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En Chine, Les costumes, II

Les costumes, II

L'accoutrement de ce paysan qui semble tout surpris de se trouver en si bonne compagnie, est on ne peut plus simple: un caleçon de percaline bleue, et une veste courte de même étoffe en font tous les frais. L'été d'ailleurs, l'homme du peuple réduit encore son costume, autant que la décence le lui permet; il relève son caleçon par-dessus ses genoux et garde le haut du corps nu jusqu'à la ceinture; pour s'abriter à la fois de la pluie et du soleil, il se coiffe d'un large chapeau en paille de forme conique très léger, et néanmoins très solide. L'hiver, il s'affuble d'une blouse faite de roseaux disposés comme sur les toitures des maisonnettes, aussi les paysans ne ressemblent-ils pas mal à des chaumières ambulantes. Tous, artisans, seigneurs ou bourgeois, portent la natte pendante entre les épaules et ont le devant de la tête et la nuque soigneusement rasés.

Ces trois cent millions de têtes à accommoder presque chaque jour nécessitent, comme on peut se l'imaginer, une prodigieuse multitude de barbiers dans l'Empire du Milieu; il en existe en effet une quantité innombrable. Le barbier chinois est un personnage des plus singuliers et qui n'a pas son équivalent au monde. Dès le matin, il court les rues à toutes jambes, portant sur l'épaule, aux deux extrémités d'un long bambou terminé par la figure d'un animal chimérique, tout l'attirail de son métier. Son regard exercé a bientôt découvert un passant dont le crâne n'est pas parfaitement net. Il bondit vers lui, le saisit au passage, et la pratique ainsi prise au vol se trouve aussitôt installée sur un escabeau, sous un large parasol fiché en terre. En un clin d'oeil, tout est prêt; l'eau tiédit sur un réchaud; la cuvette, les pinces, la brosse à oreilles, la perle de corail fixée à un manche d'ivoire et destinée à nettoyer l'oeil, sont sorties de leurs étuis; alors commence le shan-pao, opération mystérieuse, passes magnétiques, dont l'effet rapide est une douce sommolence procurée au patient. Dans cet état, sa tête appesantie se laisse ballotter en tous sens, elle obéit aux mouvements du barbier, qui d'une main prompte y promène son rasoir triangulaire, au large dos fort lourd et d'autant plus facile à manier; sous les éclairs d'acier qu'il jette au soleil, le crâne devient d'une blancheur parfaite et prend les apparences d'une boule d'ivoire. On passe ensuite à la toilette de la natte, dont les Chinois prennent un grand soin, oubliant que c'est un signe de servitude, et que plusieurs milliers de leurs ancêtres, lorsque fut rendu, en 1620, l'édit qui ordonnait à tous les Chinois, sous peine de mort, d'adopter la coiffure tartare, préférèrent porter leur tête sous le glaive du bourreau, que de la confier au rasoir du barbier. On la lave, on la parfume, on la tresse serrée, cette natte qui a fait tant de victimes, et à laquelle on est si bien accoutumé aujourd'hui. C'est d'ailleurs, il faut le reconnaître, un appendice fort utile, et qui rend les services les plus imprévus; le domestique s'en sert pour épousseter les meubles, le maître d'école en donne sur les doigts à ses élèves récalcitrants, l'ânier n'a pas d'autre fouet pour émoustiller sa bête, l'homme lassé de l'existence n'a pas besoin de chercher d'autre corde pour se pendre; c'est cette natte qu'empoigne le barbier pour maintenir l'opéré dans la bonne position; c'est elle enfin que le bourreau saisit pour décapiter le condamné. Elle n'est gênante que pour le travailleur, qui est obligé de l'enrouler autour de son crâne. Nous prenions d'abord le personnage coiffé d'un turban, qui fait suite à l'homme des champs, pour un sectateur