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En Chine, Antiquité de la Chine

Antiquité de la Chine

La Chine est une des plus vénérables aïeules du Monde et de la civilisation. Elle nous offre cet exemple—unique dans l'histoire de la terre—d'un peuple qui, depuis la plus lointaine antiquité, s'est développé sans interruption, jusqu'aux temps modernes toujours semblable à lui-même sans se mêler, sans se diviser à travers les siècles, les invasions, les conquêtes, car il a toujours su s'assimiler le vainqueur. À peine modifié dans son langage et son écriture, ce peuple est aujourd'hui ce qu'il était plus de VIII siècles avant la naissance de la civilisation grecque. L'Égypte, Babylone, l'Indoustan, la Grèce, Rome, toutes ces splendeurs se sont éteintes, seule la Chine a traversé les âges, d'un cours égal, sans s'amoindrir comme un beau fleuve intarissable. Les commencements de la Chine s'enfoncent en de tels lointains, qu'il est impossible de les fixer avec certitude, mais à partir d'un certain point, rien n'est plus certain ni mieux prouvé que son antiquité: rien de plus sûr que ses annales. Près de trois mille ans avant notre ère, elle avait déjà un passé, car c'est alors que fut fondé «le Tribunal pour écrire l'histoire.» Ce tribunal n'a jamais cessé ses travaux, et fonctionne encore aujourd'hui. Son histoire est très véridique—car l'impartialité de ses historiens est assurée par un procédé infaillible: plusieurs lettrés, attachés au palais impérial, écrivent chaque jour, sans se concerter et en secret, sur des feuilles volantes, toutes les actions de l'empereur, et toutes les nouvelles qu'on leur rapporte et qu'ils peuvent contrôler. Le soir, ils jettent leurs écrits dans un grand coffre scellé, percé d'une fente comme une tirelire. Jamais on n'ouvre le coffre du vivant de la famille régnante qui pourrait avoir intérêt à falsifier la vérité. Plus tard, on confronte les écrits, et on rédige les annales.

On a coutume de dire que les Chinois ont tout inventé, tout, ou presque tout.

Quand on fouille un peu dans leur histoire, on marche de surprise en surprise.

Il y a quatre mille cinq cents ans, ils connaissaient la boussole, et s'en servaient pour se diriger sur terre, car en ces temps, il n'y avait pas de route, et les quelques chemins tracés n'allaient pas bien loin. C'était en des chars très ornés que se cachait «le mystérieux esprit qui désigne le Sud.» Le Sud et non le Nord, mais n'est-ce pas la même chose? Le prolongement de l'aiguille aimantée vers le pôle opposé. Les Chinois ne se sont intéressés qu'à la direction qu'il leur était utile de connaître et que désignait le signe indicatif placé à l'extrémité sud de l'aiguille. Les Chinois ont inventé l'imprimerie, sinon par les caractères mobiles, du moins en gravant des livres qu'ils pouvaient tirer à des exemplaires illimités et cela, des siècles avant Gutenberg. Ils ont inventé la soie, il y a quatre mille cinq cent ans. L'Impératrice Youen-Fi, alors régnante, sortit un jour en grande pompe de son palais, et alla planter de sa main dans un des temples de la capitale un jeune mûrier, puis elle enseigna la culture et l'élevage des vers à soie. Les Chinois reconnaissants ont déifié Youen-Fi, et lui rendent hommage encore aujourd'hui. On ne peut pas dire des Chinois, «qu'ils n'ont pas inventé la poudre» car ils l'ont inventée. Au siège de la ville Lian-Lian, il y a neuf siècles, ils en emplirent des globes de fer qui éclataient, et qu'ils lançaient à l'aide de tubes: les obus, ou à peu près. Mais on n'a pas cherché à perfectionner et à répandre l'art de s'entre-détruire. Le peuple qui, cinq cents ans avant le Christianisme, a proclamé que tous les hommes sont frères, ne pouvait penser qu'à se défendre. Sitôt l'ordre rétabli, on fondait les armes pour en faire des instruments d'agriculture, on licenciait l'armée pour rendre les travailleurs à la terre et le terrible engin n'avait plus que des fracas joyeux sous la forme de ravissants feux d'artifice... La porcelaine, elle aussi, est originaire de Chine, la célèbre fabrique de King-te-Tchin existe toujours; elle est située dans la vallée de Fo-Liang sur une petite rivière nommée Tchang. C'est là que l'on garde depuis huit siècles les précieux secrets de sa fabrication. Trois mille fourneaux brûlent dans la ville, sans s'éteindre jamais. Un million d'ouvriers travaillent continuellement, tout le monde vit de la grande fabrique. Les enfants et les vieillards arrosent le Kaolin, les aveugles broient les couleurs.

