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La France pendant la deuxième guerre mondiale, Le Parti communiste hors la loi

Le rapprochement entre Hitler et Staline avait créé à l'extrême gauche une situation toute nouvelle : depuis le grand tournant de 1934-1935, le Parti communiste était le champion d'une politique de résistance au national-socialisme; il avait été le seul adversaire déterminé des accords de septembre 1938 et le dénonciateur le plus impitoyable de l'esprit de Munich. La solidarité avec.l'Union soviétique avait autant de part à sa fermeté que l'hostilité au système. La soudaine volte-face de Moscou le met brusquement en porte à faux. Depuis, les propagandes contraires, l'exploitation par les anticommunistes et la réécriture a posteriori par les communistes, embrouillant à plaisir cette histoire déjà assez compliquée par elle-même, l'ont enveloppée de tant de brouillard qu'il faut commencer par rétablir les faits dans l'ordre où ils se sont produits: la chronologie est ici d'une importance décisive. Les évolutions ont été parfois si brusques qu'il est capital de restituer l'enchaînement et de mettre les ruptures en évidence. Dans un premier temps, assez bref, qui couvre approximativement la première quinzaine de septembre, rien n'est changé à la position du parti: il veut se convaincre que Staline n'a pas eu d'autre pensée que de préserver l'avenir de la liberté, et il est pour la fermeté face à Hitler. Le gouvernement n'a pris aucune mesure de police à l'encontre du parti, à l'exception de la suspension des quotidiens L' Humanité et Ce soir au lendemain du pacte; il fait le même pari de la confiance que le gouvernement de 1914 à l'égard des syndicalistes révolutionnaires. Au reste les députés communistes ont voté les crédits exceptionnels et les militants rejoint leurs unités.

Un changement à 180 degrés se dessine après le 17 septembre : ce Jour-là, les troupes soviétiques ont pénétré en Pologne à la rencontre des armées allemandes; il est désormais patent que ce n'est pas pour secourir la Pologne, mais bien pour prélever leur part des dépouilles de la malheureuse nation. L'Armée Rouge vient border le cours du Bug, qui délimite désormais les zones occupées par les deux signataires du pacte du 23 août. La présomption qu'il existe un accord secret de partage est confirmée. Situation toute nouvelle : l'Union soviétique n'est plus seulement coupable de neutralité complaisante pour l'agresseur. Dès lors, les communistes qui ne désapprouveraient pas l'intervention soviétique donneraient leur assentiment à l'action belliqueuse d'une puissance étrangère qui est l'ennemie déclarée du pays pour le salut duquel la France est entrée en guerre. Or, à peu près dans le même temps, il apparaît à quelques indices que la direction du Parti communiste français infléchit son orientation : hier elle approuvait l'entrée en guerre, maintenant elle la dénonce comme une guerre impérialiste dictée aux peuples par les intérêts du capitalisme. Ses élus font campagne pour que la France accepte les offres de paix immédiate de Hitler. Le parti, reniant quatre années de conversion patriotique, fait retour au pacifisme et au défaitisme révolutionnaire. Le 4 octobre, Maurice Thorez, obtempérant à un ordre de l'Internationale, quitte son cantonnement et disparaît : on le retrouvera quelques mois plus tard à Moscou; la désertion, en temps de guerre, du secrétaire général consomme la rupture du parti avec la nation. Cette volte-face a jeté le trouble dans le parti. On mesure mal l'étendue des dissidences. Le parti ayant été aussitôt acculé à la clandestinité et un réflexe élémentaire de solidarité ayant retenu les dissidents d'étaler leur désaccord. On connaît cependant quelques ruptures notoires, telle celle de Paul Nizan. On a aussi dit que Gabriel Péri, le spécialiste de la politique étrangère, avait connu quelques états d'âme. Vingt-deux des députés élus en 1936 ont désavoué la direction et quitté le groupe parlementaire : près d'un tiers de ceux à qui le parti avait confié l'honneur de le représenter! Si telle fut la proportion chez les hauts responsables, on imagine ce que dut être le désarroi chez les militants, en particulier chez ceux, de beaucoup les plus nombreux, qui avaient rejoint le parti en 1935-1936 parce qu'il s'identifiait à la défense des libertés démocratiques contre les dictatures et qu'il avait été le seul à s'opposer à Munich : il n'est donc pas déraisonnable d'estimer qu'à partir du début d'octobre 1939 le parti est en pleine décomposition. Seules, les mesures de répression ont limité sa désintégration et fait obstacle à la manifestation au grand jour des divergences sur la ligne adoptée par la direction alignée sur Moscou. Léon Blum aurait souhaité que ne fût prise à l'encontre des communistes aucune mesure de contrainte, mais comment un gouvernement responsable du moral de la nation aurait-il pu tolérer qu'une formation politique se déclarât solidaire d'une puissance étrangère devenue l'alliée et la complice de l'ennemi, et que ses représentants élus fissent ouvertement leurs les propositions de paix de Hitler sur le cadavre de la Pologne amie et vaincue? En 1914·1918, des hommes politiques avaient été poursuivis, traduits en Haute Cour, condamnés pour intelligence avec l'ennemi pour beaucoup moins. La répression ne s'abat sur le parti qu'après l'invasion de la Pologne par l'armée soviétique : la dissolution est décrétée le 27 septembre. Le 20 février 1940, la Chambre prononce la déchéance des quarante-cinq députés qui n'ont pas rompu ouvertement avec l'U.R.S.S. : quelques jours plus tard, ils sont condamnés à des peines d'emprisonnement et transférés dans le Sud algérien. La police traque les militants suspects de rester en contact avec la direction clandestine formée, depuis le départ de Thorez, par Jacques Duclos et Benoît Frachon, ou qu'on surprend à faire de la propagande en faveur d'une paix blanche: la chasse aux communistes est menée avec une ardeur égale dans les syndicats: tous ceux qui n'ont pas publiquement désavoué le pacte germano-soviétique sont écartés des postes de responsabilité. Les communistes prendront leur revanche en 1944 en excluant impitoyablement tous les syndicalistes qui ont pactisé avec les munichois.

