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La guerre du feu - Roman de JH Rosny Ainé, La recherche de Gaw - 2ème partie

Ils coururent longtemps, tantôt sur la terre sonore, tantôt sur la fange ou parmi les herbes sifflantes, tantôt dans la brousse ou dans les tourbières, tantôt gravissant les côtes et tantôt dévalant éperdument. Bien avant que le soleil fût au milieu du firmament, ils avaient six mille coudées d'avance. Souvent ils espérèrent que l'ennemi cesserait la poursuite, mais, lorsqu'ils atteignaient une cime, ils finissaient toujours par découvrir la meute acharnée des Dévoreurs-d'Hommes. Or Gaw s'affaiblissait. Sa blessure n'avait pas cessé de répandre du sang. Quelquefois ce n'était qu'un filet insaisissable : malgré la galopade furieuse, la plaie semblait close; puis, après quelques efforts plus brusques ou quelques faux pas dans une fondrière, le liquide rouge se mettait à sourdre. De jeunes peupliers s'étaient rencontrés, Naoh avait construit un tampon de feuilles ; mais la blessure continuait à saigner sous le bandage ; peu à peu, la vitesse de Gaw devint égale, puis inférieure à celle des Kzamms. Chaque fois, maintenant, que les fugitifs se retournaient, l'avant-garde des Kzamms avait gagné du terrain. Et le fils du Léopard, avec une rage profonde, songeait que, si Gaw ne reprenait pas quelque force, ils seraient rejoints avant d'avoir pu atteindre le troupeau des mammouths. Mais Gaw ne reprenait pas de force; une colline se présenta, qu'il gravit avec une peine excessive ; au sommet, les jambes tremblantes, le visage couleur de cendre, le cœur exténué, il chancela. Et Naoh, tourné vers la troupe fauve, qui commençait à gravir la pente, vit combien la distance avait encore décru.

« Si Gaw ne peut plus courir, dit-il d'une voix creuse, les Dévoreurs-d'Hommes nous auront rejoints avant que nous n'arrivions en vue du fleuve. – Les yeux de Gaw sont obscurs, ses oreilles sifflent comme des grillons ! balbutia le jeune guerrier. Que le fils du Léopard continue seul sa course, Gaw mourra pour le Feu et pour le chef.

– Gaw ne mourra pas encore ! » Et, se tournant vers les Kzamms, Naoh poussa un furieux cri de guerre, puis, jetant Gaw sur son dos, il reprit sa course. D'abord, son grand courage et sa formidable musculature lui permirent de garder son avance. Sur le sol déclive, il bondissait, emporté par la pesanteur. Flexibles comme des branches de frêne, ses jarrets soutenaient cette chute incessante. Au bas de la colline, son souffle s'accéléra, ses pieds s'alourdirent. Sans sa blessure, qui brûlait sourdement, sans le coup de massue sur la tête, qui faisait encore bruire ses oreilles, il aurait pu, même avec Gaw sur l'épaule, devancer les Dévoreurs-d'Hommes aux jambes trapues et lassés par une longue course. Mais il avait dépassé ses forces ; nulle bête sur la steppe ou sous les futaies n'aurait pu mener une tâche aussi longue et aussi harassante... Maintenant, sans relâche, la distance décroissait, qui le séparait des Kzamms. Il entendait leurs pas gratter la terre et y rebondir ; il savait à chaque moment de combien ils se rapprochaient : ils furent à cinq cents coudées, puis à quatre cents, puis à deux cents. Alors, le fils du Léopard déposa Gaw sur la terre et, les yeux hagards, il eut une hésitation suprême.

