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l'histoire de France, La révolution de 1789 - les droits de l'homme et du citoyen

A Versailles, chaque jour l'Assemblée nationale se réunit, avenue Royale, dans la salle rectangulaire des Menus-Plaisirs, ainsi appelée parce qu'on y rangeait naguère les accessoires destinés aux fêtes et aux concerts du roi. Le 4 août 1789 au soir - il y a tant de lois nouvelles à élaborer! l'Assemblée a décidé de siéger de nuit. Dans la salle où les chandelles et les lampes à huile ont du mal à percer l'obscurité, un député demande la parole, un cadet sans fortune: le vicomte de Noailles. À mesure qu'il parle, on l'écoute avec une attention de plus en plus passionnée. Ce qu'il propose? Tout simplement que l'Assemblée - et plus particulièrement les nobles - abandonnent de leur plein gré tous ces « droits féodaux» dont les paysans cherchent partout, les armes à la main, à arracher l'abolition. Quand Noailles se tait, le duc d'Aiguillon, l'un des plus riches gentilshommes du royaume, bondit à la tribune, s'écrie qu'il faut accorder sur-le-champ l'égalité de tous les citoyens devant l'impôt, supprimer les corvées que les paysans doivent aux seigneurs et obliger les nobles à renoncer à ces droits qui ne veulent plus rien dire. Voilà l'Assemblée debout, soulevée d'enthousiasme. L'un après l'autre, les députés nobles escaladent la tribune et viennent solennellement déclarer qu'ils abandonnent ces droits qui jusque-là leur accordaient, dans le royaume de France, cette première place que nul n'osait leur disputer. Mais le clergé ne veut pas demeurer en reste : ses représentants proclament qu'ils abandonnent les dîmes - autres impôts - que leur devaient les Français. À leur tour, les délégués des villes et des provinces sacrifient leurs privilèges!

Dans le même élan, le 26 août, l'assemblée nationale va voter la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen qui proclame que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », Cette Déclaration va faire le tour du monde. Tous ceux dans l'avenir qui lutteront pour la liberté se réclameront d'elle. Dans cette rue de Paris, étroite et sombre, une femme arrive en courant. Elle s'arrête devant une maison, appelle: - Louison! Une fenêtre s'ouvre. Une jeune fille paraît: - Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? - On s'en va à Versailles, chercher le roi ! Tu viens ?

- Je viens !

Ce matin-là, 5 octobre 1789, on a pu entendre un tel dialogue plusieurs centaines de fois.

Depuis les grands enthousiasmes du mois d'août, la fièvre est tombée. A Paris, on s'inquiète. L'hiver approche. Le pain devient rare et de plus en plus cher. Pour les pauvres gens, le pain est toujours la denrée essentielle. Va-t-on en manquer ? On répète partout que d'énormes stocks de blés sont entreposés à Versailles. Et puis aussi les Parisiens comprennent mal que le roi ait de nouveau appelé des régiments auprès de lui. Pour la protection de la cour explique-t-on.

Qu'a-t-elle besoin d'être protégée ? N'est-ce pas plutôt que l'on médite encore un mauvais coup contre le peuple ? Pas le roi, certes. Il est bon. Mais son entourage. Il faudrait protéger le roi de tous ces gens-là. Si on l'avait là, à Paris, sous la main, sûrement tout irait mieux ! Soudain dans les faubourgs, une femme a lancé ce cri: - Allons à Versailles chercher le boulanger, la boulangère et le petit mitron! Car, pour ces femmes simples, le roi, la reine et le prince, leur fils, peuvent, s'ils le veulent, leur donner du pain. Par groupes, armées de piques, de fourches - et même simplement de manches à balai! - les Parisiennes se sont mises en marche.