chinois de Mahomet; le caractère qu'il porte sur la poitrine, au milieu d'un carré d'étoffe blanche, nous apprend que c'est un soldat. Il est vêtu d'un pantalon bleu et d'une jaquette brune bordée d'un liseré rouge. Mais laissons ce représentant de la milice chinoise pour aller admirer cette jolie fiancée qui baisse les yeux toute honteuse d'être ainsi exposée aux regards des hommes, et de quels hommes; les barbares occidentaux! Elle est charmante sous sa belle tunique de satin rouge toute brodée de dragons d'or, avec sa gracieuse coiffure pareille à un casque, ornée de fleurs et de franges de perles qui lui retombent devant le visage. Elle appartient à la confrérie des Lys d'or; pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à regarder ses pieds minuscules qui apparaissent sous la bordure de son pantalon de soie ; ils ont la taille et la forme d'un lys renversé. Le fiancé vers lequel on la conduit, n'aurait pour elle qu'une estime médiocre, si ses pieds qui seraient d'ailleurs fort petits—les Chinoises ayant les extrémités d'une exquise délicatesse—avaient gardé leur taille naturelle. Aussi, dès sa plus tendre enfance, ses parents, soigneux de sa beauté, se sont-ils empressés de lui comprimer les pieds au moyen de bandelettes resserrées de plus en plus chaque jour. L'opération a fort bien réussi, la longueur du membre ne dépasse pas cinq à six pouces, le coup-de-pied est devenu très convexe, l'orteil est relevé presque perpendiculairement, l'angle que forme le talon et l'os de la jambe a disparu, et le pied a pris l'aimable couleur d'une carotte pelée; tout cela disparaît, il est vrai, sous le joli soulier brodé d'or et parfumé de musc. Mais en dépit du parfum enfermé sous la soie, les Lys d'or ont de légers inconvénients, dont nous ne parlerons pas pour éviter de chagriner cette charmante Chinoise. Puisque nous avons pénétré dans le gynécée si bien clos d'ordinaire, faisons connaissance encore, avec cette jeune femme, mariée depuis quelques années, et qui est là assise, avec sa petite fille auprès d'elle. Elle est fort élégamment vêtue d'une tunique violette bordée d'une bande brodée et qui retombe sur un pantalon pareil. Sa coiffure est très originale; un bandeau orné de pierreries entoure son front et dans ses cheveux tordus en corde, des fleurs artificielles sont piquées et forment comme des cornes. Selon la coutume des élégantes Chinoises, son visage disparaît sous une épaisse couche de blanc, ses sourcils rasés sont refaits à l'encre de Chine, elle a deux plaques de rouge sur les joues et du carmin sur les lèvres. La jeune mère tient un livre ouvert et est occupée à instruire sa fille. Elle lui enseigne sans doute les devoirs de la femme, le respect qu'elle doit à l'homme, le seigneur et maître de la création; elle s'efforce de la pénétrer du sentiment d'humilité qui est la première vertu de la femme, cet être si évidemment inférieur et faible. Ce livre qu'elle lit est peut-être même le Niu-Kié tsi-pien: Les Sept préceptes dans lesquels sont contenus les principaux devoirs des femmes, ouvrage fameux écrit, il y a deux mille ans, par l'illustre lettrée Pan-Hoei-Pan, la plus savante et la plus modeste des femmes. Quoi qu'il en soit, l'enfant qui joue avec un oiseau vert n'a pas l'air de s'attrister beaucoup de l'état d'abjection dans lequel elle est née, et les leçons de sa mère ne la troublent guère; elle semble avoir déjà le sentiment confus qu'il suffit de deux beaux yeux longs et brillants, d'un sourire pourpré, qui découvre deux rangs de perles, pour faire oublier les leçons des moralistes, et que, en Chine comme ailleurs, en dépit des lois et des écrits, les femmes savent réduire leur maître en esclavage.