Le soir, de loin, il semble qu'un immense incendie flamboie dans la vallée, et le passant attardé, qui chemine sur les côteaux, croit voir voltiger dans les flammes le poussah de la porcelaine, celui qui, autrefois ouvrier de King-te-Tchin n'ayant pu réussir un modèle proposé par l'empereur, se précipita dans la fournaise et s'y transforma en un vase merveilleux qui avait «la couleur du ciel après la pluie, la clarté d'un miroir, la finesse d'une feuille de bambou et la résonnance d'un gong.» L'opulente ville de Fou-Tchéou, seule, fait une concurrence sérieuse à King-te-Tchin. On y fabrique en grand de faux antiques, dont on trafique ouvertement, on reproduit les genres de toutes les époques: les craquelés de Ko-Yao le frère ainé, les truites de la Belle Chou, qui vivait sous les Song, les fonds grenats et veinés de rouge de l'époque des Ming, la porcelaine bleue des Tsin, la verte des Soui, les fonds blancs du VIIe siècle, les bleus célestes du Xe, les gris clair et les blancs de lune. Les Chinois fabriquèrent même les allumettes chimiques, mais ils ne s'en servirent guère, préférant l'antique briquet, car, et c'est là une particularité très singulière, les Chinois n'attachent pas beaucoup d'importance à la plupart de leurs inventions, ils s'en amusent quelque temps comme d'une curiosité, mais cherchent bien rarement à exploiter la trouvaille et à en tirer parti. Bien des siècles avant Pascal, ils ont imaginé et mis en usage un véhicule portant sur une seule roue. La brouette chinoise a, il est vrai, un aspect assez différent de la nôtre, bien qu'elle ait le même principe. La roue assez grande la partage en deux compartiments, sur lesquels doivent s'empiler les marchandises à transporter. Quelquefois, le possesseur de la brouette prend un, voire deux passagers. S'il y en a un seul, il met ses bagages de l'autre côté de la roue, pour faire contre-poids. S'ils sont deux, ils se font équilibre. À Shanghai, il y a des brouettes, dont les compartiments très allongés, peuvent recevoir jusqu'à dix passagers. Lorsque le vent est favorable, on ajoute une voile à l'équipage, dont l'allure devient alors presque rapide. Pour ne pas trop fatiguer ses bras, le conducteur croise sur son dos deux courroies qui sont assujetties à la brouette.

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Antiquité de la Chine Antiquity of China

La Chine est une des plus vénérables aïeules du Monde et de la civilisation. Elle nous offre cet exemple—unique dans l'histoire de la terre—d'un peuple qui, depuis la plus lointaine antiquité, s'est développé sans interruption, jusqu'aux temps modernes toujours semblable à lui-même sans se mêler, sans se diviser à travers les siècles, les invasions, les conquêtes, car il a toujours su s'assimiler le vainqueur. À peine modifié dans son langage et son écriture, ce peuple est aujourd'hui ce qu'il était plus de VIII siècles avant la naissance de la civilisation grecque. L'Égypte, Babylone, l'Indoustan, la Grèce, Rome, toutes ces splendeurs se sont éteintes, seule la Chine a traversé les âges, d'un cours égal, sans s'amoindrir comme un beau fleuve intarissable. Les commencements de la Chine s'enfoncent en de tels lointains, qu'il est impossible de les fixer avec certitude, mais à partir d'un certain point, rien n'est plus certain ni mieux prouvé que son antiquité: rien de plus sûr que ses annales. Près de trois mille ans avant notre ère, elle avait déjà un passé, car c'est alors que fut fondé «le Tribunal pour écrire l'histoire.» Ce tribunal n'a jamais cessé ses travaux, et fonctionne encore aujourd'hui. Son histoire est très véridique—car l'impartialité de ses historiens est assurée par un procédé infaillible: plusieurs lettrés, attachés au palais impérial, écrivent chaque jour, sans se concerter et en secret, sur des feuilles volantes, toutes les actions de l'empereur, et toutes les nouvelles qu'on leur rapporte et qu'ils peuvent contrôler. Le soir, ils jettent leurs écrits dans un grand coffre scellé, percé d'une fente comme une tirelire. Jamais on n'ouvre le coffre du vivant de la famille régnante qui pourrait avoir intérêt à falsifier la vérité. Plus tard, on confronte les écrits, et on rédige les annales.

On a coutume de dire que les Chinois ont tout inventé, tout, ou presque tout.

Quand on fouille un peu dans leur histoire, on marche de surprise en surprise.

