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En Chine, La musique, II

L'état florissant de la musique se prolongea encore plusieurs siècles après l'empereur Chun, puis elle déclina, et, à l'époque de Confucius, elle était en pleine décadence et l'illustre philosophe le déplorait amèrement. Cependant, de son temps, bien des vestiges de l'ancienne musique existaient encore, et Confucius lui-même se rendit un jour dans le royaume de King pour demander des leçons à un musicien nommé Liang, dont la réputation était grande. On disait de lui qu'il avait conservé les bonnes traditions, et le philosophe était impatient de connaître un homme aussi remarquable et de se perfectionner dans le premier des arts. Confucius se fit admettre au nombre des élèves de Liang et écouta ses leçons. Bientôt le maître s'aperçut que le nouveau venu n'était pas un écolier ordinaire, et un soir, il le retint auprès de lui. Après quelques instants de grave causerie, il se fit apporter la grande lyre nommée King, et dit à Confucius: «Écoutez attentivement la mélodie que je vais vous faire entendre.» Confucius se recueillit et les cordes commencèrent à vibrer. À chaque son qui s'envolait de la lyre, le jeune philosophe redoublait d'attention et ne quittait pas l'instrument des yeux, et il tomba bientôt dans une sorte d'extase qui dura longtemps encore après que le musicien eût fini de jouer. «En voici assez pour cette fois», dit Liang, surpris de la profonde impression éprouvée par son disciple.

Pendant dix jours, le maître ne fit entendre à son élève que la même mélodie et l'élève s'exerça à la jouer après lui. «Votre jeu ne diffère pas du mien,» lui dit alors Liang; «il est temps que vous vous exerciez sur un autre mode.» «Votre humble disciple,» répondit Confucius, «ose vous demander de le laisser encore étudier cette pièce; il ne suffit pas de la jouer correctement comme quelqu'un qui suivrait les lignes d'un dessin sans savoir quel objet ce dessin représente. Je voudrais trouver le sens de cette mélodie, pénétrer l'idée du compositeur, et j'avoue que malgré mes efforts, je n'ai pas encore réussi.» «Bien,» dit le Maître, «je vous donne cinq jours pour éclaircir cette question.» Ce terme expiré, Confucius se présenta devant Liang. «Je commence à distinguer confusément l'âme de cette musique, comme on voit les objets mal éclairés encore dans les brumes de l'aube,» dit-il: «le jour n'est pas venu tout à fait, donnez-moi cinq jours encore, et si je n'ai pas atteint encore le but que je me propose, je me regarderai comme indigne de m'occuper de musique.» Le délai fût accordé, et cinq jours après, Confucius revint auprès de son maître avec un visage rayonnant. «J'ai trouvé enfin, ce que j'ai si longtemps cherché,» s'écria-t-il. «Je suis comme un homme qui a gravi péniblement une haute montagne, et découvre enfin tout le pays environnant. À force d'attention et de persistance, je suis parvenu à découvrir dans cette pièce de musique antique, l'intention de celui qui l'a composée; tous les sentiments par lui éprouvés, je les éprouve moi-même, en jouant l'œuvre dans laquelle il les a enfermés. Il me semble que je vois le compositeur, que je l'entends, que je lui parle. Il m'apparaît comme un homme d'une taille moyenne, dont le visage un peu long est d'une couleur qui tient le milieu entre le blanc et le brun. Ses yeux sont grands et pleins de douceur, sa contenance est noble, sa voix sonore, toute sa personne respire la vertu, et commande le respect. Cet homme, j'en suis certain, c'est l'illustre et sage empereur Wen-Wang.» En entendant cela, Liang se prosterna devant Confucius. «C'est en effet Wen-Wang qui est l'auteur de cette musique,» dit-il; «votre pénétration me comble d'étonnement, vous n'avez rien à apprendre de moi, vous êtes un sage et j'aspire à l'honneur d'être votre disciple.» Cette scène singulière, n'est-elle pas des plus surprenantes? Même aujourd'hui, songerait-on à attribuer à la musique une aussi complète précision? Quelle pouvait donc être cette pièce de musique sur laquelle le philosophe, dont la sagesse et l'intelligence sont universellement admirées, passa de si longues heures à méditer? On ne peut croire qu'elle n'ait eu aucun rapport avec les mélodies monotones qui constituent aujourd'hui la musique chinoise. Une autre fois, Confucius eût connaissance d'un morceau de musique composé sous le règne de Chun, c'est-à-dire mille sept cents ans avant le temps où vivait le philosophe. C'était à la cour du roi de Tsi, lorsque Confucius entra au palais pour être présenté au souverain; ce prince assistait à un concert dans lequel on exécutait ce morceau antique. Il avait pour titre: «Musique qui disperse les ténèbres de l'Esprit et affermit le cœur dans l'amour du devoir.» Cette fois encore, le philosophe fût profondément ému; «pendant trois mois,» dit-on, «le souvenir de cette musique occupa seul son esprit, il en perdit le sommeil et l'appétit.» Malheureusement, les Chinois n'ayant aucune méthode pour noter la musique, si ce n'est quelques caractères tout à fait insuffisants, les traditions devaient fatalement s'altérer et se perdre, et si l'on a pu reconstituer les règles anciennes, presque rien n'est resté des compositions primitives. En résumé, bien que beaucoup d'obscurité enveloppe encore la musique des anciens Chinois, on peut certifier que plusieurs siècles avant les Égyptiens et les Grecs, ils possédaient un système musical parfaitement fixe, très complet, et d'une haute portée morale.