Les mois passent, et la situation intérieure se dégrade lentement: les mobilisés se demandent à quoi rime cette attente inutile. L'activité politique, suspendue depuis l'entrée en guerre, se réveille dans la classe politique. Les députés regimbent contre le style du président du Conseil, dont l'autorité s'effrite; il est devenu évident qu'il n'est pas l'homme de la situation. Loin d'être un autre Clemenceau, il varie au gré des influences, hésite à trancher. Le cabinet est divisé, Daladier ayant conservé des ministres qui penchent vers l'apaisement. Les adversaires, s'ils n'ont pu empêcher l'entrée en guerre, n'ont pas désarmé: ils n'ont pas renoncé à mettre fin à un conflit qui leur semble mal engagé et qu'ils ne jugent pas justifié. Se constitue officieusement un parti de la paix qui réunit des parlementaires de droite, des radicaux, des socialistes, et qui conjugue les deux branches du pacifisme qui se sont peu à peu dessinées dans l'avant-guerre. S'ils ne sont pas assez nombreux pour ouvrir une crise, ils sont à l'affût d'une occasion. A l'opposé, d'autres critiquent l'inaction du gouvernement : il devient chaque jour plus évident que la France ne pourra s'en tenir longtemps à cette stratégie passive. La convergence de ces critiques aboutit, en mars, après la conclusion de l'armistice entre la Finlande et l'U.R.S.S., ressenti à Paris comme une défaite, à la démission de Daladier. Le président Lebrun appelle, pour former le gouvernement, l'homme fort du cabinet démissionnaire, qui dirige depuis seize mois la politique financière et économique, fait figure de chef de file de la tendance intransigeante et a une réputation d'énergie, Paul Reynaud. Sa personnalité n'est pas ordinaire: il a une culture économique qui fait défaut à la plupart de ses collègues. Il a pris des positions originales sur plusieurs questions essentielles et montré une grande clairvoyance : sur la dévaluation, sur la stratégie; depuis 1935, il a épousé les vues du colonel de Gaulle sur la stratégie de mouvement et la constitution de grandes unités mécaniques. Mais il s'est aussi acquis beaucoup d'ennemis par sa façon de faire la leçon et son absence de modestie. La gauche n'oublie pas qu'il vient de la droite, et une partie de la droite craint qu'il ne jette le pays dans des expéditions aventureuses. Cette défiance et cette réserve s'expriment au cours du débat sur la déclaration du gouvernement, qui a été écrite par de Gaulle. Dans le scrutin, les députés se divisent : 268 votent la confiance, 156 la refusent et 3 s'abstiennent. L'addition des non et des abstentions est, à une voix près, égale aux votes positifs - et encore n'a-t-on jamais été tout à fait sûr de cette voix de différence. Paul Reynaud a obtenu le concours des socialistes, ce qui élargit sa majorité en direction de la gauche. Il a écarté Georges Bonnet, l'âme de la politique de conciliation avec l'ennemi, mais a pris dans son gouvernement des hommes qui ne sont guère moins hostiles à une politique de fermeté. Pour marquer leur détermination, la France et la Grande-Bretagne s'engagent, le 28 mars, par un acte solennel à «ne négocier et ne conclure d'armistice ou de traité de paix durant la présente guerre si ce n'est d'un commun accord». On verra sous peu les conséquences de cet engagement. Une stratégie plus offensive prévaut : pour interdire le transit du fer suédois vers l'Allemagne, il est décidé de miner les eaux norvégiennes. Anticipant sur un succès encore à venir, Paul Reynaud déclare à la radio que la route du fer est définitivement coupée. Simultanément les Alliés pressent la Turquie d'entrer en guerre. La guerre va-t-elle prendre un autre cours et contraindre l'ennemi à réagir? Mais c'est le III Reich qui va prendre l'initiative: le 9 avril, les troupes allemandes envahissent le Danemark, occupé sans coup férir, et débarquent en Norvège. Un corps expéditionnaire franco-britannique reprend aux Allemands à la fin de mai le port de Narvik, dans l'extrême Nord, par lequel le minerai de fer est exporté.