Il y a quatre mille cinq cents ans, ils connaissaient la boussole, et s'en servaient pour se diriger sur terre, car en ces temps, il n'y avait pas de route, et les quelques chemins tracés n'allaient pas bien loin. C'était en des chars très ornés que se cachait «le mystérieux esprit qui désigne le Sud.» Le Sud et non le Nord, mais n'est-ce pas la même chose? Le prolongement de l'aiguille aimantée vers le pôle opposé. Les Chinois ne se sont intéressés qu'à la direction qu'il leur était utile de connaître et que désignait le signe indicatif placé à l'extrémité sud de l'aiguille. Les Chinois ont inventé l'imprimerie, sinon par les caractères mobiles, du moins en gravant des livres qu'ils pouvaient tirer à des exemplaires illimités et cela, des siècles avant Gutenberg. Ils ont inventé la soie, il y a quatre mille cinq cent ans. L'Impératrice Youen-Fi, alors régnante, sortit un jour en grande pompe de son palais, et alla planter de sa main dans un des temples de la capitale un jeune mûrier, puis elle enseigna la culture et l'élevage des vers à soie. Les Chinois reconnaissants ont déifié Youen-Fi, et lui rendent hommage encore aujourd'hui. On ne peut pas dire des Chinois, «qu'ils n'ont pas inventé la poudre» car ils l'ont inventée. Au siège de la ville Lian-Lian, il y a neuf siècles, ils en emplirent des globes de fer qui éclataient, et qu'ils lançaient à l'aide de tubes: les obus, ou à peu près. Mais on n'a pas cherché à perfectionner et à répandre l'art de s'entre-détruire. Le peuple qui, cinq cents ans avant le Christianisme, a proclamé que tous les hommes sont frères, ne pouvait penser qu'à se défendre. Sitôt l'ordre rétabli, on fondait les armes pour en faire des instruments d'agriculture, on licenciait l'armée pour rendre les travailleurs à la terre et le terrible engin n'avait plus que des fracas joyeux sous la forme de ravissants feux d'artifice... La porcelaine, elle aussi, est originaire de Chine, la célèbre fabrique de King-te-Tchin existe toujours; elle est située dans la vallée de Fo-Liang sur une petite rivière nommée Tchang. C'est là que l'on garde depuis huit siècles les précieux secrets de sa fabrication. Trois mille fourneaux brûlent dans la ville, sans s'éteindre jamais. Un million d'ouvriers travaillent continuellement, tout le monde vit de la grande fabrique. Les enfants et les vieillards arrosent le Kaolin, les aveugles broient les couleurs.

Le soir, de loin, il semble qu'un immense incendie flamboie dans la vallée, et le passant attardé, qui chemine sur les côteaux, croit voir voltiger dans les flammes le poussah de la porcelaine, celui qui, autrefois ouvrier de King-te-Tchin n'ayant pu réussir un modèle proposé par l'empereur, se précipita dans la fournaise et s'y transforma en un vase merveilleux qui avait «la couleur du ciel après la pluie, la clarté d'un miroir, la finesse d'une feuille de bambou et la résonnance d'un gong.» L'opulente ville de Fou-Tchéou, seule, fait une concurrence sérieuse à King-te-Tchin. On y fabrique en grand de faux antiques, dont on trafique ouvertement, on reproduit les genres de toutes les époques: les craquelés de Ko-Yao le frère ainé, les truites de la Belle Chou, qui vivait sous les Song, les fonds grenats et veinés de rouge de l'époque des Ming, la porcelaine bleue des Tsin, la verte des Soui, les fonds blancs du VIIe siècle, les bleus célestes du Xe, les gris clair et les blancs de lune. Les Chinois fabriquèrent même les allumettes chimiques, mais ils ne s'en servirent guère, préférant l'antique briquet, car, et c'est là une particularité très singulière, les Chinois n'attachent pas beaucoup d'importance à la plupart de leurs inventions, ils s'en amusent quelque temps comme d'une curiosité, mais cherchent bien rarement à exploiter la trouvaille et à en tirer parti. Bien des siècles avant Pascal, ils ont imaginé et mis en usage un véhicule portant sur une seule roue. La brouette chinoise a, il est vrai, un aspect assez différent de la nôtre, bien qu'elle ait le même principe. La roue assez grande la partage en deux compartiments, sur lesquels doivent s'empiler les marchandises à transporter. Quelquefois, le possesseur de la brouette prend un, voire deux passagers. S'il y en a un seul, il met ses bagages de l'autre côté de la roue, pour faire contre-poids. S'ils sont deux, ils se font équilibre. À Shanghai, il y a des brouettes, dont les compartiments très allongés, peuvent recevoir jusqu'à dix passagers. Lorsque le vent est favorable, on ajoute une voile à l'équipage, dont l'allure devient alors presque rapide. Pour ne pas trop fatiguer ses bras, le conducteur croise sur son dos deux courroies qui sont assujetties à la brouette.