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l'histoire de France, Le Feu du Ciel

Serrés au fond de leur grotte, les hommes, les femmes, les enfants de la tribu regardent le rideau de pluie qui les sépare de la vallée. De temps en temps, l'un d'eux pousse quelques grognements, à quoi un autre répond par deux ou trois sons différents : c'est le premier langage. Sans doute ce qui se dit dans la grotte ressemble-t-il à ce qui se répète aujourd'hui : - Voilà décidément encore un été pourri ! - Que voulez-vous, il n'y a plus de saison ! Tout à coup, un éclair zèbre le ciel. Une lumière si vive qu'elle fait tourner les yeux. L'instant d'après, c'est un coup de tonnerre si fort que les enfants hurlent de peur et se serrent contre leur mère. Les hommes eux-mêmes sont inquiets. Pour eux, dans la nature, tout est mystère. Si le ciel gronde ainsi, c'est qu'il est en colère. Et pourquoi est-il en colère ?

La pluie a cessé de tomber. Les gens de la tribu se sont jetés hors de la grotte et, tout heureux, s'avancent à travers les herbes. Etonnés, ils s'arrêtent. Là-bas, dans la vallée, s'élève une épaisse fumée. Un geste du plus âgé intime l'ordre aux femmes et aux enfants de rester en arrière. Seuls les hommes, précautionneusement, s'avancent vers cette fumée qui ne leur dit rien qui vaille. Ils marchent depuis une heure quand, ensemble, ils poussent le même cri : - Le feu ! La brousse tout entière brûle. Ici, il n'a pas plu et l'orage, en passant, a mis le feu aux herbes. Le feu !

Ils sont terrifiés, ces hommes. Mais ils attendent. Quoi donc ? Que le feu s'éteigne. Pourquoi ? Vous allez voir. Vers le soir, les herbes cessent de brûler. Il ne reste plus à terre que des cendres chaudes. Les hommes s'avancent à travers elles, sans trop craindre pour leurs pieds : une épaisse couche de corne les protège mieux que des chaussures. Un autre cri : - Là ! Ils courent. Le cadavre d'une antilope, surprise par le feu, gît sur le sol. Ils crient tous ensemble, trépignent de joie, s'agenouillent autour de la bête à demi calcinée. Avec leurs mains, ils en arrachent des morceaux qu'ils dévorent avec un bonheur éclatant. Tel est le premier bienfait du feu que les hommes ont pu découvrir. Ils savent que la viande cuite se détache des os plus facilement. Et peut-être la trouvent-ils meilleure que crue. Il ne reste plus rien de l'antilope. Les hommes demeurent accroupis, contents. Ils sont rassasiés, ce qui leur arrive rarement. Ils digèrent. L'un d'eux laisse échapper un rot retentissant. Personne ne le lui reproche. Heureux temps !

Ainsi, pendant des millénaires, se contentera-t-on d'attendre le feu que le ciel envoie. Un jour, quelqu'un de plus ingénieux que les autres s'avisera qu'il est possible, quand des herbes et des branches brûlent, d'entretenir ce feu en y jetant d'autres branches et d'autres herbes. Conserver ce feu deviendra quelque chose d'essentiel. Si on le laisse s'éteindre, c'est une catastrophe irréparable. Sans doute aussi arrivait-il que des tribus dont le feu s'était éteint tentent d'aller le voler dans d'autres tribus : c'est le thème d'un livre célèbre, La Guerre du Feu, dont on a tiré un film très réussi. Des milliers d'années encore et ce sera une nouvelle étape, au moins aussi importante. En frappant les unes contre les autres certaines sortes de pierres – on les appelle des silex -, on a fait jaillir des étincelles. Et on s'est aperçu que celles-ci, convenablement dirigées vers de la mousse bien sèche, mettaient le feu à cette mousse. On a appris aussi à frotter deux morceaux de bois l'un contre l'autre. Au bout d'un certain temps, ils s'enflamment. Dès lors, le feu était domestiqué. Inutile désormais de le garder captif. On l'obtenait à volonté. Bien sûr, ce n'était pas aussi rapide que de tourner le commutateur électrique ou de presser le bouton de l'allume-gaz, mais l'homme, maître du feu, venait de commencer à assurer sa maîtrise sur l'univers.