Pourtant, il pleut. Voici le plus étonnant: ce sont des femmes qui ont voulu cela. Et ce sont des femmes qui marchent sur Versailles. Sept à huit mille femmes. D'excellentes épouses, de bonnes mères, mais aussi des mégères. À la nuit tombée, la marée humaine, une marée trempée et crottée, bat les grilles du château de Versailles. À l'aube du lendemain, elle s'y trouve toujours et, par une grille laissée malencontreusement ouverte, elle s'engouffre dans le château. Marie-Antoinette, que l'on cherche avec des cris affreux, s'enfuit à toutes jambes à travers le château et, par un passage secret, rejoint le roi aussi épouvanté qu'elle. Ce qui va sauver le couple royal, c'est l'intervention des gardes françaises accourues - un peu tard - pour dégager le château. Devant la foule tumultueuse, le roi paraît au balcon. Il crie: - Mes amis, j'irai à Paris avec ma femme, et mes enfants! C'est à l'amour de mes bons et fidèles sujets que je confie ce que j'ai de plus précieux! Les mêmes femmes qui voulaient « arracher les tripes» de la reine applaudissent frénétiquement le roi.

A 1 h 25 de l'après-midi, le 6 octobre 1789, le cortège royal quittera le château pour Paris. Le soir même, Louis XVI s'installera au palais des Tuileries. Jamais la monarchie ne reviendra à Versailles.

Une énorme berline cahote à travers les monts d'Argonne, sur la route de Sainte-Menehould. Peinte en vert et jaune, tirée par six chevaux, elle contient une famille en fuite. Cet homme, ces deux femmes, ces deux enfants qui ont quitté secrètement Paris à l'aube du 20 juin 1791, ne sont autres que Louis XVI, Marie-Antoinette, Madame Élisabeth, sœur du roi, le petit duc de Normandie, héritier du trône, et sa sœur Madame Royale. Ce qu'ils fuient, c'est tout simplement la Révolution. Quand l'Assemblée, en 1791, a enfin voté la Constitution tant attendue par les Français et qui partageait le pouvoir entre le roi et la nouvelle Assemblée législative, on a pu croire que le grand mouvement de 1789 était terminé pour le bien de tous. Louis XVI, homme de bonne volonté, semblait fait pour un tel partage. Malheureusement, quand l'Assemblée a décidé que tous les biens du clergé seraient vendus au profit de la nation - les dettes de l'État restaient toujours aussi lourdes, et l'Église de France était très riche,le roi s'est senti choqué dans ses sentiments de chrétien. La nouvelle loi portait aussi que les prêtres devraient désormais prêter serment de fidélité à la Nation. Mais le pape a interdit ce serment. Déchiré, Louis XVI, qui est animé d'une foi profonde, a voulu s'opposer à la loi. Il n'y est pas parvenu. Dès lors, au lieu de collaborer avec les députés, il s'est refusé à jouer le jeu de la nouvelle France. Les Français ont ressenti cela avec irritation. Le plus grave est que, désormais, ils vont se méfier de leur souverain.

Louis XVI - et surtout Marie-Antoinette - ne se sentent plus maîtres chez eux. Imitant les frères du roi et de nombreux nobles qui ont quitté la France - on dit qu'ils ont émigré - ils se sont résolus à fuir .. Voilà pourquoi, déguisés en simples voyageurs, ils roulent vers l'est du royaume. Ils sont porteurs d'un passeport où l'on peut lire qu'il faut laisser librement passer la baronne de Korff - c'est la reine qui joue ce rôle - « allant à Francfort avec deux enfants, une femme et un valet de chambre ». Le roi a accepté de se déguiser en valet de chambre.

Depuis le départ de Paris, tout s'est bien passé. Personne n'a reconnu la famille royale. L'erreur, pourtant, c'est d'avoir choisi une voiture aussi grosse, aussi lourde. Malgré ses six chevaux, elle avance trop lentement. Elle va être suivie de très près par un cavalier envoyé par l'Assemblée et porteur d'un ordre terrible: De la part de l'Assemblée Nationale, il est ordonné à tous les bons citoyens de faire arrêter la berline à six chevaux dans laquelle on soupçonne être le Roi et la Reine. Les six chevaux de la voiture jaune et vert doivent être changés souvent: cela s'appelle relayer, parce que, tout au long des routes, sont installés des relais de poste. À Sainte-Menehould, la voiture s'arrête. On change les chevaux. Tout est tranquille.

Mais, sur le seuil de sa maison, le maître de poste, un certain Drouet, a été frappé, tout à coup, par le visage de ce voyageur - un valet de chambre, disait-on - qui, pendant que l'on attelait les nouveaux chevaux, est descendu se dégourdir les jambes. Ce visage lui rappelle quelque chose. Il se demande où et quand il a vu cet homme-là.

