Carnet de voyage - 8
Mercredi 15 décembre En dépit de l'épais brouillard et du crachin qui tombait depuis hier soir, nous avons décidé de prendre le chemin du retour. Nous nous sommes donc mis en route tôt ce matin, bien que les conditions météo allaient en empirant. Après seulement une heure de marche le long des berges détrempées de la rivière, sur un sol où nous nous enlisions à chacun de nos pas, nous avons finalement décidé de nous diriger vers la chaîne de montagne sur notre gauche. Nous comptions y trouver un col assez facile à franchir. Il s'avéra que ce fût une grosse erreur. Une fois engagés dans la pente, le vent a redoublé d'intensité et le brouillard s'est encore épaissi au point que nous ne pouvions distinguer quoi que ce soit à plus de cinq mètres. Il fallait bien reconnaître que nous étions complètement égarés.
Un peu plus tard, profitant d'une meilleure visibilité pendant un bref instant, nous avons réussi à repérer un chemin dans une vallée qui ressemblait à un itinéraire que nous avions déjà pris auparavant. Yvan, le plus expérimenté d'entre nous, réussit à nous convaincre d'emprunter ce passage. Nous avions de toute façon abandonné depuis longtemps l'idée de rejoindre la base aujourd'hui. Le plus raisonnable était de gagner l'abri de la « Baie Américaine », chose plus facile à dire qu'à faire ! La vallée que nous étions en train de traverser depuis deux heures, n'était en fait pas celle escomptée. Nous nous sommes aperçu de notre erreur à l'occasion d'une courte éclaircie pendant laquelle nous avons pu nous repérer d'après le relief. Au moins, nous n'étions plus perdus puisque nous savions maintenant que la « baie Américaine » se trouvait au bout de la vallée parallèle à celle que nous descendions. Nous avons donc poursuivi notre route et attaqué la pente rocheuse qui nous séparait de la bonne vallée. Rien que de penser au confort du chalet, et malgré la fatigue qui nous accablait, nous avons littéralement avalé les derniers hectomètres d'ascension, puis nous avons dévalé la pente opposée qui nous mena droit au chalet. Cela ne nous pris qu'une petite heure pour arriver trempés des pieds à la tête mais tellement soulagés d'être enfin arrivés avant la nuit. Jeudi 16 décembre Gilles et Dominique ont quitté le shelter à huit heures ce matin , alors qu'Yvan et moi avions décidé de rester encore un peu, juste le temps d'inventorier et de trier la nourriture conservée dans des containers adaptés afin qu'elle reste comestible le plus longtemps possible. Le problème, c'est que les gens de passage mangeaient la première nourriture qui leur tombait sous la main, sans tenir compte des dates de péremption. Bon nombre de boites de conserve se trouvaient ainsi périmées ou sur le point de l'être. Nous avons terminé le rangement en fin d'après-midi, et comme d'épais nuages chargés de pluie arrivaient au loin, nous avons refait nos sacs à dos et pris la route du retour. Vendredi 17 décembre J'ai passé la majeure partie de mon temps à préparer le cadeau de Noël pour Dominique. Chacun de nous avait été tiré au sort pour faire un cadeau à quelqu'un, de façon à ce que tout le monde ait un présent sous le sapin le soir de Noël. Bien sûr, personne ne savait qui confectionnait un cadeau pour qui. Tous les allées et venues du personnel étaient entourées de mystère car tout le monde était bien sûr à l'affût de la moindre indiscrétion. Les jours qui nous séparaient de Noël étaient de plus en plus excitants.
Comme Dominique était fan de plongée sous-marine, j'ai fabriqué une statuette représentant un plongeur, en soudant des clous, des vis et des boulons ensemble, à la manière de célèbres sculpteurs tels César ou Rodin, mais avec moins de succès il faut le reconnaître. Une fois terminée, mon œuvre ressemblait plus ou moins à un plongeur tenant un harpon à bout de bras. J'étais assez fier de mon travail, espérant que Dominique l'apprécierait. Samedi 18 décembre Erick a quitté la base ce matin pour une randonnée de deux jours, je serai donc seul à la station. Heureusement qu'il y a moins de travail le week-end ! J'ai eu cependant beaucoup de visiteurs qui venaient, soit pour passer un coup de fil à leurs familles, soit pour envoyer des fax ou tout simplement pour faire une pause dans leur travail et siroter un café, accoudé au comptoir. Le temps est passé finalement très vite et juste après dîner, j'ai regagné ma chambre en vue de passer une soirée au calme. Dimanche 19 décembre La journée a été spéciale à plus d'un titre. Tout d'abord, c'était l'anniversaire de Guillaume, que nous avons fêté dignement. Ensuite, nos amis créoles nous ont cuisiné un succulent repas typique de chez eux, c'est-à-dire très épicé. Nous avons donc bu plus que de coutume, pour éteindre le feu dans notre bouche. Ce repas était organisé en célébration de l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage dans les colonies Françaises. Enfin, nous avons eu la chance d'observer les premiers orques qui viennent d'arriver dans les eaux froides de notre archipel. Ils vont chasser dans les environs, tant que les éléphants de mer mettront bas leurs petits, qui sont la nourriture préférée des orques.
Lundi 20 décembre Nous avons eu un orage assez violent durant la nuit, et ce matin, j'ai fait l'inventaire des dégâts. Quelques lignes téléphoniques et la station météo ont subi quelques avaries. Mise à part cela, la journée a été relativement calme, si ce n'est le vent violent qui a soufflé à près de 130 kilomètres à l'heure, mais çà, on commence à s'y habituer.