Robert Mondavi Winery » fait des émules. Sa stratégie : aller voir ce qui se fait de mieux ailleurs et l'adapter pour tenter de s'en rapprocher voire un jour de le dépasser. « Robert Mondavi parcourt le monde entier pour étudier ce secteur qu'il connaît bien(...) Gary Hamel, l'un des gourous de la stratégie de Harvard, dirait de Mondavi qu'il fait partie de ces révolutionnaires aux cheveux blancs qui ont réussi à réinventer leur secteur d'activités », note Olivier Torrès. A ce caractère de pionnier, s'ajoute une caractéristique propre aux américains qui est celle de considérer l'étranger comme une source potentielle d'enrichissement. C'est ce qui l'amena à conclure un partenariat juteux avec la famille Rothschild vers la fin des années 70. La famille Mondavi ne cache pas son intérêt pour la région du Languedoc et tente de trouver un partenaire local. « Nous trouverons le partenaire et ce sera une famille avec les mêmes valeurs et la même passion que nous. Ce sera une famille qui nous enrichira de son histoire et de son savoir-faire dans la vigne et le vin », disait Michael Mondavi, le fils aîné de Robert.

Quand la politique s'en mêle . Du côté français, la nouvelle d'une probable implantation de Mondavi à Aniane a eu l'effet d'une bombe. Que ce soit les vignerons locaux, les chasseurs, ou les néo-ruraux et autres promeneurs du dimanche, tous refusent l'arrivée de l'Américain. A force de combats et de compromis, une entente semble possible. Chacun peut y trouver son intérêt, hormis un irréductible opposant, le vigneron Aimé Guibert, propriétaire du fameux Daumas Gassac. Ce dernier voit en effet d'un mauvais oeil l'implantation d'un concurrent tel que Mondavi à côté de son exploitation. Il se lance donc dans une résistance virulente et obstinée. Cette rébellion sera lucrative. Les élections municipales approchant, les opinions vont se raffermir. Aimé Guibert va s'associer à un élu communiste, Manuel Diaz, qui se présente contre le maire d'Aniane, André Ruiz. Le maire ayant soutenu le projet Mondavi, il sera désavoué par la population et le dossier sera automatiquement rejeté. Déçue, la famille Mondavi ne cherchera pas à renégocier de contrat, ni à lancer des poursuites contre la mairie d'Aniane pour rupture abusive de contrat. Un an après, un autre dossier sera sur la table. A la différence de celui de Mondavi, le candidat aux vignes d'Aniane est Français et se nomme Gérard Depardieu. Son projet est à quelques détails près identique à celui de Robert Mondavi. Mais celui-ci sera approuvé. Le maire d'Aniane dira notamment pour justifier son choix « Le massif de l'Arboussas n'est toujours pas à vendre. Mais contrairement au projet américain, celui de Messieurs Depardieu et Magrez n'est pas pharaonique ». Des différences culturelles inévitables . Entre quête d'innovation et souci du respect de la tradition et du terroir, les pays producteurs traditionnels (France, Italie, Espagne...) et les nouveaux pays producteurs (Australie, Afrique du Sud, Etats-Unis...) n'ont vraisemblablement pas le même le langage. « A l'instinct d'innovation des Américains, il faut opposer l'instinct de protection qui anime l'esprit d'entreprise français », commente l'auteur, ajoutant « dans les pays anglo-saxons, l'entrepreneur est constamment associé à l'innovation, au dynamisme, à l'initiative privée, au goût du risque... Il incarne une forme de modernité permanente où, contrairement à ce que beaucoup pensent, la quête du progrès est peut-être plus importante que la recherche du profit ». A contrario, il note que l'image de la PME française « reste associée au passé, aux métiers traditionnels ». Olivier Torrès estime également que « ce traditionalisme engendre parfois des réflexes corporatistes reposant sur la défense des avantages acquis et la préservation des rentes de situation ».

Les autres causes de l'échec . A cela, il convient d'ajouter le rôle qu'ont eu les médias en n'assurant pas forcément une couverture équilibrée à chaque protagoniste. « Il est évident que la presse n'a pu résister à la faconde d'un Guibert ou aux diatribes d'un Diaz par rapport au discours policé d'un Pearson (représentant en France de Mondavi) ou effacé d'un Ruiz », remarque Torrès. Mais aussi, un certain anti-américanisme persistant en France a indéniablement joué un rôle important. Enfin, l'auteur pose les risques d'un excès d'altermondialisation. « Si la thèse de la marchandisation du monde repose sur des fondements indéniables, elle peut à son tour devenir excessive et contre-productive », constate Olivier Torrès. « La thèse de la Macdonalisation et l'idéologie montante de l'altermondialisation deviennent excessives lorsqu'elles diabolisent systématiquement l'entreprise et le marché », conclut-il.

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Un même métier, deux cultures différentes . Entre 2000 et 2001, le petit village d'Aniane, dans le Languedoc-Roussillon, a été le théâtre des dissensions et autres clivages opposant la famille américaine Mondavi et les vignerons et politiciens français de la région. « Ce projet d'investissement semblait paré de toutes les vertus. Conformément à leur culture du win-win-win, les Californiens s'étaient évertués à construire un projet bénéfique où tout le monde semblait gagnant : le groupe Mondavi qui allait produire un grand vin, les viticulteurs et la coopérative locale qui pouvaient prétendre bénéficier du savoir-faire commercial de la firme américaine et même le département de l'Hérault qui allait améliorer son image de producteur de vins de qualité », résume l'auteur.