Pour payer la location des chevaux, le voyageur remet ces billets de banque -les assignats - dont on se sert depuis quelque temps.

Sur chaque assignat, il y a le portrait de Louis XVI. Machinalement, au moment où la voiture repart, Drouet jette un coup d'œil sur les assignats. Il sursaute: l'homme qu'il vient de voir - et qui est loin maintenant - c'est Louis XVI ! Drouet a embrassé avec ardeur la cause de la Révolution. Il saute à cheval, galope à travers bois, emprunte tous les chemins de traverse qu'il connaît. Ce qu'il veut, c'est arriver avant la berline à l'étape suivante : le bourg de Varennes. Il y parvient, donne l'alarme: - Le roi arrive ! Il faut l'arrêter ! Quand la berline se présente, la population alertée s'empare de la famille royale qui est conduite dans l'épicerie de M. Sauce, procureur - nous dirions aujourd'hui maire - de la commune. Drouet pénètre dans la pièce.

- Bonjour, Sire, dit-il simplement.

Ces deux mots mettent fin à des siècles de monarchie.

La famille royale, gardée par la force publique, escortée par une foule énorme qui pousse des cris hostiles, est reconduite à Paris. Écrasée de désespoir.

Ces hommes qui, à la lumière des chandelles, sont réunis sous les voûtes de l'église d'un ancien couvent de Paris, rue Saint-Honoré, et qui discutent avec tant d'ardeur, tant de passion, on les appelle les Jacobins. Pourquoi? Tout simplement parce que le couvent où ils s'assemblent s'appelait déjà ainsi avant la Révolution. Le club politique qui a pris la place des moines est donc logiquement devenu le club des Jacobins.

Depuis la fuite du roi à Varennes, c'est Maximilien Robespierre - il a supprimé le de - qui est devenu le principal animateur du groupe. Quand il monte à la tribune, quand il ajuste sur ses yeux facilement fatigués des lunettes vertes, tout le monde fait silence. Immense, son prestige. Or Robespierre, qui était si royaliste en 1789, ne l'est plus. Avec beaucoup de Français, il s'est dit que, pendant l'absence du roi, tout a continué à fort bien fonctionner en France. A quoi bon conserver ce roi inutile? Mieux vaudrait une république!

En Europe, les autres rois observent cette évolution avec l'inquiétude que vous pouvez bien imaginer. Ils constatent que Louis XVI, dans son palais des Tuileries, est désormais une sorte de prisonnier. Nous devons reconnaître qu'ils n'ont pas tort. Alors, ces rois menacent : - Ne touchez pas à Louis XVI ! Pour manifester sa bonne volonté, le roi accepte de déclarer la guerre à l'empereur d'Autriche, l'un des plus farouches ennemis de la Révolution. Robespierre, méfiant de nature, s'est écrié à la tribune des Jacobins qu'il ne croyait pas à la sincérité de Louis XVI. Il a raison. Le roi espère que la France perdra cette guerre, que les rois vainqueurs viendront jusqu'à Paris pour le rétablir dans tous les droits qu'il a perdus. Marie-Antoinette expédie même secrètement les plans de l'armée française à nos ennemis! Quand les armées autrichiennes infligent aux nôtres leurs premières défaites, les patriotes crient que nous avons été trahis. Cette trahison, on répète qu'elle ne peut être le fait que du roi et de la reine. On a raison pour Marie-Antoinette, on a tort pour Louis XVI.

Le 10 août 1792, des volontaires arrivés dé Marseille pour défendre la patrie en danger s'allient au peuple de Paris et envahissent le palais des Tuileries défendu par un millier d'hommes, gardes suisses et gendarmes, ainsi que par quelques centaines de gentilshommes. Ces Marseillais ont chanté tout le long de leur route - et particulièrement en donnant l'assaut aux Tuileries - le Chant pour l'Armée du Rhin qu'un jeune officier, Rouget de l'Isle, a écrit à Strasbourg en avril 1792. On va dès lors l'appeler la Marseillaise et il deviendra l'hymne national des Français. Louis XVI, pour que le sang ne coule pas -la bataille qui s'est engagée aux Tuileries va faire déjà de nombreux morts - se rend avec sa famille, par les jardins, jusqu'au siège de l'Assemblée. Quelque temps plus tard, on décide que la famille royale sera emprisonnée dans un édifice qui date du Moyen Âge, la tour du Temple.

