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l'histoire de France, Un million et demi d’années

Quand j'ai moi-même visité Lascaux, j'étais accompagné de ma fille Isabelle. Elle avait dix ans.

Elle m'a demandé : - C'est vieux, toutes ces peintures ? - Très vieux. Au moins 15 000 ans.

- 15 000 ans ! Des hommes vivaient donc en France, il y a 15 000 ans ? a interrogé Isabelle.

- Bien sûr. Mais dis-toi bien que ces hommes là étaient loin d'être les premiers. Il y a 1 500 000 ans que des hommes habitent ce territoire qui n'était pas encore la France mais qui l'est devenu un jour. - Un million et demi d'années ! Tout cela commençait à intéresser sérieusement Isabelle.

- C'est en France que sont apparus les premiers hommes ? - Non. En Afrique.

- Il y a combien d'années ? - Six millions.

Isabelle ouvrait de grands yeux.

- Je dois te dire, Isabelle, qu'il y a six millions d'années ces hommes-là ne nous ressemblaient pas du tout. Ils n'étaient même pas encore tout à fait des hommes. Ils n'étaient pas très éloignés de ces animaux sauvages auxquels ils disputaient leur nourriture. - Mais alors, les premiers hommes qui ont vécu en France, comment y sont-ils venus ?

- On pouvait alors traverser la Méditerranée sur des étendues de terre ferme qui ont disparu depuis. Quelques familles ont quitté l'Afrique pour venir s'établir sur notre territoire. - Est-ce qu'ils nous ressemblaient, ces hommes-là ? - Pas précisément. Ils étaient beaucoup plus petits que nous : 1,20 mètres en moyenne. Ils ne pesaient que trente à quarante kilogrammes. Il faut que tu les imagines, avec leurs longs cheveux, mais avec moins de poils sur le corps que les animaux. Et pas très beaux à voir ! Ils n'avaient pas de front. Directement au-dessus du crâne s'accrochaient d'énormes arcades sourcilières. Les yeux se cachaient derrière une véritable forêt de poils. Le nez était plat et écrasé, troué de narines béantes. La mâchoire était énorme et projetée en avant !

- Mais papa, c'étaient des singes ! - Justement non ! Le singe ne se tient pas naturellement debout. Il peut courir quelques instants sur ses jambes de derrière, mais bientôt il retombe. L'être qui a traversé la Méditerranée pour arriver chez nous disposait d'une colonne vertébrale plantée au-dessus d'un bassin lui-même solidement appuyé sur les jambes. Dans la nature, il n'existe pas de créatures ainsi constituées. Nous sommes en présence d'un bipède, ce qui veut dire qu'il marche sur deux pieds seulement. J'ajouterai que la mâchoire de cet être-là est très différente de celle des grands singes, dotée, elle, de canines démesurées. La denture des premiers français ressemble à la nôtre.

- C'est important ? - Oui. Un être qui se tient debout et qui a une denture analogue à la nôtre, même s'il ne nous ressemble guère, appartient à l'espèce humaine. La nôtre.

Aujourd'hui, Isabelle est devenu une grande personne. Elle est mariée et elle a un fils, Ugo. Je me souviens d'être allé les voir quand Ugo était encore bébé. Nous nous sommes installés dans le salon. Dans la cheminée, Jean-François ; le mari d'Isabelle, avait allumé un feu. Cela donne une chaleur bien agréable, un feu de bois : Isabelle en a profité pour changer Ugo. D'ailleurs, Ugo lui-même semblait ravi. Les fesses à l'air, il tendait ses petits bras vers le feu. Moi, je restais songeur. Je pensais au rôle que joue le feu dans notre vie. Que deviendrions-nous, dans nos maisons, sans le chauffage ? Que nous brûlions du bois, du charbon, du mazout ou du gaz, c'est toujours du feu que nous dépendons. Il nous semble que feu a toujours existé. Que les hommes sont incapables de vivre sans lui. Erreur. Longtemps les hommes ont ignoré le feu.