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L'état florissant de la musique se prolongea encore plusieurs siècles après l'empereur Chun, puis elle déclina, et, à l'époque de Confucius, elle était en pleine décadence et l'illustre philosophe le déplorait amèrement. Cependant, de son temps, bien des vestiges de l'ancienne musique existaient encore, et Confucius lui-même se rendit un jour dans le royaume de King pour demander des leçons à un musicien nommé Liang, dont la réputation était grande. On disait de lui qu'il avait conservé les bonnes traditions, et le philosophe était impatient de connaître un homme aussi remarquable et de se perfectionner dans le premier des arts. Confucius se fit admettre au nombre des élèves de Liang et écouta ses leçons. Bientôt le maître s'aperçut que le nouveau venu n'était pas un écolier ordinaire, et un soir, il le retint auprès de lui. Après quelques instants de grave causerie, il se fit apporter la grande lyre nommée King, et dit à Confucius:

«Écoutez attentivement la mélodie que je vais vous faire entendre.»

Confucius se recueillit et les cordes commencèrent à vibrer. À chaque son qui s'envolait de la lyre, le jeune philosophe redoublait d'attention et ne quittait pas l'instrument des yeux, et il tomba bientôt dans une sorte d'extase qui dura longtemps encore après que le musicien eût fini de jouer.

«En voici assez pour cette fois», dit Liang, surpris de la profonde impression éprouvée par son disciple.

Pendant dix jours, le maître ne fit entendre à son élève que la même mélodie et l'élève s'exerça à la jouer après lui.

«Votre jeu ne diffère pas du mien,» lui dit alors Liang; «il est temps que vous vous exerciez sur un autre mode.»

«Votre humble disciple,» répondit Confucius, «ose vous demander de le laisser encore étudier cette pièce; il ne suffit pas de la jouer correctement comme quelqu'un qui suivrait les lignes d'un dessin sans savoir quel objet ce dessin représente. Je voudrais trouver le sens de cette mélodie, pénétrer l'idée du compositeur, et j'avoue que malgré mes efforts, je n'ai pas encore réussi.»

«Bien,» dit le Maître, «je vous donne cinq jours pour éclaircir cette question.»

Ce terme expiré, Confucius se présenta devant Liang.

«Je commence à distinguer confusément l'âme de cette musique, comme on voit les objets mal éclairés encore dans les brumes de l'aube,» dit-il: «le jour n'est pas venu tout à fait, donnez-moi cinq jours encore, et si je n'ai pas atteint encore le but que je me propose, je me regarderai comme indigne de m'occuper de musique.» Le délai fût accordé, et cinq jours après, Confucius revint auprès de son maître avec un visage rayonnant.

«J'ai trouvé enfin, ce que j'ai si longtemps cherché,» s'écria-t-il. «Je suis comme un homme qui a gravi péniblement une haute montagne, et découvre enfin tout le pays environnant. À force d'attention et de persistance, je suis parvenu à découvrir dans cette pièce de musique antique, l'intention de celui qui l'a composée; tous les sentiments par lui éprouvés, je les éprouve moi-même, en jouant l'œuvre dans laquelle il les a enfermés. Il me semble que je vois le compositeur, que je l'entends, que je lui parle. Il m'apparaît comme un homme d'une taille moyenne, dont le visage un peu long est d'une couleur qui tient le milieu entre le blanc et le brun. Ses yeux sont grands et pleins de douceur, sa contenance est noble, sa voix sonore, toute sa personne respire la vertu, et commande le respect. Cet homme, j'en suis certain, c'est l'illustre et sage empereur Wen-Wang.» En entendant cela, Liang se prosterna devant Confucius.

«C'est en effet Wen-Wang qui est l'auteur de cette musique,» dit-il; «votre pénétration me comble d'étonnement, vous n'avez rien à apprendre de moi, vous êtes un sage et j'aspire à l'honneur d'être votre disciple.»

Cette scène singulière, n'est-elle pas des plus surprenantes? Même aujourd'hui, songerait-on à attribuer à la musique une aussi complète précision?

Quelle pouvait donc être cette pièce de musique sur laquelle le philosophe, dont la sagesse et l'intelligence sont universellement admirées, passa de si longues heures à méditer? On ne peut croire qu'elle n'ait eu aucun rapport avec les mélodies monotones qui constituent aujourd'hui la musique chinoise.

Une autre fois, Confucius eût connaissance d'un morceau de musique composé sous le règne de Chun, c'est-à-dire mille sept cents ans avant le temps où vivait le philosophe. C'était à la cour du roi de Tsi, lorsque Confucius entra au palais pour être présenté au souverain; ce prince assistait à un concert dans lequel on exécutait ce morceau antique. Il avait pour titre: «Musique qui disperse les ténèbres de l'Esprit et affermit le cœur dans l'amour du devoir.» Cette fois encore, le philosophe fût profondément ému; «pendant trois mois,» dit-on, «le souvenir de cette musique occupa seul son esprit, il en perdit le sommeil et l'appétit.»

Malheureusement, les Chinois n'ayant aucune méthode pour noter la musique, si ce n'est quelques caractères tout à fait insuffisants, les traditions devaient fatalement s'altérer et se perdre, et si l'on a pu reconstituer les règles anciennes, presque rien n'est resté des compositions primitives.

En résumé, bien que beaucoup d'obscurité enveloppe encore la musique des anciens Chinois, on peut certifier que plusieurs siècles avant les Égyptiens et les Grecs, ils possédaient un système musical parfaitement fixe, très complet, et d'une haute portée morale.