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Mondovino, Mondovino, un film pour dénoncer la mafia vinicole

Mondovino, un film pour dénoncer la mafia vinicole

Le cinéaste américain Jonathan Nossiter, ancien œnologue, s'est livré à une enquête de trois ans sur le monde du vin. Son long métrage accuse ceux qui, en imposant leur goût comme seul critère d'excellence – Robert Parker et Robert Mondavi pour les citer – ont bouleversé l'industrie vinicole. Sélectionné en compétition officielle du dernier Festival de Cannes, son film arrive sur les écrans suisses.

Sa sélection de dernière minute en compétition officielle du Festival de Cannes, édition 2004, plaçait Mondovino, spectaculaire enquête de Jonathan Nossiter sur la mafia vinicole (dont les parrains se nomment Robert Mondavi et Robert Parker) en position d'outsider face au mastodonte de Michael Moore, Fahrenheit 11/9. Au contraire de son concurrent, qui véhicule, sous couvert de les attaquer, les valeurs les plus nauséeuses de la globalisation sous l'égide de l'Amérique impérialiste, Mondovino dénonce ces mêmes perversions avec une ronde habileté, prenant pour prétexte le vin fameux à travers le monde et les dessous de sa lourde industrie. Prétexte? Le mot est bien inapproprié, car si Jonathan Nossiter est un cinéaste talentueux et reconnu (ainsi l'attestent ses précédentes fictions et films documentaires comme Sunday, 1997 et Signs & Wonders, 2000), il est également cet amateur de savoureux breuvages ayant longtemps travaillé en tant qu'œnologue et sommelier pour de grands restaurants new-yorkais. C'est au nom de son amour du nectar vinifié, signe d'un goût plus ample pour la vie et ses fruits gourmands, que Nossiter a décidé de partir en guerre contre l'uniformisation du goût et, plus grave encore, la perversion quasi ontologique du vin, jusqu'alors symbole de partage, de particularisme (régionaux, culturels...) et de symbiose entre l'homme et son environnement, le corps et le cœur, au seul profit d'intérêts commerciaux. Trois ans durant, sans financement, ni soutien autre que le carnet d'adresses qu'il s'était composé au cours de sa précédente carrière, ce globe-trotter polyglotte (Nossiter a grandi entre la France, l'Italie, la Grèce, l'Angleterre et l'Inde) a parcouru le monde armé de sa petite caméra DV pour ramener témoignages et preuves par l'image de ses terribles allégations. Dans un esprit, cependant, entièrement plié à son sujet.

«On fait le vin comme on est» Entrecoupé de brèves haltes au Brésil (on commence d'y implanter de la vigne), dans le Jura et en Argentine, où quelques artisans-producteurs élaborent des vins qui ne trouveront jamais leurs réseaux de distribution, le voyage prévoit de plus longues stations dans les endroits qui «comptent»: à Napa Valley, site californien où les très puissantes familles Mondavi et Staglin décident des stratégies qui leur permettront de finaliser leur conquête du monde vinicole, en Toscane et dans le Bordelais où de dévoués vassaux aux noms pourtant prestigieux (Frescobaldi, Antinori, Mouton-Rothschild, Schÿler) appliquent à la lettre la recette de leurs suzerains américains relayée par son célèbre lieutenant, l'affairiste-œnologue Michel Rolland, et dans le Languedoc et la Bourgogne, devenus terres de résistance pour quelques seigneurs libres, comme – notamment – Hubert de Montille, producteur à Volnay et Aimé Guibert, trouvère versé dans la chanson de «vigne» et propriétaire, accessoirement, du fameux Daumas-Gassac. «On fait le vin comme on est», affirme Alix de Montille, fille de résistant et résistante elle-même, qui n'hésite pas à rendre son sac plutôt que de cautionner les tricheries en matière d'appellation du puissant négociant bourguignon qui l'emploie. Cette assertion résume à elle seule la démonstration réalisée sur 2 h 30 par Mondovino. Avec un malin plaisir, Nossiter s'attarde ainsi sur les détails de l'existence et du parcours de chacun, filmé en portraits serrés pour faire sens de la moindre hésitation, du rictus éventuel qui trahirait le trouble, l'émotion ou la fausseté d'un propos. Quel discours pourrait mieux condamner la toute puissance de Robert Parker, auteur du guide éponyme, dont les choix font et défont la réputation de n'importe quel vin à travers le monde, engageant les producteurs à modifier leurs techniques de vinification pour lui plaire, que de le suivre chez lui dans son triste bled de la côte Est des Etats-Unis, de voir la hideur décorative de son intérieur – et de ses bouledogues péteurs – et d'imaginer que sur la table familiale fast-food, lait et coca ont plus sûrement façonné ses habitudes et son palais que la dégustation de grands crus façonnés dans la durée? C'est là, justement, que réside la question. A savoir si le goût de ceux qui sont en mesure de l'imposer correspond à celui des consommateurs. Apparemment oui, si l'on en croit le succès croissant de ces vins «bluffeurs», larges et courts en bouche. Tout semble donc question de mode et, là encore, Nossiter frappe fort, rappelant, par la bande, quelques justes leçons d'histoire qui adoucissent, comme deux notes de vanille, le parfum tannique aux accents terreux de ce réquisitoire capiteux. Un alliage qui régale les sens et emporte, par son admirable construction, l'adhésion de l'esprit.