Il ne faut jamais oublier que, depuis qu'il y a des hommes, le climat a changé plusieurs fois. Pour nous en tenir à la France, tantôt il a fait aussi chaud qu'aujourd'hui en Afrique – et alors les rhinocéros paissaient à la hauteur de Paris. Tantôt, quelques milliers d'années plus tard, les glaces de la banquise s'étendaient jusqu'à Lyon. On peut à la rigueur comprendre que, pendant les périodes de grande chaleur, les hommes aient vécu sans feu. Mais quand il faisait aussi froid qu'aujourd'hui au Groenland, comment parvenaient-ils à survivre ? Comment les mères pouvaient-elles soigner les bébés aussi nus que celui d'Isabelle, alors que les seuls abris étaient des grottes souvent ouvertes à tous les vents ? Songez que l'on ne connaissait en ce temps-là ; en fait de vêtements, que des peaux de bête jetées sue les épaules ! Et la nourriture ? Impossible de faire cuire quoi que ce soit : on en était réduit à des morceaux de viande crue ou à des végétaux arrachés directement à la terre.

De toutes les créatures terrestres, l'homme est la plus démunie. Il n'a ni poil pour se protéger du froid, ni crocs, ni griffes pour se défendre. Et pourtant l'homme a survécu. Il a triomphé de tous les dangers, de tous les pièges que lui tendait la nature, de toutes les bêtes sauvages prêtes à chaque instant à se jeter sur lui pour le dévorer – ces bêtes que, pendant si longtemps, il n'a même pas pu tenir en respect par le feu. Songez encore que les premiers hommes ne possédaient ni armes ni outils. Les premiers outils dont ils ont disposé n'étaient rien d'autre que des cailloux qu'ils ramassaient à terre. Avec un caillou, on peut briser un coquillage, décortiquer un fruit, briser une noix, mais guère plus. Il a fallu des centaines de milliers d'années pour que l'homme découvre qu'à l'aide d'une pierre on peut casser une autre pierre et obtenir ainsi un objet tranchant : énorme progrès. Pour tout cela, nous devons admirer ces lointains ancêtres. Et nous dire, humblement, que nous serions incapables aujourd'hui de montrer le même courage qu'eux.

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Quand j'ai moi-même visité Lascaux, j'étais accompagné de ma fille Isabelle. Elle avait dix ans.

Elle m'a demandé :

-         C'est vieux, toutes ces peintures ?

-          Très vieux. Au moins 15 000 ans.

-         15 000 ans ! Des hommes vivaient donc en France, il y a 15 000 ans ? a interrogé Isabelle.

-         Bien sûr. Mais dis-toi bien que ces hommes là étaient loin d'être les premiers. Il y a 1 500 000 ans que des hommes habitent ce territoire qui n'était pas encore la France mais qui l'est devenu un jour.

-         Un million et demi d'années !

Tout cela commençait à intéresser sérieusement Isabelle.

-         C'est en France que sont apparus les premiers hommes ?

-         Non. En Afrique.

-         Il y a combien d'années ?

-         Six millions.

Isabelle ouvrait de grands yeux.

-         Je dois te dire, Isabelle, qu'il y a six millions d'années ces hommes-là ne nous ressemblaient pas du tout. Ils n'étaient même pas encore tout à fait des hommes. Ils n'étaient pas très éloignés de ces animaux sauvages auxquels ils disputaient leur nourriture.

-          Mais alors, les premiers hommes qui ont vécu en France, comment y sont-ils venus ?

-          On pouvait alors traverser la Méditerranée sur des étendues de terre ferme qui ont disparu depuis. Quelques familles ont quitté l'Afrique pour venir s'établir sur notre territoire.

-         Est-ce qu'ils nous ressemblaient, ces hommes-là ?

-         Pas précisément. Ils étaient beaucoup plus petits que nous : 1,20 mètres en moyenne. Ils ne pesaient que trente à quarante kilogrammes. Il faut que tu les imagines, avec leurs longs cheveux, mais avec moins de poils sur le corps que les animaux. Et pas très beaux à voir ! Ils n'avaient pas de front. Directement au-dessus du crâne s'accrochaient d'énormes arcades sourcilières. Les yeux se cachaient derrière une véritable forêt de poils. Le nez était plat et écrasé, troué de narines béantes. La mâchoire était énorme et projetée en avant !

