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l'histoire de France, Changer la vie

Ce qui va frapper la majorité des électeurs et sans doute déterminer leur choix, c'est l'incroyable persévérance affichée au long de tant d'années par François Mitterrand. Jugez-en vous-même. Catholique fervent, étudiant brillant tenté à la veille de la guerre par des idées de droite, homme de grande culture, combattant de la guerre de 1939-1940, il est fait prisonnier, s'évade et, à Vichy, se consacre à la défense de ses camarades de captivité. Il rejoint les rangs de la Résistance. Au lendemain de la Libération il est élu député de la Nièvre.

De 1947 à 1957, il est plusieurs fois ministre. En 1958, il s'oppose au retour du général de Gaulle au pouvoir et incarne désormais l'opposition républicaine au gaullisme. En 1965, il se présente contre le général à l'élection présidentielle et l'oblige à affronter un second tour que de Gaulle emporte d'ailleurs aisément. Même ceux qui espèrent la victoire de Mitterrand en 1981 n'en sont assurés qu'à demi. Lui-même en doute. Je suis, au soir du 10 mai 1981, comme tous les Français, devant mon poste de télévision. Qui les Français ont-ils élu? Nous savons que le visage du vainqueur apparaîtra à 20 heures précises sur l'écran. Un réalisateur, maître en l'art du suspense, ne nous montre d'abord que le haut de ce visage. Le bas reste caché. Il se découvre lentement, très lentement. À mi-parcours seulement, un cri jaillit de toutes les bouches: C'est Mitterrand! Le président élu a obtenu 51,75 % des voix contre 48,24 % à Giscard.

La campagne électorale tout entière s'est placée sous le signe d'une formule empruntée au livre du grand écrivain Jean Guéhenno: Changer la vie. Mitterrand va-t-il vraiment changer la vie des Français?

Pour faire passer cette ambition dans les faits, Mitterrand choisit Pierre Mauroy, un socialiste de tradition, comme Premier ministre. Quatre communistes deviennent ministres. On procède à de nombreuses et importantes nationalisations : pour comprendre ce mot, sachez que des entreprises privées, telles que Rhône-Poulenc, Saint-Gobain, Dassault ou Matra sont enlevées - contre indemnité - à ceux qui les possèdent pour devenir la propriété de l'État. Par ailleurs, on crée un impôt sur les grandes fortunes.

D'autres réformes trouvent leur origine dans les idées socialistes: on abolit la peine de mort, on réduit la semaine de travail à 39 heures, on ramène l'âge de la retraite de 65 à 60 ans, on porte les congés payés à cinq semaines et l'on crée 50 000 postes de fonctionnaires afin de lutter contre le chômage. Le résultat ne répond pas aux espérances : loin de décroître, le chômage augmente (2 millions de chômeurs en 1982), tandis que les recettes de l'État (impôts, etc.) couvrent de moins en moins ses dépenses: c'est toujours le déficit, celui-là même qui - souvenez-vous - a conduit en 1789 la monarchie au tombeau. Pour sauver le franc menacé, il faut diminuer sa valeur - c'est-à-dire procéder à des dévaluations - en 1981 et 1982. Mitterrand doit modifier sa politique. Les communistes quittent le gouvernement. On adopte une nouvelle voie économique : celle de la rigueur (augmentation des impôts, augmentation des prix des services publics, etc.). À la fin de 1985, alors que Laurent Fabius est devenu Premier ministre, le chômage atteint un chiffre record: 2 362 000 demandeurs d'emploi. Sur le front de l'inflation, en revanche, la réussite est indiscutable: on l'a réduite à 5 %. Aux élections législatives de 1986, que le corps électoral, déçu dans ses espoirs, a donné la victoire à la droite? Beaucoup pensent alors que Mitterrand va se retirer.

C'est mal connaître le Président. Il fait savoir qu'il restera à son poste : il assumera pleinement les pouvoirs que la Constitution lui reconnaît en ce qui concerne la Défense et la politique étrangère. Pour le reste, le gouvernement - confié à Jacques Chirac - conduira les affaires de la France.