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Le rapprochement entre Hitler et Staline avait créé à l'extrême gauche une situation toute nouvelle : depuis le grand tournant de 1934-1935, le Parti communiste était le champion d'une politique de résistance au national-socialisme; il avait été le seul adversaire déterminé des accords de septembre 1938 et le dénonciateur le plus impitoyable de l'esprit de Munich. La solidarité avec.l'Union soviétique avait autant de part à sa fermeté que l'hostilité au système. La soudaine volte-face de Moscou le met brusquement en porte à faux. Depuis, les propagandes contraires, l'exploitation par les anticommunistes et la réécriture a posteriori par les communistes, embrouillant à plaisir cette histoire déjà assez compliquée par elle-même, l'ont enveloppée de tant de brouillard qu'il faut commencer par rétablir les faits dans l'ordre où ils se sont produits: la chronologie est ici d'une importance décisive. Les évolutions ont été parfois si brusques qu'il est capital de restituer l'enchaînement et de mettre les ruptures en évidence.

Dans un premier temps, assez bref, qui couvre approxima­tivement la première quinzaine de septembre, rien n'est changé à la position du parti: il veut se convaincre que Staline n'a pas eu d'autre pensée que de préserver l'avenir de la liberté, et il est pour la fermeté face à Hitler. Le gouvernement n'a pris aucune mesure de police à l'encontre du parti, à l'exception de la suspension des quotidiens L' Humanité et Ce soir au lendemain du pacte; il fait le même pari de la confiance que le gouvernement de 1914 à l'égard des syndicalistes révolutionnaires. Au reste les députés commu­nistes ont voté les crédits exceptionnels et les militants rejoint leurs unités.