Mondavi : un passionné et un visionnaire . La famille Mondavi, originaire d'Italie et implantée en Californie, s'est construit un nom dans le monde du vin à force de détermination et d'innovations. Mais des discordes se font jour entre les deux frères Mondavi, Robert et Peter. Doté d'un caractère trempé, Robert Mondavi se sépare de son frère dans les années 60 et décide de voler de ses propres ailes. Cette décision, quoique douloureuse, lui sera profitable. Très rapidement, la « Robert Mondavi Winery » fait des émules. Sa stratégie : aller voir ce qui se fait de mieux ailleurs et l'adapter pour tenter de s'en rapprocher voire un jour de le dépasser. « Robert Mondavi parcourt le monde entier pour étudier ce secteur qu'il connaît bien(...) Gary Hamel, l'un des gourous de la stratégie de Harvard, dirait de Mondavi qu'il fait partie de ces révolutionnaires aux cheveux blancs qui ont réussi à réinventer leur secteur d'activités », note Olivier Torrès. A ce caractère de pionnier, s'ajoute une caractéristique propre aux américains qui est celle de considérer l'étranger comme une source potentielle d'enrichissement. C'est ce qui l'amena à conclure un partenariat juteux avec la famille Rothschild vers la fin des années 70. La famille Mondavi ne cache pas son intérêt pour la région du Languedoc et tente de trouver un partenaire local. « Nous trouverons le partenaire et ce sera une famille avec les mêmes valeurs et la même passion que nous. Ce sera une famille qui nous enrichira de son histoire et de son savoir-faire dans la vigne et le vin », disait Michael Mondavi, le fils aîné de Robert.

Quand la politique s'en mêle . Du côté français, la nouvelle d'une probable implantation de Mondavi à Aniane a eu l'effet d'une bombe. Que ce soit les vignerons locaux, les chasseurs, ou les néo-ruraux et autres promeneurs du dimanche, tous refusent l'arrivée de l'Américain. A force de combats et de compromis, une entente semble possible. Chacun peut y trouver son intérêt, hormis un irréductible opposant, le vigneron Aimé Guibert, propriétaire du fameux Daumas Gassac. Ce dernier voit en effet d'un mauvais oeil l'implantation d'un concurrent tel que Mondavi à côté de son exploitation. Il se lance donc dans une résistance virulente et obstinée. Cette rébellion sera lucrative. Les élections municipales approchant, les opinions vont se raffermir. Aimé Guibert va s'associer à un élu communiste, Manuel Diaz, qui se présente contre le maire d'Aniane, André Ruiz. Le maire ayant soutenu le projet Mondavi, il sera désavoué par la population et le dossier sera automatiquement rejeté. Déçue, la famille Mondavi ne cherchera pas à renégocier de contrat, ni à lancer des poursuites contre la mairie d'Aniane pour rupture abusive de contrat. Un an après, un autre dossier sera sur la table. A la différence de celui de Mondavi, le candidat aux vignes d'Aniane est Français et se nomme Gérard Depardieu. Son projet est à quelques détails près identique à celui de Robert Mondavi. Mais celui-ci sera approuvé. Le maire d'Aniane dira notamment pour justifier son choix « Le massif de l'Arboussas n'est toujours pas à vendre. Mais contrairement au projet américain, celui de Messieurs Depardieu et Magrez n'est pas pharaonique ».

Des différences culturelles inévitables . Entre quête d'innovation et souci du respect de la tradition et du terroir, les pays producteurs traditionnels (France, Italie, Espagne...) et les nouveaux pays producteurs (Australie, Afrique du Sud, Etats-Unis...) n'ont vraisemblablement pas le même le langage. « A l'instinct d'innovation des Américains, il faut opposer l'instinct de protection qui anime l'esprit d'entreprise français », commente l'auteur, ajoutant « dans les pays anglo-saxons, l'entrepreneur est constamment associé à l'innovation, au dynamisme, à l'initiative privée, au goût du risque... Il incarne une forme de modernité permanente où, contrairement à ce que beaucoup pensent, la quête du progrès est peut-être plus importante que la recherche du profit ». A contrario, il note que l'image de la PME française « reste associée au passé, aux métiers traditionnels ». Olivier Torrès estime également que « ce traditionalisme engendre parfois des réflexes corporatistes reposant sur la défense des avantages acquis et la préservation des rentes de situation ».

Les autres causes de l'échec . A cela, il convient d'ajouter le rôle qu'ont eu les médias en n'assurant pas forcément une couverture équilibrée à chaque protagoniste. « Il est évident que la presse n'a pu résister à la faconde d'un Guibert ou aux diatribes d'un Diaz par rapport au discours policé d'un Pearson (représentant en France de Mondavi) ou effacé d'un Ruiz », remarque Torrès. Mais aussi, un certain anti-américanisme persistant en France a indéniablement joué un rôle important. Enfin, l'auteur pose les risques d'un excès d'altermondialisation. « Si la thèse de la marchandisation du monde repose sur des fondements indéniables, elle peut à son tour devenir excessive et contre-productive », constate Olivier Torrès. « La thèse de la Macdonalisation et l'idéologie montante de l'altermondialisation deviennent excessives lorsqu'elles diabolisent systématiquement l'entreprise et le marché », conclut-il.