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Nouvelles et faits divers, Harriet, Darwin et la bête de Wissant

Harriet, Darwin et la bête de Wissant

La semaine passée, sur les écrans, c'était presque des images de guerre : huit dizaines de gendarmes se déployant avec fusil collé sur le torse, hélicoptère en surplomb, battues… La préfecture du Pas-de-Calais et la gendarmerie de Boulogne-sur-Mer étaient sur les dents. Non pas les dents de la mer, bien qu'on y fût au bord, plutôt les dents de la plage, à la recherche de « la grosse bête noire » aperçue par un couple, mercredi 9, entre les caps Blanc-Nez et Gris-Nez, à Wissant. La « bête », féline, pas forcément câline, que certains voyaient panthère, a tenu en haleine cinq jours durant. Puis les gendarmes l'ont vue, photographiée, filmée. Certes, elle était bien longue, d'un noir profond, avec des oreilles en pointe. Mais les experts se montrèrent rassurants. Elle n'était ni agressive ni féroce, en tout cas moins que nos féroces soldats. Ceux-ci décidèrent donc de la surveiller de loin. Et par les jumelles, en somme, de la garder à vue.

Ce qu'il y a toujours d'intéressant dans ce genre de fait divers animalier, type frayeur du Gévaudan, c'est ce que l'on y apprend de notre psychologie et de nos sociétés. S'y logent nos peurs et nos fantasmes, nos désirs d'extraordinaire. Et il en faut certes pour sortir de la grisaille d'un mois d'août moyen. Plus facile pour les gendarmes aurait été d'interpeller sur la plage, puis de garder à vue, Harriet, vénérable tortue des Galapagos, dont le décès le 23 juin est passé plus inaperçu que la traque de la bête de Wissant. Harriet est morte d'une crise cardiaque dans un zoo de Brisbane, en Australie, à l'âge respectable de 175 ans. Elle était vraisemblablement la doyenne des êtres vivants. Son âge a été confirmé par des tests ADN. L'animal pesait plus de 150 kg et s'offrait quelques menus plaisirs : des fleurs d'hibiscus pour son régime, une mare de boue pour la détente. On peut voir sa frimousse de dinosaure édenté sur www.australiezoo.com.

Selon certains, Harriet (fautivement baptisée Harry pendant près d'un siècle en raison d'une erreur sur son sexe) aurait été capturée dans les années 1830 par le biologiste britannique Charles Darwin lors de son expédition aux Galapagos, prélude à sa fameuse étude sur l'évolution et la sélection naturelle des espèces. Selon d'autres, cela est impossible. Harriet était issue d'une sous-espèce de tortues présente uniquement sur une île que Charles Darwin n'aurait pas visité. Qu'importe la réalité de la légende, ce qui compte – et c'est là un insondable vertige du temps -, c'est la petite théorie personnelle des évolutions sociologiques de l'espèce humaine qu'a pu concevoir Harriet du fond de son enclos. Ainsi, un instant, un instant seulement, penser ce qu'a pu voir Harriet : des couples soudés du XIXe siècle, victoriens et austères, aux célibataires endurcis du XXIe venus admirer sa carapace, non moins célibataire. Le mariage a du plomb dans l'aile dans les sociétés contemporaines. Et la montée en puissance du nombre de « solos » (8,5 millions en France) pousse les voyagistes à s'adapter. En cette période de vacances, les nouvelles formules de séjours ciblés sur les familles monoparentales et les personnes seules se multiplient, ainsi que les sites Internet qui leur sont dédiées.

Cette évolution n'interdit pas néanmoins la quête de l'âme soeur. Outre-Manche, selon une étude du site Parship, chacun des 9 millions de célibataire britanniques dépenserait en moyenne 4950 euros par an à cette fin. La moitié pour la quête elle-même, l'autre pour maintenir la magie des premiers instants : 1422 euros en restaurants, 270 en voyages, 217 en cadeaux, 92 en fleurs et chocolats, autant en taxis. Les hommes se montreraient deux fois plus généreux que les femmes… Mais attention ladies ! Seulement dans les six premiers mois !