Ce qui s'instaure en France, c'est une situation inédite: la cohabitation, mot qui signifie « habiter ensemble ». Un président socialiste et un Premier ministre de droite vont unir leurs efforts pour assurer la bonne marche du gouvernement.

Jacques Chirac procède à des privatisations: des entreprises qui appartiennent à l'État sont vendues à des personnes privées. Le succès est grand. Mais, très vite, Jacques Chirac doit faire face à une situation difficile: il essuie une flambée de terrorisme, de manifestations d'étudiants et de lycéens, des grèves répétées, d'inquiétants incidents en Nouvelle-Calédonie dont une partie de la population réclame l'indépendance. La cote de popularité de François Mitterrand remonte rapidement. Il crée la surprise en annonçant qu'il se représentera à l'élection de 1988. Face à Jacques Chirac, il l'emporte par 54,01 % des voix. L'arrivée aux affaires d'un nouveau premier ministre, Michel Rocard, symbolise ce que l'on appelle l'ouverture: il y a au gouvernement de nombreux ministres non socialistes. Rocard frappe l'opinion en réconciliant les frères ennemis de Nouvelle-Calédonie. Il assainit la vie politique en faisant adopter une loi qui réglemente les finances des partis. Obsédé par le déficit de l'État, il se fixe un but: le diminuer chaque année de 10 %. On lui doit également le R.M.I. (revenu minimum d'insertion), somme que peuvent toucher les personnes privées de ressources et quelquefois même de logement : on commence à parler de « nouveaux pauvres ». Succédant à Michel Rocard, Édith Cresson doit faire face à un chômage dont l'augmentation devient angoissante. Une situation nouvelle vient cependant soutenir notre économie: pour la première fois depuis des décennies, nous vendons plus à l'étranger que nous n'y achetons. Cet important avantage pour nos finances se confirmera d'année en année. Pierre Bérégovoy, devenu à son tour Premier ministre, procède à des réformes très libérales, notamment en faveur des entreprises. « Béré », comme on le désigne familièrement, relance l'idée d'une union économique et monétaire entre les partenaires européens. Le but à atteindre doit être la création d'une monnaie unique. Notre continent doit en vérité faire face à une situation entièrement nouvelle. En 1989, les peuples de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale ont secoué le joug soviétique et abandonné le communisme. L'Union soviétique elle-même renonce à un régime né en 1917 : la Russie reprend son nom et Leningrad redevient Saint-Pétersbourg. En redécouvrant la démocratie politique, ces peuples adoptent l'économie libérale. Le mur qui partage Berlin est abattu et les deux Allemagnes se réunifient sous le même drapeau. Mitterrand estime que cette grande Allemagne, redevenue le plus puissant pays du continent, ne constituera aucunement un péril si elle se fond dans une Europe unie.

C'est alors qu'un nouveau danger naît en Asie. Le Japon d'abord, puis la Corée, la Chine et d'autres pays bénéficiant d'une main-d'œuvre à très bas prix, proposent à l'Europe des produits si compétitifs que nos entreprises ne peuvent que difficilement résister à une telle concurrence. Seule une Europe solidaire fortement unie à l'intérieur de ses frontières nouvelles doit pouvoir gagner cette bataille. Mitterrand a lié avec le chancelier d'Allemagne Kohl des rapports étroits. Les deux hommes partagent les mêmes idées sur l'Europe et multiplient les actions pour convaincre la Grande-Bretagne, encore réticente, de se lier à elle davantage. Le véritable acte de naissance de l'Europe est consacré par le traité de Maastricht sur lequel, le 20 septembre 1993, le peuple français est consulté par référendum. François Mitterrand use de toute sa combativité pour l'emporter. Il gagne mais de justesse: 51,05 % pour le oui, 48,95 % pour le non.