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Serrés au fond de leur grotte, les hommes, les femmes, les enfants de la tribu regardent le rideau de pluie qui les sépare de la vallée. De temps en temps, l'un d'eux pousse quelques grognements, à quoi un autre répond par deux ou trois sons différents : c'est le premier langage.

Sans doute ce qui se dit dans la grotte ressemble-t-il à ce qui se répète aujourd'hui :

-         Voilà décidément encore un été pourri !

-         Que voulez-vous, il n'y a plus de saison !

Tout à coup, un éclair zèbre le ciel. Une lumière si vive qu'elle fait tourner les yeux. L'instant d'après, c'est un coup de tonnerre si fort que les enfants hurlent de peur et se serrent contre leur mère. Les hommes eux-mêmes sont inquiets. Pour eux, dans la nature, tout est mystère. Si le ciel gronde ainsi, c'est qu'il est en colère. Et pourquoi est-il en colère ?

La pluie a cessé de tomber. Les gens de la tribu se sont jetés hors de la grotte et, tout heureux, s'avancent à travers les herbes. Etonnés, ils s'arrêtent. Là-bas, dans la vallée, s'élève une épaisse fumée. Un geste du plus âgé intime l'ordre aux femmes et aux enfants de rester en arrière. Seuls les hommes, précautionneusement, s'avancent vers cette fumée qui ne leur dit rien qui vaille. Ils marchent depuis une heure quand, ensemble, ils poussent le même cri :

-         Le feu !

La brousse tout entière brûle. Ici, il n'a pas plu et l'orage, en passant, a mis le feu aux herbes. Le feu ! Ils sont terrifiés, ces hommes. Mais ils attendent. Quoi donc ? Que le feu s'éteigne. Pourquoi ? Vous allez voir. Vers le soir, les herbes cessent de brûler. Il ne reste plus à terre que des cendres chaudes. Les hommes s'avancent à travers elles, sans trop craindre pour leurs pieds : une épaisse couche de corne les protège mieux que des chaussures.

Un autre cri :

-         Là !

Ils courent. Le cadavre d'une antilope, surprise par le feu, gît sur le sol. Ils crient tous ensemble, trépignent de joie, s'agenouillent autour de la bête à demi calcinée. Avec leurs mains, ils en arrachent des morceaux qu'ils dévorent avec un bonheur éclatant.

Tel est le premier bienfait du feu que les hommes ont pu découvrir. Ils savent que la viande cuite se détache des os plus facilement. Et peut-être la trouvent-ils meilleure que crue. Il ne reste plus rien de l'antilope. Les hommes demeurent accroupis, contents. Ils sont rassasiés, ce qui leur arrive rarement. Ils digèrent. L'un d'eux laisse échapper un rot retentissant. Personne ne le lui reproche. Heureux temps !

Ainsi, pendant des millénaires, se contentera-t-on d'attendre le feu que le ciel envoie. Un jour, quelqu'un de plus ingénieux que les autres s'avisera qu'il est possible, quand des herbes et des branches brûlent, d'entretenir ce feu en y jetant d'autres branches et d'autres herbes.

Conserver ce feu deviendra quelque chose d'essentiel. Si on le laisse s'éteindre, c'est une catastrophe irréparable. Sans doute aussi arrivait-il que des tribus dont le feu s'était éteint tentent d'aller le voler dans d'autres tribus : c'est le  thème d'un livre célèbre, La Guerre du Feu, dont on a tiré un film très réussi.

Des milliers d'années encore et ce sera une nouvelle étape, au moins aussi importante. En frappant les unes contre les autres certaines sortes de pierres – on les appelle des silex -, on a fait jaillir des étincelles. Et on s'est aperçu que celles-ci, convenablement dirigées vers de la mousse bien sèche, mettaient le feu à cette mousse. On a appris aussi à frotter deux morceaux de bois l'un contre l'autre. Au bout d'un certain temps, ils s'enflamment.

Dès lors, le feu était domestiqué. Inutile désormais de le garder captif. On l'obtenait à volonté. Bien sûr, ce n'était pas aussi rapide que de tourner le commutateur électrique ou de presser le bouton de l'allume-gaz, mais l'homme, maître du feu, venait de commencer à assurer sa maîtrise sur l'univers.