L'heure vient de sonner de la chute de la monarchie. Les Français sont appelés à élire une nouvelle assemblée, la Convention. Pour la première fois tous les citoyens de sexe mâle - il n'est pas encore question des femmes - ont participé au vote, sans distinction d'origine ni de fortune; on dit que la Convention a été élue au suffrage universel. Afin de bien marquer qu'une époque nouvelle commence pour les Français, la Convention va décider que l'on comptera désormais le temps, non plus depuis la naissance de Jésus-Christ, mais depuis le premier jour de la République, 22 septembre 1792. En outre, on usera, pour désigner les mois, de mots nouveaux. Janvier, mois où il pleut, devient pluviôse; février, quand le vent souffle, ventôse; mars, temps où les graines commencent à germer, sera germinal. On doit ce « calendrier républicain » au conventionnel Fabre d'Églantine et nous devons reconnaître que ces noms sont bien jolis: floréal (le temps des fleurs), prairial (les prairies), messidor (les moissons), thermidor (la chaleur), fructidor (les fruits), vendémiaire (les vendanges), brumaire (les brumes), frimaire (les frimas), nivôse (les neiges). La Convention veut totalement rompre avec le passé. Ainsi, accusé de trahison envers la patrie, Louis XVI va paraître devant cette assemblée qui s'est transformée en tribunal. C'est au cours de ce procès que Saint-Just, le tout jeune député du département de l'Aisne, âgé seulement de vingt-cinq ans, va prendre figure de penseur politique en s'écriant : - On ne règne pas innocemment. Après un interminable débat, Louis XVI est condamné à mort.

Le 21 janvier 1793, cet homme juste, qui n'avait toujours rien compris de son temps, monte sur l'échafaud. Il veut parler au peuple. Un roulement de tambour l'en empêche. Le bourreau Sanson actionne le couperet de la guillotine. C'en est fait de Louis XVI. Maintenant, la France est définitivement en République.

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A Versailles, chaque jour l'Assemblée nationale se réunit, avenue Royale, dans la salle rectangulaire des Menus-Plaisirs, ainsi appelée parce qu'on y rangeait naguère les accessoires destinés aux fêtes et aux concerts du roi. Le 4 août 1789 au soir - il y a tant de lois nouvelles à élaborer! ­l'Assemblée a décidé de siéger de nuit.

Dans la salle où les chandelles et les lampes à huile ont du mal à percer l'obscurité, un député demande la parole, un cadet sans fortune: le vicomte de Noailles.

À mesure qu'il parle, on l'écoute avec une attention de plus en plus passionnée. Ce qu'il propose? Tout simplement que l'Assemblée - et plus particulièrement les nobles - abandon­nent de leur plein gré tous ces « droits féodaux» dont les pay­sans cherchent partout, les armes à la main, à arracher l'abolition.

Quand Noailles se tait, le duc d'Aiguillon, l'un des plus riches gentilshommes du royaume, bondit à la tribune, s'écrie qu'il faut accorder sur-le-champ l'égalité de tous les citoyens devant l'impôt, supprimer les corvées que les paysans doivent aux seigneurs et obli­ger les nobles à renoncer à ces droits qui ne veulent plus rien dire.

Voilà l'Assemblée debout, soulevée d'enthousiasme. L'un après l'autre, les députés nobles escaladent la tribune et vien­nent solennellement déclarer qu'ils abandonnent ces droits qui jusque-là leur accordaient, dans le royaume de France, cette pre­mière place que nul n'osait leur disputer. Mais le clergé ne veut pas demeurer en reste : ses représentants proclament qu'ils abandonnent les dîmes - autres impôts - que leur devaient les Français. À leur tour, les délégués des villes et des provinces sacrifient leurs privilèges!

 

Dans le même élan, le 26 août, l'assemblée nationale va voter la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen qui proclame que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », Cette Déclaration va faire le tour du monde. Tous ceux dans l'avenir qui lutteront pour la liberté se réclameront d'elle.

 

Dans cette rue de Paris, étroite et sombre, une femme arrive en courant. Elle s'arrête devant une maison, appelle:

- Louison!