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Harriet, Darwin et la bête de Wissant Harriet, Darwin and the Beast of Wissant

La semaine passée, sur les écrans, c'était presque des images de guerre : huit dizaines de gendarmes se déployant avec fusil collé sur le torse, hélicoptère en surplomb, battues… La préfecture du Pas-de-Calais et la gendarmerie de Boulogne-sur-Mer étaient sur les dents. Non pas les dents de la mer, bien qu'on y fût au bord, plutôt les dents de la plage, à la recherche de « la grosse bête noire » aperçue par un couple, mercredi 9, entre les caps Blanc-Nez et Gris-Nez, à Wissant. La « bête », féline, pas forcément câline, que certains voyaient panthère, a tenu en haleine cinq jours durant. Puis les gendarmes l'ont vue, photographiée, filmée. Certes, elle était bien longue, d'un noir profond, avec des oreilles en pointe. Mais les experts se montrèrent rassurants. Elle n'était ni agressive ni féroce, en tout cas moins que nos féroces soldats. Ceux-ci décidèrent donc de la surveiller de loin. Et par les jumelles, en somme, de la garder à vue.

Ce qu'il y a toujours d'intéressant dans ce genre de fait divers animalier, type frayeur du Gévaudan, c'est ce que l'on y apprend de notre psychologie et de nos sociétés. S'y logent nos peurs et nos fantasmes, nos désirs d'extraordinaire. Et il en faut certes pour sortir de la grisaille d'un mois d'août moyen. Plus facile pour les gendarmes aurait été d'interpeller sur la plage, puis de garder à vue, Harriet, vénérable tortue des Galapagos, dont le décès le 23 juin est passé plus inaperçu que la traque de la bête de Wissant. Harriet est morte d'une crise cardiaque dans un zoo de Brisbane, en Australie, à l'âge respectable de 175 ans. Elle était vraisemblablement la doyenne des êtres vivants. Son âge a été confirmé par des tests ADN. L'animal pesait plus de 150 kg et s'offrait quelques menus plaisirs : des fleurs d'hibiscus pour son régime, une mare de boue pour la détente. On peut voir sa frimousse de dinosaure édenté sur www.australiezoo.com.

Selon certains, Harriet (fautivement baptisée Harry pendant près d'un siècle en raison d'une erreur sur son sexe) aurait été capturée dans les années 1830 par le biologiste britannique Charles Darwin lors de son expédition aux Galapagos, prélude à sa fameuse étude sur l'évolution et la sélection naturelle des espèces. Selon d'autres, cela est impossible. Harriet était issue d'une sous-espèce de tortues présente uniquement sur une île que Charles Darwin n'aurait pas visité. Qu'importe la réalité de la légende, ce qui compte – et c'est là un insondable vertige du temps -, c'est la petite théorie personnelle des évolutions sociologiques de l'espèce humaine qu'a pu concevoir Harriet du fond de son enclos. Ainsi, un instant, un instant seulement, penser ce qu'a pu voir Harriet : des couples soudés du XIXe siècle, victoriens et austères, aux célibataires endurcis du XXIe venus admirer sa carapace, non moins célibataire. Le mariage a du plomb dans l'aile dans les sociétés contemporaines. Et la montée en puissance du nombre de « solos » (8,5 millions en France) pousse les voyagistes à s'adapter. En cette période de vacances, les nouvelles formules de séjours ciblés sur les familles monoparentales et les personnes seules se multiplient, ainsi que les sites Internet qui leur sont dédiées.

Cette évolution n'interdit pas néanmoins la quête de l'âme soeur. Outre-Manche, selon une étude du site Parship, chacun des 9 millions de célibataire britanniques dépenserait en moyenne 4950 euros par an à cette fin. La moitié pour la quête elle-même, l'autre pour maintenir la magie des premiers instants : 1422 euros en restaurants, 270 en voyages, 217 en cadeaux, 92 en fleurs et chocolats, autant en taxis. Les hommes se montreraient deux fois plus généreux que les femmes… Mais attention ladies ! Seulement dans les six premiers mois !