Les philosophes que vous avez rencontrés au XVIIIe siècle, tout comme Victor Hugo au XIXème siècle, croyaient que la paix l'emporterait un jour définitivement sur la guerre. Les combattants de 1914-1918 criaient en revenant de l'enfer des tranchées: « Plus jamais ça ! » Notre xxème siècle finissant aura donné tort aux uns comme aux autres. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les conflits se sont multipliés à travers le monde. Vous-même avez été témoins des derniers. La télévision vous a apporté à domicile de terribles images qui vous conduiront plus tard - je l'espère - à soutenir ceux qui, malgré tout et toujours, lutteront pour défendre la paix. C'est au nom de cette paix-là que la France s'est trouvée mêlée à certains de ces conflits. Pendant l'été 1990, le président irakien Saddam Hussein a donné l'ordre à son armée d'envahir un petit pays voisin, le Koweït. L'Organisation des Nations Unies (O.N.U.) a condamné cette agression. Au sein de l'armée internationale qui s'est réunie pour faire céder Saddam Hussein - et qui l'a emporté - on a compté des soldats français de toutes armes. En Europe même, l'effondrement du communisme a eu pour conséquence l'éclatement de la Yougoslavie, État créé après la Première Guerre mondiale qui associait plusieurs peuples et républiques. Des conflits locaux ont ravagé cette contrée. En Bosnie-Herzégovine, plus particulièrement, les combats ont fait rage. L'O.N. U. a constitué une force internationale, la Forpronu, qui tente de séparer les adversaires et de protéger les habitants. La France, cette fois encore, s'y est associée en mobilisant un corps expéditionnaire qui a compté plus de 10 000 hommes. Nombre d'entre eux y ont laissé leur vie. Quand, le 28 mars 1993, vient l'heure de nouvelles élections législatives, la France compte plus de 3 millions de chômeurs. Une fois encore, les électeurs envoient à l'Assemblée nationale une majorité de droite. Jacques Chirac, président du R.P.R. (Rassemblement pour la République) a fait savoir qu'il ne souhaitait pas devenir Premier ministre, marquant sa préférence pour que soit désigné Édouard Balladur, ancien collaborateur de Pompidou et ministre de l'Économie et des Finances lors de la première cohabitation. François Mitterrand ratifie ce choix. Quoique Balladur rappelle sans cesse aux Français les difficultés qui les attendent, sa popularité est à son zénith. Nul ne doute qu'il l'emportera à l'élection présidentielle de 1995. Balladur annonce le retour aux privatisations.

La France sait désormais que François Mitterrand souffre d'un cancer. Opéré par deux fois, soumis à des traitements éprouvants, il doit faire face à de cruelles épreuves physiques et morales. Néanmoins, il n'abdique aucune de ses responsabilités, n'annule aucune de ses rencontres nationales et internationales, s'assurant le respect même de ses adversaires. Son dernier discours officiel à Strasbourg est une vibrante plaidoirie pour l'Europe. Le candidat de la gauche à l'élection présidentielle sera Lionel Jospin, socialiste d'ouverture, ancien ministre de Mitterrand. Déjouant tous les sondages, il bat Édouard Balladur au premier tour et affronte Jacques Chirac au second.

Le 7 mai 1995, ce dernier est élu président de la République par 15 763 027 voix contre 14 180 644 à Lionel Jospin.

Le 17 mai, François Mitterrand quitte l'Élysée. Il aura été le premier président de la République, depuis l'instauration de cette fonction en 1848, à avoir accompli deux septennats entiers. La personne et l'image de Jacques Chirac sont depuis longtemps familières aux Français. Né en 1932, originaire d'une famille de Corrèze, ancien élève de l'E.N.A. il a combattu en Algérie, et s'est engagé très tôt dans le combat politique sous les couleurs gaullistes. Député en 1967 - il a 35 ans -, il entre la même année, pour la première fois, dans un gouvernement. Il ne quitte pratiquement plus la fonction ministérielle jusqu'à la mort de Pompidou. Premier ministre de Giscard, il lui présente deux mois plus tard la démission de son gouvernement. Est-ce pour rentrer dans l'ombre? Bien au contraire!

Pas un instant les projecteurs de l'actualité ne quittent la longue et mince silhouette sportive de Jacques Chirac. Il fonde en 1976 le R.P.R. dont il devient président. En 1977, il est élu maire de Paris. Premier ministre - vous le savez - sous la première cohabitation, il se présente en vain en 1988 à la présidence de la République.

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Ce qui va frapper la majorité des électeurs et sans doute déterminer leur choix, c'est l'incroyable persévérance affichée au long de tant d'années par François Mitterrand.