Une fenêtre s'ouvre. Une jeune fille paraît:

-         Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

-         On s'en va à Versailles, chercher le roi ! Tu viens ?

-         Je viens !

Ce matin-là, 5 octobre 1789, on a pu entendre un tel dialogue plusieurs centaines de fois.

Depuis les grands enthousiasmes du mois d'août, la fièvre est tombée. A Paris, on s'inquiète. L'hiver approche. Le pain devient rare et de plus en plus cher. Pour les pauvres gens, le pain est toujours la denrée essentielle. Va-t-on en manquer ? On répète partout que d'énormes stocks de blés sont entreposés à Versailles.

Et puis aussi les Parisiens comprennent mal que le roi ait de nouveau appelé des régiments auprès de lui. Pour la protection de la cour explique-t-on.

Qu'a-t-elle besoin d'être protégée ? N'est-ce pas plutôt que l'on médite encore un mauvais coup contre le peuple ? Pas le roi, certes. Il est bon. Mais son entourage. Il faudrait protéger le roi de tous ces gens-là. Si on l'avait là, à Paris, sous la main, sûrement tout irait mieux !

Soudain dans les faubourgs, une femme a lancé ce cri:

- Allons à Versailles chercher le boulanger, la boulangère et le petit mitron!

Car, pour ces femmes simples, le roi, la reine et le prince, leur fils, peuvent, s'ils le veulent, leur donner du pain.

Par groupes, armées de piques, de fourches - et même sim­plement de manches à balai! - les Parisiennes se sont mises en marche.

Pourtant, il pleut. Voici le plus étonnant: ce sont des femmes qui ont voulu cela. Et ce sont des femmes  qui marchent sur Versailles. Sept à huit mille femmes. D'excellentes épouses, de bonnes mères, mais aussi des mégères.

À la nuit tombée, la marée humaine, une marée trempée et crottée, bat les grilles du château de Versailles. À l'aube du lendemain, elle s'y trouve toujours et, par une grille laissée malencontreusement ouverte, elle s'engouffre dans le château. Marie-Antoinette, que l'on cherche avec des cris affreux, s'enfuit à toutes jambes à travers le château et, par un passage secret, rejoint le roi aussi épouvanté qu'elle. Ce qui va sauver le couple royal, c'est l'intervention des gardes françaises accourues - un peu tard - pour dégager le château.

Devant la foule tumultueuse, le roi paraît au balcon. Il crie: - Mes amis, j'irai à Paris avec ma femme, et mes enfants!

C'est à l'amour de mes bons et fidèles sujets que je confie ce que j'ai de plus précieux!

Les mêmes femmes qui voulaient « arracher les tripes» de la reine applaudissent frénétiquement le roi.

A 1 h 25 de l'après-midi, le 6 octobre 1789, le cortège royal quittera le château pour Paris. Le soir même, Louis XVI s'installera au palais des Tuileries.

Jamais la monarchie ne reviendra à Versailles.

 

Une énorme berline cahote à travers les monts d'Argonne, sur la route de Sainte-Menehould. Peinte en vert et jaune, tirée par six chevaux, elle contient une famille en fuite. Cet homme, ces deux femmes, ces deux enfants qui ont quitté secrètement Paris à l'aube du 20 juin 1791, ne sont autres que Louis XVI, Marie-Antoinette, Madame Élisabeth, sœur du roi, le petit duc de Normandie, héritier du trône, et sa sœur Madame Royale.

Ce qu'ils fuient, c'est tout simplement la Révolution. Quand l'Assemblée, en 1791, a enfin voté la Constitution tant attendue par les Français et qui partageait le pouvoir entre le roi et la nou­velle Assemblée législative, on a pu croire que le grand mouve­ment de 1789 était terminé pour le bien de tous.

Louis XVI, homme de bonne volonté, semblait fait pour un tel partage. Malheureusement, quand l'Assemblée a décidé que tous les biens du clergé seraient vendus au profit de la nation - les dettes de l'État restaient toujours aussi lourdes, et l'Église de France était très riche,le roi s'est senti choqué dans ses sen­timents de chrétien.