-         Mais papa, c'étaient des singes !

-         Justement non ! Le singe ne se tient pas naturellement debout. Il peut courir quelques instants sur ses jambes de derrière, mais bientôt il retombe. L'être qui a traversé la Méditerranée pour arriver chez nous disposait d'une colonne vertébrale plantée au-dessus d'un bassin lui-même solidement appuyé sur les jambes. Dans la nature, il n'existe pas de créatures ainsi constituées. Nous sommes en présence d'un bipède, ce qui veut dire qu'il marche sur deux pieds seulement. J'ajouterai que la mâchoire de cet être-là est très différente de celle des grands singes, dotée, elle, de canines démesurées. La denture des premiers français ressemble à la nôtre.

-         C'est important ?

-         Oui. Un être qui se tient debout et qui a une denture analogue à la nôtre, même s'il ne nous ressemble guère, appartient à l'espèce humaine. La nôtre.

 

Aujourd'hui, Isabelle est devenu une grande personne. Elle est mariée et elle a un fils, Ugo. Je me souviens d'être allé les voir quand Ugo était encore bébé.

Nous nous sommes installés dans le salon. Dans la cheminée, Jean-François ; le mari d'Isabelle, avait allumé un feu. Cela donne une chaleur bien agréable, un feu de bois : Isabelle en a profité pour changer Ugo. D'ailleurs, Ugo lui-même semblait ravi. Les fesses à l'air, il tendait ses petits bras vers le feu. Moi, je restais songeur. Je pensais au rôle que joue le feu dans notre vie. Que deviendrions-nous, dans nos maisons, sans le chauffage ? Que nous brûlions du bois, du charbon, du mazout ou du gaz, c'est toujours du feu que nous dépendons.

Il nous semble que feu a toujours existé. Que les hommes sont incapables de vivre sans lui. Erreur. Longtemps les hommes ont ignoré le feu.

Il ne faut jamais oublier que, depuis qu'il y a des hommes, le climat a changé plusieurs fois. Pour nous en tenir à la France, tantôt il a fait aussi chaud qu'aujourd'hui en Afrique – et alors les rhinocéros paissaient à la hauteur de Paris. Tantôt, quelques milliers d'années plus tard, les glaces de la banquise s'étendaient jusqu'à Lyon.

On peut à la rigueur comprendre que, pendant les périodes de grande chaleur, les hommes aient vécu sans feu. Mais quand il faisait aussi froid qu'aujourd'hui au Groenland, comment parvenaient-ils à survivre ? Comment les mères pouvaient-elles soigner les bébés aussi nus que celui d'Isabelle, alors que les seuls abris étaient des grottes souvent ouvertes à tous les vents ? Songez que l'on ne connaissait en ce temps-là ; en fait de vêtements, que des peaux de bête jetées sue les épaules !

Et la nourriture ? Impossible de faire cuire quoi que ce soit : on en était réduit à des morceaux de viande crue ou à des végétaux arrachés directement à la terre.

De toutes les créatures terrestres, l'homme est la plus démunie. Il n'a ni poil pour se protéger du froid, ni crocs, ni griffes pour se défendre. Et pourtant l'homme a survécu. Il a triomphé de tous les dangers, de tous les pièges que lui tendait la nature, de toutes les bêtes sauvages prêtes à chaque instant à se jeter sur lui pour le dévorer – ces bêtes que, pendant si longtemps, il n'a même pas pu tenir en respect par le feu.

Songez encore que les premiers hommes ne possédaient ni armes  ni outils. Les premiers outils dont ils ont disposé n'étaient rien d'autre que des cailloux qu'ils ramassaient à terre. Avec un caillou, on peut briser un coquillage, décortiquer un fruit, briser une noix, mais guère plus. Il a fallu des centaines de milliers d'années pour que l'homme découvre qu'à l'aide d'une pierre on peut casser une autre pierre et obtenir ainsi un objet tranchant : énorme progrès.

Pour tout cela, nous devons admirer ces lointains ancêtres. Et nous dire, humblement, que nous serions incapables aujourd'hui de montrer le même courage qu'eux.