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La France pendant la deuxième guerre mondiale, La France écartelée

La convention partageait le pays en deux : la zone occupée par les forces du vainqueur, et l'autre laissée en dehors de l'occupation. L'autorité du gouvernement s'exercerait sur l'une et l'autre, mais la nécessité de soumettre au visa des autorités d'occupation tous les textes administratifs pour la zone qu'elles contrôlaient, et le souci de prévenir l'instauration de deux régimes administratifs différents, conduiront à subordonner toute décision à l'assentiment de la puissance occupante. Les deux zones sont séparées par une ligne de démarcation qui part des Pyrénées, remonte en direction du nord-est jusque vers Tours, s'infléchit vers l'est et vient s'appuyer sur la frontière suisse au sud du Jura. Cette ligne est devenue d'emblée une réalité extrêmement contraignante qui trace une coupure des plus tranchées entre les deux France : la zone occupée et la zone dite libre, que certains jugent plus réaliste d'appeler non occupée. Le partage laisse dans la première la majorité des Français - 23 millions contre 17 - et les régions les plus riches et les plus industrielles. Entre les deux la correspondance ne sera rétablie que plusieurs mois après l'armistice. Les préfets des départements de zone occupée durent attendre jusqu'au 25 septembre pour être autorisés à faire parvenir au gouvernement de Vichy des correspondances, à raison de vingt plis tous les dix jours. Un Ausweis délivré par les autorités allemandes était exigé pour franchir la ligne, et il n'était accordé qu'au compte-goutte et pour des motifs impérieux; sa délivrance parcimonieuse était aux mains des Allemands un moyen de pression sur le gouvernement. Dans les moments de tension, les ministres eux-mêmes se voyaient refuser le droit d'aller à Paris. Le gouvernement avait vite renoncé à rentrer dans la capitale ou à s'installer, comme il en avait fait un instant le projet, à Versailles. Cette partition a des effets psychologiques inquiétants: les deux zones placées dans des conditions dissemblables évoluent différemment. La zone libre, où l'absence de tout rappel visible de l'occupation donne le sentiment de l'indépendance nationale et l'illusion de la souveraineté de l'État, oublierait presque que la guerre continue. Les habitants de la zone occupée, eux, ne sauraient l'oublier: la croix gammée a remplacé sur les bâtiments officiels les trois couleurs; d'uniformes ils ne voient que ceux de l'armée d'occupation et de ses services - Vichy est de l'autre côté de la ligne de démarcation, qui interpose un écran opaque. Les journaux de zone libre ne parviennent pas, et on ne lit que la presse parisienne qui paraît sous le contrôle et l'inspiration de la Propagandastaffel. Le danger n'est pas imaginaire d'une dissociation croissante de ces deux France. Si la convention d'armistice ne connaît que ces deux zones , les initiatives de l'occupant ont porté à sept ou huit les fractions du territoire national, séparées les unes des autres par des frontières encore plus difficiles à franchir que la ligne de démarcation. Le long des côtes, de Dunkerque à la Bidassoa, une ligne isole de l'intérieur une bande littorale de quelques kilomètres de profondeur où ne sont admis que ceux qui peuvent y justifier d'un domicile permanent. Les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais sont rattachés au commandement établi à Bruxelles. En août, les trois départements de l'ancienne terre d'Empire, Moselle, Bas et Haut-Rhin, sont rattachés au Reich et forment deux Gauen administrés par des Gauleiter établis à Metz et Strasbourg. Une autre ligne court de l'embouchure de la Somme au Jura et sépare du reste de la zone occupée une quinzaine de départements picards, champenois, bourguignons. On oublie toujours de mentionner aussi les quelques parcelles de territoire dont les armées de Mussolini sont parvenues, en quinze jours de combats, à s'emparer et qui sont soumises à l'occupation italienne. Si l'on ajoute à cette énumération les quelque 2 millions d'hommes emmenés en captivité au-delà du Rhin et, sur un autre registre, les territoires d'outre-mer, on a l'image d'une France désarticulée, morcelée en sept ou huit tronçons, écartelée entre des autorités différentes, sollicitée par des allégeances contraires. En vérité, jamais de mémoire d'homme l'unité de la nation n'avait été à ce point déchirée et menacée. Vichy tâchera de capitaliser à son avantage l'aspiration à l'unité et l'exploitera contre la « dissidence », s'évertuant à en faire le ressort de l'adhésion à sa politique, alors que l'existence même de ce gouvernement et sa politique seront des sujets de discorde.