« Gaw, fils du Saïga, dit-il enfin, Naoh ne peut plus t'emporter devant les Dévoreurs-d'Hommes ! » Gaw s'était redressé. Il dit : « Naoh doit abandonner Gaw et sauver le Feu. » Tout engourdi, car, malgré les secousses, il avait dormi sur l'épaule du chef, il se secoua, il étendit les bras, et les Kzamms, parvenus à soixante coudées, levaient leurs sagaies pour commencer la lutte. Naoh, résolu à ne fuir qu'au dernier moment, leur fit face. Les premiers projectiles bourdonnèrent ; lancés de trop loin, la plupart retombaient sans même parvenir jusqu'aux Oulhamr; un seul, effleurant Gaw à la jambe, lui fit une blessure aussi légère qu'une épine d'églantier. À la riposte, Naoh atteignit le plus proche des Dévoreurs-d'Hommes ; ensuite, il transperça le ventre d'un guerrier qui s'avançait à grands bonds. Ce double exploit jeta le trouble parmi les agresseurs d'avant-garde. Ils poussèrent une clameur épouvantable, mais s'arrêtèrent pour attendre du renfort. Cette pause fut favorable aux Oulhamr. La piqûre semblait avoir réveillé Gaw. D'une main encore faible, il avait saisi un harpon et il le brandissait, attendant que les ennemis fussent à bonne portée. Naoh, voyant le geste, demanda : « Gaw a donc repris de la force ? Qu'il fuie !... Naoh retardera la poursuite... » Le jeune guerrier hésitait, mais le chef reprit d'un ton bref : « Va ! » Gaw se mit à fuir, d'un pas qui, d'abord lourd et hésitant, s'affermissait à mesure. Naoh reculait, lent et formidable, tenant à chaque main une sagaie, et les Kzamms hésitaient. Enfin, leur chef ordonna l'attaque. Les dards sifflèrent, les hommes bondirent. Naoh arrêta encore deux guerriers dans leur course et prit du champ.

Et la poursuite recommença sur la terre innombrable. Gaw parfois retrouvait ses jarrets, parfois s'alanguissait, les muscles mous, le souffle rude. Naoh l'entraînait par la main. L'avantage n'en restait pas moins aux Kzamms. Ils suivaient d'un trot soutenu, sans même se hâter, confiants dans leur endurance. Or Naoh ne pouvait plus emporter son compagnon. La grande fatigue et la fièvre rendaient sa blessure pesante ; son crâne s'emplissait de rumeur ; et, par surcroît, il avait heurté son pied contre une roche. « Il faut que Gaw meure ! ne cessait de répéter le jeune guerrier. Naoh dira qu'il a bien combattu. » Sombre, le chef ne répondait point. Il écoutait le trot des ennemis. De nouveau, ils furent à deux cents coudées, puis à cent, tandis que les fugitifs gravissaient une pente. Alors, le fils du Léopard, rassemblant ses énergies profondes, maintint la distance jusqu'au haut du mamelon. Et là, jetant un long regard sur l'occident, la poitrine palpitante à la fois de lassitude et d'espérance, il cria : « Le Grand-Fleuve... les mammouths ! » L'eau vaste était là, miroitante parmi les peupliers, les aulnes, les frênes et les vernes ; le troupeau était là aussi, à quatre mille coudées, paissant les racines et les jeunes arbres. Naoh se rua, entraînant Gaw dans un élan qui leur fit gagner plus de cent coudées. C'était le dernier soubresaut ! Ils reperdirent cette faible avance, coudée par coudée. Les Kzamms poussaient leur cri de guerre... Quand deux mille coudées séparèrent Naoh et Gaw de la cime du mamelon, les Kzamms étaient presque à portée. Ils gardaient leur pas égal et bref, d'autant plus sûrs d'atteindre les Oulhamr qu'ils les acculeraient au troupeau de mammouths. Ils savaient que ceux-ci, malgré leur indifférence pacifique, ne souffraient aucune présence ; donc, ils refouleraient les fugitifs.

Toutefois les poursuivants ne négligeaient pas de se rapprocher ; on entendait maintenant leur souffle, et il fallait encore parcourir mille coudées !... Alors Naoh poussa une longue plainte et l'on vit un homme émerger d'un bois de platanes ; puis une des énormes bêtes leva sa trompe avec un barrit strident. Elle s'élança, suivie de trois autres, droit vers le fils du Léopard. Les Kzamms, effarés et contents, s'arrêtèrent : il n'y avait plus qu'à attendre le recul des Oulhamr, à les cerner et à les anéantir. Naoh, cependant, continua de courir pendant une centaine de coudées, puis, tournant vers les Kzamms son visage creux de fatigue et ses yeux étincelants de triomphe, il cria : « Les Oulhamr ont fait alliance avec les mammouths. Naoh se rit des Dévoreurs-d'Hommes. » Tandis qu'il parlait, les mammouths arrivèrent ; à la stupeur infinie des Kzamms, le plus grand mit sa trompe sur l'épaule de l'Oulhamr. Et Naoh poursuivit : « Naoh a pris le Feu. Il a abattu quatre guerriers dans le campement ; il en a abattu quatre autres pendant la poursuite... » Les Kzamms répondirent par des hurlements de fureur, mais, comme les mammouths avançaient encore, ils reculèrent en hâte, car, pas plus que les Oulhamr, ils n'avaient encore conçu que l'homme pût combattre ces hordes colossales.