Jugez-en vous-même. Catholique fervent, étudiant brillant tenté à la veille de la guerre par des idées de droite, homme de grande culture, combattant de la guerre de 1939-1940, il est fait prisonnier, s'évade et, à Vichy, se consacre à la défense de ses camarades de captivité. Il rejoint les rangs de la Résistance. Au lendemain de la Libération il est élu député de la Nièvre.

De 1947 à 1957, il est plusieurs fois ministre. En 1958, il s'oppose au retour du général de Gaulle au pouvoir et incarne désormais l'opposition républicaine au gaullisme. En 1965, il se présente contre le général à l'élection présidentielle et l'oblige à affronter un second tour que de Gaulle emporte d'ailleurs aisément.

Même ceux qui espèrent la victoire de Mitterrand en 1981 n'en sont assurés qu'à demi. Lui-même en doute. Je suis, au soir du 10 mai 1981, comme tous les Français, devant mon poste de télévision. Qui les Français ont-ils élu? Nous savons que le visage du vain­queur apparaîtra à 20 heures précises sur l'écran. Un réalisateur, maître en l'art du suspense, ne nous montre d'abord que le haut de ce visage. Le bas reste caché. Il se découvre lentement, très lentement. À mi-parcours seulement, un cri jaillit de toutes les bouches:

C'est Mitterrand!

Le président élu a obtenu 51,75 % des voix contre 48,24 % à Giscard.

 

La campagne électorale tout entière s'est placée sous le signe d'une formule empruntée au livre du grand écrivain Jean Guéhenno: Changer la vie.

Mitterrand va-t-il vraiment changer la vie des Français?

 

Pour faire passer cette ambition dans les faits, Mitterrand choisit Pierre Mauroy, un socialiste de tradition, comme Premier ministre. Quatre communistes deviennent ministres. On procède à de nombreuses et importantes nationa­lisations : pour comprendre ce mot, sachez que des entreprises privées, telles que Rhône-Poulenc, Saint-Gobain, Dassault ou Matra sont enlevées - contre indemnité - à ceux qui les possè­dent pour devenir la propriété de l'État. Par ailleurs, on crée un impôt sur les grandes fortunes.

 

D'autres réformes trouvent leur origine dans les idées socia­listes: on abolit la peine de mort, on réduit la semaine de travail à 39 heures, on ramène l'âge de la retraite de 65 à 60 ans, on porte les congés payés à cinq semaines et l'on crée 50 000 postes de fonctionnaires afin de lutter contre le chômage. Le résultat ne répond pas aux espérances : loin de décroître, le chômage augmente (2 millions de chômeurs en 1982), tandis que les recettes de l'État (impôts, etc.) couvrent de moins en moins ses dépenses: c'est toujours le déficit, celui-là même qui - souve­nez-vous - a conduit en 1789 la monarchie au tombeau. Pour sauver le franc menacé, il faut diminuer sa valeur - c'est-à-dire procéder à des dévaluations - en 1981 et 1982.

 

Mitterrand doit modifier sa politique. Les communistes quittent le gouvernement. On adopte une nouvelle voie écono­mique : celle de la rigueur (augmentation des impôts, augmen­tation des prix des services publics, etc.). À la fin de 1985, alors que Laurent Fabius est devenu Premier ministre, le chômage atteint un chiffre record: 2 362 000 demandeurs d'emploi. Sur le front de l'inflation, en revanche, la réussite est indiscutable: on l'a réduite à 5 %.

 

Aux élections législatives de 1986, que le corps électoral, déçu dans ses espoirs, a donné la victoire à la droite? Beaucoup pensent alors que Mitterrand va se retirer.

C'est mal connaître le Président. Il fait savoir qu'il restera à son poste : il assumera pleinement les pouvoirs que la Constitution lui reconnaît en ce qui concerne la Défense et la politique étrangère. Pour le reste, le gouvernement - confié à Jacques Chirac - conduira les affaires de la France.

Ce qui s'instaure en France, c'est une situation inédite: la cohabitation, mot qui signifie « habiter ensemble ». Un président socialiste et un Premier ministre de droite vont unir leurs efforts pour assurer la bonne marche du gouvernement.