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La convention partageait le pays en deux : la zone occupée par les forces du vainqueur, et l'autre laissée en dehors de l'occupation. L'autorité du gouvernement s'exercerait sur l'une et l'autre, mais la nécessité de soumettre au visa des autorités d'occupation tous les textes administratifs pour la zone qu'elles contrôlaient, et le souci de prévenir l'instauration de deux régimes administratifs différents, conduiront à subordonner toute décision à l'assentiment de la puissance occupante. Les deux zones sont séparées par une ligne de démarcation qui part des Pyrénées, remonte en direction du nord-est jusque vers Tours, s'infléchit vers l'est et vient s'appuyer sur la frontière suisse au sud du Jura. Cette ligne est devenue d'emblée une réalité extrêmement contraignante qui trace une coupure des plus tranchées entre les deux France : la zone occupée et la zone dite libre, que certains jugent plus réaliste d'appeler non occupée. Le partage laisse dans la première la majorité des Français - 23 millions contre 17 - et les régions les plus riches et les plus industrielles. Entre les deux la correspondance ne sera rétablie que plusieurs mois après l'armistice. Les préfets des départements de zone occupée durent attendre jusqu'au 25 septembre pour être autorisés à faire parvenir au gouvernement de Vichy des correspondances, à raison de vingt plis tous les dix jours. Un Ausweis délivré par les autorités allemandes était exigé pour franchir la ligne, et il n'était accordé qu'au compte-goutte et pour des motifs impérieux; sa délivrance parcimonieuse était aux mains des Allemands un moyen de pression sur le gouvernement. Dans les moments de tension, les ministres eux-mêmes se voyaient refuser le droit d'aller à Paris. Le gouvernement avait vite renoncé à rentrer dans la capitale ou à s'installer, comme il en avait fait un instant le projet, à Versailles.

Cette partition a des effets psychologiques inquiétants: les deux zones placées dans des conditions dissemblables évoluent différemment. La zone libre, où l'absence de tout rappel visible de l'occupation donne le sentiment de l'indépendance nationale et l'illusion de la souveraineté de l'État, oublierait presque que la guerre continue. Les habitants de la zone occupée, eux, ne sauraient l'oublier: la croix gammée a remplacé sur les bâtiments officiels les trois couleurs; d'uniformes ils ne voient que ceux de l'armée d'occupation et de ses services - Vichy est de l'autre côté de la ligne de démarcation, qui interpose un écran opaque. Les journaux de zone libre ne parviennent pas, et on ne lit que la presse parisienne qui paraît sous le contrôle et l'inspiration de la Propagandastaffel. Le danger n'est pas imaginaire d'une dissociation croissante de ces deux France.

Si la convention d'armistice ne connaît que ces deux zones, les initiatives de l'occupant ont porté à sept ou huit les fractions du territoire national, séparées les unes des autres par des frontières encore plus difficiles à franchir que la ligne de démarcation. Le long des côtes, de Dunkerque à la Bidassoa, une ligne isole de l'intérieur une bande littorale de quelques kilomètres de profondeur où ne sont admis que ceux qui peuvent y justifier d'un domicile permanent. Les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais sont rattachés au commandement établi à Bruxelles. En août, les trois départements de l'ancienne terre d'Empire, Moselle, Bas et Haut-Rhin, sont rattachés au Reich et forment deux Gauen administrés par des Gauleiter établis à Metz et Strasbourg. Une autre ligne court de l'embouchure de la Somme au Jura et sépare du reste de la zone occupée une quinzaine de départements picards, champenois, bourguignons. On oublie toujours de mentionner aussi les quelques parcelles de territoire dont les armées de Mussolini sont parvenues, en quinze jours de combats, à s'emparer et qui sont soumises à l'occupation italienne. Si l'on ajoute à cette énumération les quelque 2 millions d'hommes emmenés en captivité au-delà du Rhin et, sur un autre registre, les territoires d'outre-mer, on a l'image d'une France désarticulée, morcelée en sept ou huit tronçons, écartelée entre des autorités différentes, sollicitée par des allégeances contraires. En vérité, jamais de mémoire d'homme l'unité de la nation n'avait été à ce point déchirée et menacée. Vichy tâchera de capitaliser à son avantage l'aspiration à l'unité et l'exploitera contre la « dissidence », s'évertuant à en faire le ressort de l'adhésion à sa politique, alors que l'existence même de ce gouvernement et sa politique seront des sujets de discorde.