Un changement à 180 degrés se dessine après le 17 septembre : ce Jour-là, les troupes soviétiques ont pénétré en Pologne à la rencontre des armées allemandes; il est désormais patent que ce n'est pas pour secourir la Pologne, mais bien pour prélever leur part des dépouilles de la malheureuse nation. L'Armée Rouge vient border le cours du Bug, qui délimite désormais les zones occupées par les deux signataires du pacte du 23 août. La présomption qu'il existe un accord secret de partage est confir­mée. Situation toute nouvelle : l'Union soviétique n'est plus seulement coupable de neutralité complaisante pour l'agresseur. Dès lors, les communistes qui ne désapprouveraient pas l'inter­vention soviétique donneraient leur assentiment à l'action belli­queuse d'une puissance étrangère qui est l'ennemie déclarée du pays pour le salut duquel la France est entrée en guerre. Or, à peu près dans le même temps, il apparaît à quelques indices que la direction du Parti communiste français infléchit son orientation : hier elle approuvait l'entrée en guerre, maintenant elle la dénonce comme une guerre impérialiste dictée aux peuples par les intérêts du capitalisme. Ses élus font campagne pour que la France accepte les offres de paix immédiate de Hitler. Le parti, reniant quatre années de conversion patriotique, fait retour au pacifisme et au défaitisme révolutionnaire. Le 4 octobre, Maurice Thorez, obtem­pérant à un ordre de l'Internationale, quitte son cantonnement et disparaît : on le retrouvera quelques mois plus tard à Moscou; la désertion, en temps de guerre, du secrétaire général consomme la rupture du parti avec la nation.

Cette volte-face a jeté le trouble dans le parti. On mesure mal l'étendue des dissidences. Le parti ayant été aussitôt acculé à la clandestinité et un réflexe élémentaire de solidarité ayant retenu les dissidents d'étaler leur désaccord. On connaît cependant quelques ruptures notoires, telle celle de Paul Nizan. On a aussi dit que Gabriel Péri, le spécialiste de la politique étrangère, avait connu quelques états d'âme. Vingt-deux des députés élus en 1936 ont désavoué la direction et quitté le groupe parlementaire : près d'un tiers de ceux à qui le parti avait confié l'honneur de le représenter! Si telle fut la proportion chez les hauts responsables, on imagine ce que dut être le désarroi chez les militants, en particulier chez ceux, de beaucoup les plus nombreux, qui avaient rejoint le parti en 1935-1936 parce qu'il s'identifiait à la défense des libertés démocratiques contre les dictatures et qu'il avait été le seul à s'opposer à Munich : il n'est donc pas déraisonnable d'estimer qu'à partir du début d'octobre 1939 le parti est en pleine décomposition. Seules, les mesures de répression ont limité sa désintégration et fait obstacle à la manifestation au grand jour des divergences sur la ligne adoptée par la direction alignée sur Moscou. Léon Blum aurait souhaité que ne fût prise à l'encontre des communistes aucune mesure de contrainte, mais comment un gouvernement responsable du moral de la nation aurait-il pu tolérer qu'une formation politique se déclarât solidaire d'une puissance étrangère devenue l'alliée et la complice de l'ennemi, et que ses représentants élus fissent ouvertement leurs les pro­positions de paix de Hitler sur le cadavre de la Pologne amie et vaincue? En 1914·1918, des hommes politiques avaient été poursuivis, traduits en Haute Cour, condamnés pour intelligence avec l'ennemi pour beaucoup moins.

La répression ne s'abat sur le parti qu'après l'invasion de la Pologne par l'armée soviétique : la dissolution est décrétée le 27 septembre. Le 20 février 1940, la Chambre prononce la déchéance des quarante-cinq députés qui n'ont pas rompu ouver­tement avec l'U.R.S.S. : quelques jours plus tard, ils sont condamnés à des peines d'emprisonnement et transférés dans le Sud algérien. La police traque les militants suspects de rester en contact avec la direction clandestine formée, depuis le départ de Thorez, par Jacques Duclos et Benoît Frachon, ou qu'on surprend à faire de la propagande en faveur d'une paix blanche: la chasse aux communistes est menée avec une ardeur égale dans les syndicats: tous ceux qui n'ont pas publiquement désavoué le pacte germano-soviétique sont écartés des postes de responsa­bilité. Les communistes prendront leur revanche en 1944 en excluant impitoyablement tous les syndicalistes qui ont pactisé avec les munichois.