La nouvelle loi portait aussi que les prêtres devraient désormais prêter serment de fidélité à la Nation. Mais le pape a interdit ce serment. Déchiré, Louis XVI, qui est animé d'une foi profonde, a voulu s'opposer à la loi. Il n'y est pas parvenu. Dès lors, au lieu de collaborer avec les députés, il s'est refusé à jouer le jeu de la nou­velle France. Les Français ont ressenti cela avec irritation. Le plus grave est que, désormais, ils vont se méfier de leur souverain.

Louis XVI - et surtout Marie-Antoinette - ne se sentent plus maîtres chez eux. Imitant les frères du roi et de nombreux nobles qui ont quitté la France - on dit qu'ils ont émigré - ils se sont résolus à fuir ..

Voilà pourquoi, déguisés en simples voyageurs, ils roulent vers l'est du royaume. Ils sont porteurs d'un passeport où l'on peut lire qu'il faut laisser librement passer la baronne de Korff - c'est la reine qui joue ce rôle - « allant à Francfort avec deux enfants, une femme et un valet de chambre ». Le roi a accepté de se déguiser en valet de chambre.

Depuis le départ de Paris, tout s'est bien passé. Personne n'a reconnu la famille royale. L'erreur, pourtant, c'est d'avoir choisi une voiture aussi grosse, aussi lourde. Malgré ses six chevaux, elle avance trop lentement. Elle va être suivie de très près par un cavalier envoyé par l'Assemblée et porteur d'un ordre terrible:

De la part de l'Assemblée Nationale, il est ordonné à tous les bons citoyens de faire arrêter la berline à six chevaux dans laquelle on soup­çonne être le Roi et la Reine.

Les six chevaux de la voiture jaune et vert doivent être chan­gés souvent: cela s'appelle relayer, parce que, tout au long des routes, sont installés des relais de poste. À Sainte-Menehould, la voiture s'arrête. On change les chevaux. Tout est tranquille.

Mais, sur le seuil de sa maison, le maître de poste, un certain Drouet, a été frappé, tout à coup, par le visage de ce voyageur - un valet de chambre, disait-on - qui, pendant que l'on attelait les nouveaux chevaux, est descendu se dégourdir les jambes. Ce visage lui rappelle quelque chose. Il se demande où et quand il a vu cet homme-là.

Pour payer la location des chevaux, le voyageur remet ces billets de banque -les assignats - dont on se sert depuis quelque temps.

Sur chaque assignat, il y a le portrait de Louis XVI. Machinalement, au moment où la voiture repart, Drouet jette un coup d'œil sur les assignats. Il sursaute: l'homme qu'il vient de voir - et qui est loin maintenant - c'est Louis XVI !

Drouet a embrassé avec ardeur la cause de la Révolution. Il saute à cheval, galope à travers bois, emprunte tous les chemins de traverse qu'il connaît. Ce qu'il veut, c'est arriver avant la ber­line à l'étape suivante : le bourg de Varennes.

Il y parvient, donne l'alarme:

- Le roi arrive ! Il faut l'arrêter !

Quand la berline se présente, la population alertée s'empare de la famille royale qui est conduite dans l'épicerie de M. Sauce, procureur - nous dirions aujourd'hui maire - de la commune. Drouet pénètre dans la pièce.

- Bonjour, Sire, dit-il simplement.

Ces deux mots mettent fin à des siècles de monarchie.

La famille royale, gardée par la force publique, escortée par une foule énorme qui pousse des cris hostiles, est reconduite à Paris. Écrasée de désespoir.

 

Ces hommes qui, à la lumière des chandelles, sont réunis sous les voûtes de l'église d'un ancien couvent de Paris, rue Saint-Honoré, et qui discutent avec tant d'ardeur, tant de pas­sion, on les appelle les Jacobins. Pourquoi? Tout simplement parce que le couvent où ils s'assemblent s'appelait déjà ainsi avant la Révolution. Le club politique qui a pris la place des moines est donc logiquement devenu le club des Jacobins.

Depuis la fuite du roi à Varennes, c'est Maximilien Robespierre - il a supprimé le de - qui est devenu le principal animateur du groupe.

Quand il monte à la tribune, quand il ajuste sur ses yeux faci­lement fatigués des lunettes vertes, tout le monde fait silence. Immense, son prestige. Or Robespierre, qui était si royaliste en 1789, ne l'est plus.