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Mondovino, un film pour dénoncer la mafia vinicole Mondovino, a film to denounce the wine mafia

Le cinéaste américain Jonathan Nossiter, ancien œnologue, s'est livré à une enquête de trois ans sur le monde du vin. Son long métrage accuse ceux qui, en imposant leur goût comme seul critère d'excellence – Robert Parker et Robert Mondavi pour les citer – ont bouleversé l'industrie vinicole. Sélectionné en compétition officielle du dernier Festival de Cannes, son film arrive sur les écrans suisses.

Sa sélection de dernière minute en compétition officielle du Festival de Cannes, édition 2004, plaçait Mondovino, spectaculaire enquête de Jonathan Nossiter sur la mafia vinicole (dont les parrains se nomment Robert Mondavi et Robert Parker) en position d'outsider face au mastodonte de Michael Moore, Fahrenheit 11/9. Au contraire de son concurrent, qui véhicule, sous couvert de les attaquer, les valeurs les plus nauséeuses de la globalisation sous l'égide de l'Amérique impérialiste, Mondovino dénonce ces mêmes perversions avec une ronde habileté, prenant pour prétexte le vin fameux à travers le monde et les dessous de sa lourde industrie. Prétexte? Le mot est bien inapproprié, car si Jonathan Nossiter est un cinéaste talentueux et reconnu (ainsi l'attestent ses précédentes fictions et films documentaires comme Sunday, 1997 et Signs & Wonders, 2000), il est également cet amateur de savoureux breuvages ayant longtemps travaillé en tant qu'œnologue et sommelier pour de grands restaurants new-yorkais. C'est au nom de son amour du nectar vinifié, signe d'un goût plus ample pour la vie et ses fruits gourmands, que Nossiter a décidé de partir en guerre contre l'uniformisation du goût et, plus grave encore, la perversion quasi ontologique du vin, jusqu'alors symbole de partage, de particularisme (régionaux, culturels...) et de symbiose entre l'homme et son environnement, le corps et le cœur, au seul profit d'intérêts commerciaux. Trois ans durant, sans financement, ni soutien autre que le carnet d'adresses qu'il s'était composé au cours de sa précédente carrière, ce globe-trotter polyglotte (Nossiter a grandi entre la France, l'Italie, la Grèce, l'Angleterre et l'Inde) a parcouru le monde armé de sa petite caméra DV pour ramener témoignages et preuves par l'image de ses terribles allégations. Dans un esprit, cependant, entièrement plié à son sujet.

«On fait le vin comme on est» Entrecoupé de brèves haltes au Brésil (on commence d'y implanter de la vigne), dans le Jura et en Argentine, où quelques artisans-producteurs élaborent des vins qui ne trouveront jamais leurs réseaux de distribution, le voyage prévoit de plus longues stations dans les endroits qui «comptent»: à Napa Valley, site californien où les très puissantes familles Mondavi et Staglin décident des stratégies qui leur permettront de finaliser leur conquête du monde vinicole, en Toscane et dans le Bordelais où de dévoués vassaux aux noms pourtant prestigieux (Frescobaldi, Antinori, Mouton-Rothschild, Schÿler) appliquent à la lettre la recette de leurs suzerains américains relayée par son célèbre lieutenant, l'affairiste-œnologue Michel Rolland, et dans le Languedoc et la Bourgogne, devenus terres de résistance pour quelques seigneurs libres, comme – notamment – Hubert de Montille, producteur à Volnay et Aimé Guibert, trouvère versé dans la chanson de «vigne» et propriétaire, accessoirement, du fameux Daumas-Gassac. «On fait le vin comme on est», affirme Alix de Montille, fille de résistant et résistante elle-même, qui n'hésite pas à rendre son sac plutôt que de cautionner les tricheries en matière d'appellation du puissant négociant bourguignon qui l'emploie. Cette assertion résume à elle seule la démonstration réalisée sur 2 h 30 par Mondovino. Avec un malin plaisir, Nossiter s'attarde ainsi sur les détails de l'existence et du parcours de chacun, filmé en portraits serrés pour faire sens de la moindre hésitation, du rictus éventuel qui trahirait le trouble, l'émotion ou la fausseté d'un propos. Quel discours pourrait mieux condamner la toute puissance de Robert Parker, auteur du guide éponyme, dont les choix font et défont la réputation de n'importe quel vin à travers le monde, engageant les producteurs à modifier leurs techniques de vinification pour lui plaire, que de le suivre chez lui dans son triste bled de la côte Est des Etats-Unis, de voir la hideur décorative de son intérieur – et de ses bouledogues péteurs – et d'imaginer que sur la table familiale fast-food, lait et coca ont plus sûrement façonné ses habitudes et son palais que la dégustation de grands crus façonnés dans la durée? C'est là, justement, que réside la question. A savoir si le goût de ceux qui sont en mesure de l'imposer correspond à celui des consommateurs. Apparemment oui, si l'on en croit le succès croissant de ces vins «bluffeurs», larges et courts en bouche. Tout semble donc question de mode et, là encore, Nossiter frappe fort, rappelant, par la bande, quelques justes leçons d'histoire qui adoucissent, comme deux notes de vanille, le parfum tannique aux accents terreux de ce réquisitoire capiteux. Un alliage qui régale les sens et emporte, par son admirable construction, l'adhésion de l'esprit.