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Les costumes, II costumes, II

L'accoutrement de ce paysan qui semble tout surpris de se trouver en si bonne compagnie, est on ne peut plus simple: un caleçon de percaline bleue, et une veste courte de même étoffe en font tous les frais. L'été d'ailleurs, l'homme du peuple réduit encore son costume, autant que la décence le lui permet; il relève son caleçon par-dessus ses genoux et garde le haut du corps nu jusqu'à la ceinture; pour s'abriter à la fois de la pluie et du soleil, il se coiffe d'un large chapeau en paille de forme conique très léger, et néanmoins très solide. L'hiver, il s'affuble d'une blouse faite de roseaux disposés comme sur les toitures des maisonnettes, aussi les paysans ne ressemblent-ils pas mal à des chaumières ambulantes. Tous, artisans, seigneurs ou bourgeois, portent la natte pendante entre les épaules et ont le devant de la tête et la nuque soigneusement rasés.

Ces trois cent millions de têtes à accommoder presque chaque jour nécessitent, comme on peut se l'imaginer, une prodigieuse multitude de barbiers dans l'Empire du Milieu; il en existe en effet une quantité innombrable. Le barbier chinois est un personnage des plus singuliers et qui n'a pas son équivalent au monde. Dès le matin, il court les rues à toutes jambes, portant sur l'épaule, aux deux extrémités d'un long bambou terminé par la figure d'un animal chimérique, tout l'attirail de son métier. Son regard exercé a bientôt découvert un passant dont le crâne n'est pas parfaitement net. Il bondit vers lui, le saisit au passage, et la pratique ainsi prise au vol se trouve aussitôt installée sur un escabeau, sous un large parasol fiché en terre. En un clin d'oeil, tout est prêt; l'eau tiédit sur un réchaud; la cuvette, les pinces, la brosse à oreilles, la perle de corail fixée à un manche d'ivoire et destinée à nettoyer l'oeil, sont sorties de leurs étuis; alors commence le shan-pao, opération mystérieuse, passes magnétiques, dont l'effet rapide est une douce sommolence procurée au patient. Dans cet état, sa tête appesantie se laisse ballotter en tous sens, elle obéit aux mouvements du barbier, qui d'une main prompte y promène son rasoir triangulaire, au large dos fort lourd et d'autant plus facile à manier; sous les éclairs d'acier qu'il jette au soleil, le crâne devient d'une blancheur parfaite et prend les apparences d'une boule d'ivoire. On passe ensuite à la toilette de la natte, dont les Chinois prennent un grand soin, oubliant que c'est un signe de servitude, et que plusieurs milliers de leurs ancêtres, lorsque fut rendu, en 1620, l'édit qui ordonnait à tous les Chinois, sous peine de mort, d'adopter la coiffure tartare, préférèrent porter leur tête sous le glaive du bourreau, que de la confier au rasoir du barbier. On la lave, on la parfume, on la tresse serrée, cette natte qui a fait tant de victimes, et à laquelle on est si bien accoutumé aujourd'hui. C'est d'ailleurs, il faut le reconnaître, un appendice fort utile, et qui rend les services les plus imprévus; le domestique s'en sert pour épousseter les meubles, le maître d'école en donne sur les doigts à ses élèves récalcitrants, l'ânier n'a pas d'autre fouet pour émoustiller sa bête, l'homme lassé de l'existence n'a pas besoin de chercher d'autre corde pour se pendre; c'est cette natte qu'empoigne le barbier pour maintenir l'opéré dans la bonne position; c'est elle enfin que le bourreau saisit pour décapiter le condamné. Elle n'est gênante que pour le travailleur, qui est obligé de l'enrouler autour de son crâne. Nous prenions d'abord le personnage coiffé d'un turban, qui fait suite à l'homme des champs, pour un sectateur chinois de Mahomet; le caractère qu'il porte sur la poitrine, au milieu d'un carré d'étoffe blanche, nous apprend que c'est un soldat. Il est vêtu d'un pantalon bleu et d'une jaquette brune bordée d'un liseré rouge. Mais laissons ce représentant de la milice chinoise pour aller admirer cette jolie fiancée qui baisse les yeux toute honteuse d'être ainsi exposée aux regards des hommes, et de quels hommes; les barbares occidentaux! Elle est charmante sous sa belle tunique de satin rouge toute brodée de dragons d'or, avec sa gracieuse coiffure pareille à un casque, ornée de fleurs et de franges de perles qui lui retombent devant le visage. Elle appartient à la confrérie des Lys d'or; pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à regarder ses pieds minuscules qui apparaissent sous la bordure de son pantalon de soie ; ils ont la taille et la forme d'un lys renversé. Le fiancé vers lequel on la conduit, n'aurait pour elle qu'une estime médiocre, si ses pieds qui seraient d'ailleurs fort petits—les Chinoises ayant les extrémités d'une exquise délicatesse—avaient gardé leur taille naturelle. Aussi, dès sa plus tendre enfance, ses parents, soigneux de sa beauté, se sont-ils empressés de lui comprimer les pieds au moyen de bandelettes resserrées de plus en plus chaque jour. L'opération a fort bien réussi, la longueur du membre ne dépasse pas cinq à six pouces, le coup-de-pied est devenu très convexe, l'orteil est relevé presque perpendiculairement, l'angle que forme le talon et l'os de la jambe a disparu, et le pied a pris l'aimable couleur d'une carotte pelée; tout cela disparaît, il est vrai, sous le joli soulier brodé d'or et parfumé de musc. Mais en dépit du parfum enfermé sous la soie, les Lys d'or ont de légers inconvénients, dont nous ne parlerons pas pour éviter de chagriner cette charmante Chinoise. Puisque nous avons pénétré dans le gynécée si bien clos d'ordinaire, faisons connaissance encore, avec cette jeune femme, mariée depuis quelques années, et qui est là assise, avec sa petite fille auprès d'elle. Elle est fort élégamment vêtue d'une tunique violette bordée d'une bande brodée et qui retombe sur un pantalon pareil. Sa coiffure est très originale; un bandeau orné de pierreries entoure son front et dans ses cheveux tordus en corde, des fleurs artificielles sont piquées et forment comme des cornes. Selon la coutume des élégantes Chinoises, son visage disparaît sous une épaisse couche de blanc, ses sourcils rasés sont refaits à l'encre de Chine, elle a deux plaques de rouge sur les joues et du carmin sur les lèvres. La jeune mère tient un livre ouvert et est occupée à instruire sa fille. Elle lui enseigne sans doute les devoirs de la femme, le respect qu'elle doit à l'homme, le seigneur et maître de la création; elle s'efforce de la pénétrer du sentiment d'humilité qui est la première vertu de la femme, cet être si évidemment inférieur et faible. Ce livre qu'elle lit est peut-être même le Niu-Kié tsi-pien: Les Sept préceptes dans lesquels sont contenus les principaux devoirs des femmes, ouvrage fameux écrit, il y a deux mille ans, par l'illustre lettrée Pan-Hoei-Pan, la plus savante et la plus modeste des femmes. Quoi qu'il en soit, l'enfant qui joue avec un oiseau vert n'a pas l'air de s'attrister beaucoup de l'état d'abjection dans lequel elle est née, et les leçons de sa mère ne la troublent guère; elle semble avoir déjà le sentiment confus qu'il suffit de deux beaux yeux longs et brillants, d'un sourire pourpré, qui découvre deux rangs de perles, pour faire oublier les leçons des moralistes, et que, en Chine comme ailleurs, en dépit des lois et des écrits, les femmes savent réduire leur maître en esclavage.