Avec beaucoup de Français, il s'est dit que, pendant l'absence du roi, tout a continué à fort bien fonctionner en France. A quoi bon conserver ce roi inutile? Mieux vaudrait une république!

En Europe, les autres rois observent cette évolution avec l'in­quiétude que vous pouvez bien imaginer. Ils constatent que Louis XVI, dans son palais des Tuileries, est désormais une sorte de prisonnier. Nous devons reconnaître qu'ils n'ont pas tort. Alors, ces rois menacent :

- Ne touchez pas à Louis XVI !

Pour manifester sa bonne volonté, le roi accepte de déclarer la guerre à l'empereur d'Autriche, l'un des plus farouches ennemis de la Révolution. Robespierre, méfiant de nature, s'est écrié à la tribune des Jacobins qu'il ne croyait pas à la sincérité de Louis XVI. Il a raison. Le roi espère que la France perdra cette guerre, que les rois vainqueurs viendront jusqu'à Paris pour le réta­blir dans tous les droits qu'il a perdus. Marie-Antoinette expédie même secrètement les plans de l'armée française à nos ennemis!

Quand les armées autrichiennes infligent aux nôtres leurs pre­mières défaites, les patriotes crient que nous avons été trahis. Cette trahison, on répète qu'elle ne peut être le fait que du roi et de la reine. On a raison pour Marie-Antoinette, on a tort pour Louis XVI.

Le 10 août 1792, des volontaires arrivés dé Marseille pour défendre la patrie en danger s'allient au peuple de Paris et enva­hissent le palais des Tuileries défendu par un millier d'hommes, gardes suisses et gendarmes, ainsi que par quelques centaines de gentilshommes.

Ces Marseillais ont chanté tout le long de leur route - et par­ticulièrement en donnant l'assaut aux Tuileries - le Chant pour l'Armée du Rhin qu'un jeune officier, Rouget de l'Isle, a écrit à Strasbourg en avril 1792. On va dès lors l'appeler la Marseillaise et il deviendra l'hymne national des Français.

Louis XVI, pour que le sang ne coule pas -la bataille qui s'est engagée aux Tuileries va faire déjà de nombreux morts - se rend avec sa famille, par les jardins, jusqu'au siège de l'Assemblée. Quelque temps plus tard, on décide que la famille royale sera emprisonnée dans un édifice qui date du Moyen Âge, la tour du Temple.

L'heure vient de sonner de la chute de la monarchie. Les Français sont appelés à élire une nouvelle assemblée, la Convention. Pour la première fois tous les citoyens de sexe mâle - il n'est pas encore question des femmes - ont participé au vote, sans distinction d'origine ni de fortune; on dit que la Convention a été élue au suffrage universel.

Afin de bien marquer qu'une époque nouvelle commence pour les Français, la Convention va décider que l'on comptera désor­mais le temps, non plus depuis la naissance de Jésus-Christ, mais depuis le premier jour de la République, 22 septembre 1792. En outre, on usera, pour désigner les mois, de mots nouveaux. Janvier, mois où il pleut, devient pluviôse; février, quand le vent souffle, ventôse; mars, temps où les graines commencent à germer, sera germinal. On doit ce « calendrier républicain » au conventionnel Fabre d'Églantine et nous devons reconnaître que ces noms sont bien jolis: floréal (le temps des fleurs), prairial (les prairies), messidor (les moissons), thermidor (la chaleur), fructidor (les fruits), vendémiaire (les vendanges), brumaire (les brumes), frimaire (les frimas), nivôse (les neiges).

La Convention veut totalement rompre avec le passé. Ainsi, accusé de trahison envers la patrie, Louis XVI va paraître devant cette assemblée qui s'est transformée en tribunal. C'est au cours de ce procès que Saint-Just, le tout jeune député du départe­ment de l'Aisne, âgé seulement de vingt-cinq ans, va prendre figure de penseur politique en s'écriant :

- On ne règne pas innocemment.

Après un interminable débat, Louis XVI est condamné à mort.

 

Le 21 janvier 1793, cet homme juste, qui n'avait toujours rien com­pris de son temps, monte sur l'échafaud. Il veut parler au peuple. Un roulement de tambour l'en empêche. Le bourreau Sanson actionne le couperet de la guillotine. C'en est fait de Louis XVI.

Maintenant, la France est définitivement en République.