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Ils coururent longtemps, tantôt sur la terre sonore, tantôt sur la fange ou parmi les herbes sifflantes, tantôt dans la brousse ou dans les tourbières, tantôt gravissant les côtes et tantôt dévalant éperdument. Bien avant que le soleil fût au milieu du firmament, ils avaient six mille coudées d'avance. Souvent ils espérèrent que l'ennemi cesserait la poursuite, mais, lorsqu'ils atteignaient une cime, ils finissaient toujours par découvrir la meute acharnée des Dévoreurs-d'Hommes.

 

Or Gaw s'affaiblissait. Sa blessure n'avait pas cessé de répandre du sang. Quelquefois ce n'était qu'un filet insaisissable : malgré la galopade furieuse, la plaie semblait close; puis, après quelques efforts plus brusques ou quelques faux pas dans une fondrière, le liquide rouge se mettait à sourdre. De jeunes peupliers s'étaient rencontrés, Naoh avait construit un tampon de feuilles ; mais la blessure continuait à saigner sous le bandage ; peu à peu, la vitesse de Gaw devint égale, puis inférieure à celle des Kzamms. Chaque fois, maintenant, que les fugitifs se retournaient, l'avant-garde des Kzamms avait gagné du terrain. Et le fils du Léopard, avec une rage profonde, songeait que, si Gaw ne reprenait pas quelque force, ils seraient rejoints avant d'avoir pu atteindre le troupeau des mammouths. Mais Gaw ne reprenait pas de force; une colline se présenta, qu'il gravit avec une peine excessive ; au sommet, les jambes tremblantes, le visage couleur de cendre, le cœur exténué, il chancela. Et Naoh, tourné vers la troupe fauve, qui commençait à gravir la pente, vit combien la distance avait encore décru.

 

« Si Gaw ne peut plus courir, dit-il d'une voix creuse, les Dévoreurs-d'Hommes nous auront rejoints avant que nous n'arrivions en vue du fleuve.

 

– Les yeux de Gaw sont obscurs, ses oreilles sifflent comme des grillons ! balbutia le jeune guerrier. Que le fils du Léopard continue seul sa course, Gaw mourra pour le Feu et pour le chef.

 

– Gaw ne mourra pas encore ! »

 

Et, se tournant vers les Kzamms, Naoh poussa un furieux cri de guerre, puis, jetant Gaw sur son dos, il reprit sa course. D'abord, son grand courage et sa formidable musculature lui permirent de garder son avance. Sur le sol déclive, il bondissait, emporté par la pesanteur. Flexibles comme des branches de frêne, ses jarrets soutenaient cette chute incessante. Au bas de la colline, son souffle s'accéléra, ses pieds s'alourdirent. Sans sa blessure, qui brûlait sourdement, sans le coup de massue sur la tête, qui faisait encore bruire ses oreilles, il aurait pu, même avec Gaw sur l'épaule, devancer les Dévoreurs-d'Hommes aux jambes trapues et lassés par une longue course. Mais il avait dépassé ses forces ; nulle bête sur la steppe ou sous les futaies n'aurait pu mener une tâche aussi longue et aussi harassante... Maintenant, sans relâche, la distance décroissait, qui le séparait des Kzamms. Il entendait leurs pas gratter la terre et y rebondir ; il savait à chaque moment de combien ils se rapprochaient : ils furent à cinq cents coudées, puis à quatre cents, puis à deux cents. Alors, le fils du Léopard déposa Gaw sur la terre et, les yeux hagards, il eut une hésitation suprême.

 

« Gaw, fils du Saïga, dit-il enfin, Naoh ne peut plus t'emporter devant les Dévoreurs-d'Hommes ! »

 

Gaw s'était redressé. Il dit :

 

« Naoh doit abandonner Gaw et sauver le Feu. »

 

Tout engourdi, car, malgré les secousses, il avait dormi sur l'épaule du chef, il se secoua, il étendit les bras, et les Kzamms, parvenus à soixante coudées, levaient leurs sagaies pour commencer la lutte. Naoh, résolu à ne fuir qu'au dernier moment, leur fit face. Les premiers projectiles bourdonnèrent ; lancés de trop loin, la plupart retombaient sans même parvenir jusqu'aux Oulhamr; un seul, effleurant Gaw à la jambe, lui fit une blessure aussi légère qu'une épine d'églantier. À la riposte, Naoh atteignit le plus proche des Dévoreurs-d'Hommes ; ensuite, il transperça le ventre d'un guerrier qui s'avançait à grands bonds. Ce double exploit jeta le trouble parmi les agresseurs d'avant-garde. Ils poussèrent une clameur épouvantable, mais s'arrêtèrent pour attendre du renfort.