 Jacques Chirac procède à des privatisations: des entreprises qui appartiennent à l'État sont vendues à des personnes privées. Le succès est grand. Mais, très vite, Jacques Chirac doit faire face à une situation difficile: il essuie une flambée de terroris­me, de manifestations d'étudiants et de lycéens, des grèves répétées, d'inquiétants incidents en Nouvelle-Calédonie dont une partie de la population réclame l'indépendance.

La cote de popularité de François Mitterrand remonte rapide­ment. Il crée la surprise en annonçant qu'il se représentera à l'élection de 1988. Face à Jacques Chirac, il l'emporte par 54,01 % des voix.

 

L'arrivée aux affaires d'un nouveau premier ministre, Michel Rocard, symbolise ce que l'on appelle l'ouverture: il y a au gouvernement de nombreux ministres non socialistes. Rocard frappe l'opinion en réconciliant les frères ennemis de Nouvelle-Calédonie. Il assainit la vie politique en faisant adopter une loi qui réglemente les finances des partis. Obsédé par le déficit de l'État, il se fixe un but: le diminuer chaque année de 10 %. On lui doit également le R.M.I. (revenu mini­mum d'insertion), somme que peuvent toucher les personnes privées de ressources et quelquefois même de logement : on commence à parler de « nouveaux pauvres ».

 

Succédant à Michel Rocard, Édith Cresson doit faire face à un chômage dont l'augmentation devient angoissante. Une situa­tion nouvelle vient cependant soutenir notre économie: pour la première fois depuis des décennies, nous vendons plus à l'étran­ger que nous n'y achetons. Cet important avantage pour nos finances se confirmera d'année en année.

 

Pierre Bérégovoy, devenu à son tour Premier ministre, procède à des réformes très libérales, notamment en faveur des entre­prises. « Béré », comme on le désigne familièrement, relance l'idée d'une union économique et monétaire entre les parte­naires européens. Le but à atteindre doit être la création d'une monnaie unique.

 

Notre continent doit en vérité faire face à une situation entiè­rement nouvelle. En 1989, les peuples de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale ont secoué le joug soviétique et abandonné le communisme. L'Union soviétique elle-même renonce à un régi­me né en 1917 : la Russie reprend son nom et Leningrad rede­vient Saint-Pétersbourg. En redécouvrant la démocratie politique, ces peuples adoptent l'économie libérale. Le mur qui partage Berlin est abattu et les deux Allemagnes se réunifient sous le même drapeau. Mitterrand estime que cette grande Allemagne, redevenue le plus puissant pays du continent, ne constituera aucunement un péril si elle se fond dans une Europe unie.

C'est alors qu'un nouveau danger naît en Asie. Le Japon d'abord, puis la Corée, la Chine et d'autres pays bénéficiant d'une main-d'œuvre à très bas prix, proposent à l'Europe des produits si compétitifs que nos entreprises ne peuvent que dif­ficilement résister à une telle concurrence. Seule une Europe solidaire fortement unie à l'intérieur de ses frontières nouvelles doit pouvoir gagner cette bataille.        .

Mitterrand a lié avec le chancelier d'Allemagne Kohl des rapports étroits. Les deux hommes partagent les mêmes idées sur l'Europe et multiplient les actions pour convaincre la Grande-Bretagne, encore réticente, de se lier à elle davantage.

Le véritable acte de naissance de l'Europe est consacré par le traité de Maastricht sur lequel, le 20 septembre 1993, le peuple français est consulté par référendum. François Mitterrand use de toute sa combativité pour l'emporter. Il gagne mais de justesse: 51,05 % pour le oui, 48,95 % pour le non.

 

Les philosophes que vous avez rencontrés au XVIIIe siècle, tout comme Victor Hugo au XIXème siècle, croyaient que la paix l'emporterait un jour définitivement sur la guerre. Les combattants de 1914-1918 criaient en revenant de l'enfer des tranchées: « Plus jamais ça ! »

Notre xxème siècle finissant aura donné tort aux uns comme aux autres. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les conflits se sont multipliés à travers le monde. Vous-même avez été témoins des derniers. La télévision vous a apporté à domicile de terribles images qui vous conduiront plus tard - je l'espère - à soutenir ceux qui, malgré tout et toujours, lutteront pour défendre la paix.