Les mois passent, et la situation intérieure se dégrade len­tement: les mobilisés se demandent à quoi rime cette attente inutile. L'activité politique, suspendue depuis l'entrée en guerre, se réveille dans la classe politique. Les députés regimbent contre le style du président du Conseil, dont l'autorité s'effrite; il est devenu évident qu'il n'est pas l'homme de la situation. Loin d'être un autre Clemenceau, il varie au gré des influences, hésite à trancher. Le cabinet est divisé, Daladier ayant conservé des ministres qui penchent vers l'apaisement. Les adversaires, s'ils n'ont pu empêcher l'entrée en guerre, n'ont pas désarmé: ils n'ont pas renoncé à mettre fin à un conflit qui leur semble mal engagé et qu'ils ne jugent pas justifié. Se constitue officieusement un parti de la paix qui réunit des parlementaires de droite, des radicaux, des socialistes, et qui conjugue les deux branches du pacifisme qui se sont peu à peu dessinées dans l'avant-guerre. S'ils ne sont pas assez nombreux pour ouvrir une crise, ils sont à l'affût d'une occasion. A l'opposé, d'autres critiquent l'inaction du gouver­nement : il devient chaque jour plus évident que la France ne pourra s'en tenir longtemps à cette stratégie passive. La convergence de ces critiques aboutit, en mars, après la conclusion de l'armistice entre la Finlande et l'U.R.S.S., ressenti à Paris comme une défaite, à la démission de Daladier.

Le président Lebrun appelle, pour former le gouvernement, l'homme fort du cabinet démissionnaire, qui dirige depuis seize mois la politique financière et économique, fait figure de chef de file de la tendance intransigeante et a une réputation d'énergie, Paul Reynaud. Sa personnalité n'est pas ordinaire: il a une culture économique qui fait défaut à la plupart de ses collègues. Il a pris des positions originales sur plusieurs questions essentielles et montré une grande clairvoyance : sur la dévaluation, sur la stratégie; depuis 1935, il a épousé les vues du colonel de Gaulle sur la stratégie de mouvement et la constitution de grandes unités mécaniques. Mais il s'est aussi acquis beaucoup d'ennemis par sa façon de faire la leçon et son absence de modestie. La gauche n'oublie pas qu'il vient de la droite, et une partie de la droite craint qu'il ne jette le pays dans des expéditions aventureuses. Cette défiance et cette réserve s'expriment au cours du débat sur la déclaration du gouvernement, qui a été écrite par de Gaulle. Dans le scrutin, les députés se divisent : 268 votent la confiance, 156 la refusent et 3 s'abstiennent. L'addition des non et des abstentions est, à une voix près, égale aux votes positifs - et encore n'a-t-on jamais été tout à fait sûr de cette voix de différence. Paul Reynaud a obtenu le concours des socialistes, ce qui élargit sa majorité en direction de la gauche. Il a écarté Georges Bonnet, l'âme de la politique de conciliation avec l'ennemi, mais a pris dans son gouvernement des hommes qui ne sont guère moins hostiles à une politique de fermeté.

Pour marquer leur détermination, la France et la Grande­-Bretagne s'engagent, le 28 mars, par un acte solennel à «ne négocier et ne conclure d'armistice ou de traité de paix durant la présente guerre si ce n'est d'un commun accord». On verra sous peu les conséquences de cet engagement. Une stratégie plus offensive prévaut : pour interdire le transit du fer suédois vers l'Allemagne, il est décidé de miner les eaux norvégiennes. Anticipant sur un succès encore à venir, Paul Reynaud déclare à la radio que la route du fer est définitivement coupée. Simultanément les Alliés pressent la Turquie d'entrer en guerre. La guerre va-­t-elle prendre un autre cours et contraindre l'ennemi à réagir? Mais c'est le III Reich qui va prendre l'initiative: le 9 avril, les troupes allemandes envahissent le Danemark, occupé sans coup férir, et débarquent en Norvège. Un corps expéditionnaire franco-britannique reprend aux Allemands à la fin de mai le port de Narvik, dans l'extrême Nord, par lequel le minerai de fer est exporté.