Daniel et moi étions des amis très proches. En fait, nous étions aussi proches l'un de l'autre que deux frères pouvaient l'être. J'étais plus grand que lui d'environ une tête. Je ne dirais pas qu'il était en surpoids, mais c'était un garçon rondelet. À part sa taille et sa corpulence, ce qui était le plus étonnant, c'était ses cheveux roux ébouriffés. Des taches de rousseur innombrables couvraient ses joues potelées. Il avait toujours un large sourire qui découvrait ses dents remarquablement blanches et bien plantées.
Il était le plus jeune d'une famille de six enfants. Il était convaincu qu'il n'avait pas été désiré du fait de la grande différence d'âge entre ses frères et soeurs et lui. Tous ses frères et soeurs avaient quitté la maison ou étaient sur le point de le faire. La plupart d'entre eux étaient assez âgés pour se marier ou avaient déjà un travail. Ses parents étaient très impliqués dans le syndicalisme, et ils assistaient régulièrement à des réunions politiques si bien que Daniel était souvent seul à la maison.
Nous passions nos loisirs à des jeux en extérieure. Bien qu'il ne soit pas le plus futé d'entre nous, il trouvait toujours des idées qui nous assuraient des heures de jeux passionnants. Personne ne pouvait rivaliser avec lui à la construction d'une cabane dans les bois. Il fabriquait les meilleurs arcs et était le tireur le plus précis parmi tous les types dans notre voisinage. Il paraissait un peu rustre, mais en réalité, il cachait une sensibilité extrême. Il ne supportait pas les garçons qui étaient cruels envers les animaux.
Il avait l'habitude de ramener chez lui toutes sortes d'animaux blessés ou abandonnés qu'il rencontrait au hasard de nos balades dans le voisinage. Cela allait du chat de gouttière aux tortues, en passant par des oiseaux ou même des serpents ce qui avaient le don d'irriter sa mère. Il était l'ami idéal, toujours disposé à m'emmener dans des jeux agréables et inoubliables. Chaque jour, une fois que j'avais fini mes devoirs, je me glissais hors de la maison pour rejoindre Daniel dans notre quartier général. Daniel ne faisait jamais ses devoirs. Il avait l'habitude de dire : "Je n'ai pas besoin d'étudier pour devenir vétérinaire, je sais déjà comment soigner les animaux blessés et je sais aussi comment m'occuper d'eux." Cela fait maintenant des années que nos chemins se sont séparés. Depuis, j'ai fait ma vie. Il y a quelques mois, je suis tombé par hasard sur un article dans un journal. Il disait : la police a découvert lundi matin le corps sans vie d'un sans-abri. L'homme vivait apparemment dans une cabane délabrée dans un bois derrière un dépôt d'ordures. La société protectrice des animaux est intervenue pour récupérer de nombreux chiens, des chats, des oiseaux et d'autres espèces sauvages vivant dans la cabane. Il semble que l'homme prenait plus soin des animaux que de lui-même. Cet homme, c'était Daniel. Je suppose qu'il a fait son chemin dans la vie qu'il avait choisie.