C'est au nom de cette paix-là que la France s'est trouvée mêlée à certains de ces conflits. Pendant l'été 1990, le président irakien Saddam Hussein a donné l'ordre à son armée d'envahir un petit pays voisin, le Koweït. L'Organisation des Nations Unies (O.N.U.) a condamné cette agression. Au sein de l'armée interna­tionale qui s'est réunie pour faire céder Saddam Hussein - et qui l'a emporté - on a compté des soldats français de toutes armes.

En Europe même, l'effondrement du communisme a eu pour conséquence l'éclatement de la Yougoslavie, État créé après la Première Guerre mondiale qui associait plusieurs peuples et républiques. Des conflits locaux ont ravagé cette contrée. En Bosnie-Herzégovine, plus particulièrement, les combats ont fait rage. L'O.N. U. a constitué une force internationale, la Forpronu, qui tente de séparer les adversaires et de protéger les habitants. La France, cette fois encore, s'y est associée en mobilisant un corps expéditionnaire qui a compté plus de 10 000 hommes. Nombre d'entre eux y ont laissé leur vie.

 

Quand, le 28 mars 1993, vient l'heure de nouvelles élections législatives, la France compte plus de 3 millions de chômeurs. Une fois encore, les électeurs envoient à l'Assemblée nationale une majorité de droite. Jacques Chirac, président du R.P.R. (Rassemblement pour la République) a fait savoir qu'il ne souhaitait pas devenir Premier ministre, marquant sa préfé­rence pour que soit désigné Édouard Balladur, ancien collabora­teur de Pompidou et ministre de l'Économie et des Finances lors de la première cohabitation. François Mitterrand ratifie ce choix. Quoique Balladur rappelle sans cesse aux Français les dif­ficultés qui les attendent, sa popularité est à son zénith. Nul ne doute qu'il l'emportera à l'élection présidentielle de 1995. Balladur annonce le retour aux privatisations.

La France sait désormais que François Mitterrand souffre d'un cancer. Opéré par deux fois, soumis à des traitements éprouvants, il doit faire face à de cruelles épreuves physiques et morales. Néanmoins, il n'abdique aucune de ses responsabilités, n'annule aucune de ses rencontres nationales et internationales, s'assurant le respect même de ses adversaires. Son dernier dis­cours officiel à Strasbourg est une vibrante plaidoirie pour l'Europe.

Le candidat de la gauche à l'élection présidentielle sera Lionel Jospin, socialiste d'ouverture, ancien ministre de Mitterrand.

Déjouant tous les sondages, il bat Édouard Balladur au premier tour et affronte Jacques Chirac au second.

Le 7 mai 1995, ce dernier est élu président de la République par 15 763 027 voix contre 14 180 644 à Lionel Jospin.

Le 17 mai, François Mitterrand quitte l'Élysée. Il aura été le premier président de la République, depuis l'instauration de cette fonction en 1848, à avoir accompli deux septennats entiers.

La personne et l'image de Jacques Chirac sont depuis long­temps familières aux Français. Né en 1932, originaire d'une famille de Corrèze, ancien élève de l'E.N.A. il a combattu en Algérie, et s'est engagé très tôt dans le combat politique sous les couleurs gaullistes. Député en 1967 - il a 35 ans -, il entre la même année, pour la première fois, dans un gouvernement. Il ne quitte pratiquement plus la fonction ministérielle jusqu'à la mort de Pompidou. Premier ministre de Giscard, il lui présente deux mois plus tard la démission de son gouvernement. Est-ce pour rentrer dans l'ombre? Bien au contraire!

Pas un instant les projecteurs de l'actualité ne quittent la longue et mince silhouette sportive de Jacques Chirac. Il fonde en 1976 le R.P.R. dont il devient président. En 1977, il est élu maire de Paris. Premier ministre - vous le savez - sous la pre­mière cohabitation, il se présente en vain en 1988 à la présidence de la République.