 

Cette pause fut favorable aux Oulhamr. La piqûre semblait avoir réveillé Gaw. D'une main encore faible, il avait saisi un harpon et il le brandissait, attendant que les ennemis fussent à bonne portée. Naoh, voyant le geste, demanda :

 

« Gaw a donc repris de la force ? Qu'il fuie !... Naoh retardera la poursuite... »

 

Le jeune guerrier hésitait, mais le chef reprit d'un ton bref :

 

« Va ! »

 

Gaw se mit à fuir, d'un pas qui, d'abord lourd et hésitant, s'affermissait à mesure. Naoh reculait, lent et formidable, tenant à chaque main une sagaie, et les Kzamms hésitaient. Enfin, leur chef ordonna l'attaque. Les dards sifflèrent, les hommes bondirent. Naoh arrêta encore deux guerriers dans leur course et prit du champ.

 

Et la poursuite recommença sur la terre innombrable. Gaw parfois retrouvait ses jarrets, parfois s'alanguissait, les muscles mous, le souffle rude.

 

Naoh l'entraînait par la main. L'avantage n'en restait pas moins aux Kzamms. Ils suivaient d'un trot soutenu, sans même se hâter, confiants dans leur endurance. Or Naoh ne pouvait plus emporter son compagnon. La grande fatigue et la fièvre rendaient sa blessure pesante ; son crâne s'emplissait de rumeur ; et, par surcroît, il avait heurté son pied contre une roche.

 

« Il faut que Gaw meure ! ne cessait de répéter le jeune guerrier. Naoh dira qu'il a bien combattu. »

 

Sombre, le chef ne répondait point. Il écoutait le trot des ennemis. De nouveau, ils furent à deux cents coudées, puis à cent, tandis que les fugitifs gravissaient une pente. Alors, le fils du Léopard, rassemblant ses énergies profondes, maintint la distance jusqu'au haut du mamelon. Et là, jetant un long regard sur l'occident, la poitrine palpitante à la fois de lassitude et d'espérance, il cria :

 

« Le Grand-Fleuve... les mammouths ! »

 

L'eau vaste était là, miroitante parmi les peupliers, les aulnes, les frênes et les vernes ; le troupeau était là aussi, à quatre mille coudées, paissant les racines et les jeunes arbres. Naoh se rua, entraînant Gaw dans un élan qui leur fit gagner plus de cent coudées. C'était le dernier soubresaut ! Ils reperdirent cette faible avance, coudée par coudée. Les Kzamms poussaient leur cri de guerre...

 

Quand deux mille coudées séparèrent Naoh et Gaw de la cime du mamelon, les Kzamms étaient presque à portée. Ils gardaient leur pas égal et bref, d'autant plus sûrs d'atteindre les Oulhamr qu'ils les acculeraient au troupeau de mammouths. Ils savaient que ceux-ci, malgré leur indifférence pacifique, ne souffraient aucune présence ; donc, ils refouleraient les fugitifs.

 

Toutefois les poursuivants ne négligeaient pas de se rapprocher ; on entendait maintenant leur souffle, et il fallait encore parcourir mille coudées !... Alors Naoh poussa une longue plainte et l'on vit un homme émerger d'un bois de platanes ; puis une des énormes bêtes leva sa trompe avec un barrit strident. Elle s'élança, suivie de trois autres, droit vers le fils du Léopard. Les Kzamms, effarés et contents, s'arrêtèrent : il n'y avait plus qu'à attendre le recul des Oulhamr, à les cerner et à les anéantir.

 

Naoh, cependant, continua de courir pendant une centaine de coudées, puis, tournant vers les Kzamms son visage creux de fatigue et ses yeux étincelants de triomphe, il cria :

 

« Les Oulhamr ont fait alliance avec les mammouths. Naoh se rit des Dévoreurs-d'Hommes. »

 

Tandis qu'il parlait, les mammouths arrivèrent ; à la stupeur infinie des Kzamms, le plus grand mit sa trompe sur l'épaule de l'Oulhamr. Et Naoh poursuivit :

 

« Naoh a pris le Feu. Il a abattu quatre guerriers dans le campement ; il en a abattu quatre autres pendant la poursuite... »

 

Les Kzamms répondirent par des hurlements de fureur, mais, comme les mammouths avançaient encore, ils reculèrent en hâte, car, pas plus que les Oulhamr, ils n'avaient encore conçu que l'homme pût combattre ces hordes colossales.