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Le pays des fourrures (Jules Verne), Une factorerie

La troupe, commandée par le lieutenant Jasper Hobson, devait se composer d'un officier, de deux sous-officiers et de dix soldats, dont trois mariés qui emmenaient leurs femmes avec eux. Voici la liste de ces hommes que le capitaine Craventy avait choisis parmi les plus énergiques et les plus résolus: 1° Le lieutenant Jasper Hobson, 2° Le sergent Long, 3° Le caporal Joliffe, 4° Petersen, soldat, 5° Belcher, soldat, 6° Raë, soldat, 7° Marbre, soldat, 8° Garry, soldat, 9° Pond, soldat, 10° Mac Nap, soldat, 11° Sabine, soldat, 12° Hope, soldat, 13° Kellet, soldat, De plus: Mrs. Rae, Mrs. Joliffe, Mrs. Mac Nap, Étrangers au fort: Mrs. Paulina Barnett, Madge, Thomas Black. En tout dix-neuf personnes, qu'il s'agissait de transporter pendant plusieurs centaines de milles, à travers un territoire désert et peu connu. Mais en prévision de ce projet, les agents de la Compagnie avaient réuni au Fort-Reliance tout le matériel nécessaire à l'expédition. Une douzaine de traîneaux, pourvus de leur attelage de chiens, étaient préparés. Ces véhicules, fort primitifs, consistaient en un assemblage solide de planches légères que liaient entre elles des bandes transversales. Un appendice, formé d'une pièce de bois cintrée et relevée comme l'extrémité d'un patin, permettait au traîneau de fendre la neige sans s'y engager profondément. Six chiens, attelés deux par deux, servaient de moteurs à chaque traîneau, -- moteurs intelligents et rapides qui, sous la longue lanière du guide, peuvent franchir jusqu'à quinze milles à l'heure. La garde-robe des voyageurs se composait de vêtements en peau de renne, doublés intérieurement d'épaisses fourrures. Tous portaient des tissus de laine, destinés à les garantir contre les brusques changements de température, qui sont fréquents sous cette latitude. Chacun, officier ou soldat, femme ou homme, était chaussé de ces bottes en cuir de phoque, cousues de nerfs, que les indigènes fabriquent avec une habileté sans pareille. Ces chaussures sont absolument imperméables et se prêtent à la marche par la souplesse de leurs articulations. À leurs semelles pouvaient s'adapter des raquettes en bois de pin, longues de trois à quatre pieds, sortes d'appareils propres à supporter le poids d'un homme sur la neige la plus friable et qui permettent de se déplacer avec une extrême vitesse, ainsi que font les patineurs sur les surfaces glacées. Des bonnets de fourrure, des ceintures de peau de daim complétaient l'accoutrement. En fait d'armes, le lieutenant Hobson emportait, avec des munitions en quantité suffisante, les mousquetons réglementaires délivrés par la Compagnie, des pistolets et quelques sabres d'ordonnance; en fait d'outils, des haches, des scies, des herminettes et autres instruments nécessaires au charpentage; enfait d'ustensiles, tout ce que nécessitait l'établissement d'une factorerie dans de telles conditions, entre autres un poêle, un fourneau de fonte, deux pompes à air destinées à la ventilation, un halkett-boat, sorte de canot en caoutchouc que l'on gonfle aumoment où on veut en faire usage. Quant aux approvisionnements, on pouvait compter sur les chasseurs du détachement. Quelques-uns de ces soldats étaient d'habilestraqueurs de gibier, et les rennes ne manquent pas dans lesrégions polaires. Des tribus entières d'Indiens ou d'Esquimaux, privées de pain ou de tout autre aliment, se nourrissent exclusivement de cette venaison, qui est à la fois abondante etsavoureuse. Cependant, comme il fallait compter avec les retards inévitables et les difficultés de toutes sortes, une certaine quantité de vivres dut être emportée. C'était de la viande de bison, d'élan, de daim, ramassée dans de longues battues faites au sud du lac, du «corn-beef», qui pouvait se conserver indéfiniment, des préparations indiennes dans lesquelles la chair, broyée et réduite en poudre impalpable, conserve tous ses éléments nutritifs sous un très petit volume. Ainsi triturée, cette viande n'exige aucune cuisson, et présente sous cette forme une alimentation très nourrissante. En fait de liqueurs, le lieutenant Hobson emportait plusieurs barils de brandevin et de whisky, bien décidé, d'ailleurs, à économiser autant que possible ces liquides alcooliques, qui sont nuisibles à la santé des hommes sous les froides latitudes. Mais, en revanche, la Compagnie avait mis à sa disposition, avec une petite pharmacie portative, de notables quantités de «lime-juice», de citrons et autres produits naturels, indispensables pour combattre les affections scorbutiques, si terribles dans ces régions, et pour les prévenir au besoin. Tous les hommes, d'ailleurs, avaient été choisis avec soin ni trop gras, ni trop maigres; habitués depuis de longues années aux rigueurs de ces climats, ils devaient supporter plus aisément les fatigues d'une expédition vers l'Océan polaire. De plus, c'étaient des gens de bonne volonté, courageux, intrépides, qui avaient accepté librement. Une double paye leur était attribuée pour tout le temps de leur séjour aux limites du continent américain, s'ils parvenaient à s'établir au-dessus du soixante-dixième parallèle. Un traîneau spécial, un peu plus confortable, avait été préparé pour Mrs. Paulina Barnett et sa fidèle Madge. La courageuse femme ne voulait pas être traitée autrement que ses compagnons de route, mais elle dut se rendre aux instances du capitaine, qui n'était, d'ailleurs, que l'interprète des sentiments de la Compagnie. Mrs. Paulina dut donc se résigner.

Quant à l'astronome Thomas Black, le véhicule qui l'avait amené auFort-Reliance devait le conduire jusqu'à son but avec son petitbagage de savant. Les instruments de l'astronome, peu nombreux d'ailleurs, -- une lunette pour ses observations sélénographiques,un sextant destiné à donner la latitude, un chronomètre pour la fixation des longitudes, quelques cartes, quelques livres, -- toutcela s'arrimait sur ce traîneau, et Thomas Black comptait bien que ses fidèles chiens ne le laisseraient pas en route. On pense que la nourriture destinée aux divers attelages n'avait pas été oubliée. C'était un total de soixante-douze chiens, véritable troupeau qu'il s'agissait de substanter, chemin faisant,et les chasseurs du détachement devaient spécialement s'occuper de leur nourriture. Ces animaux, intelligents et vigoureux, avaientété achetés aux Indiens Chipeways, qui savent merveilleusement lesdresser à ce dur métier.

Toute cette organisation de la petite troupe fut lestement menée. Le lieutenant Jasper Hobson s'y employait avec un zèle au-dessusde tout éloge. Fier de cette mission, passionné pour son oeuvre, il ne voulait rien négliger qui pût en compromettre le succès. Le caporal Joliffe, très affairé toujours, se multipliait sans faire grande besogne; mais la présence de sa femme était et devait être très utile à l'expédition. Mrs. Paulina Barnett l'avait prise en amitié, cette intelligente et vive Canadienne, blonde avec de grands yeux doux. Il va sans dire que le capitaine Craventy n'oublia rien pour le succès de l'entreprise. Les instructions qu'il avait reçues des agents supérieurs de la Compagnie montraient quelle importance ils attachaient à la réussite de l'expédition et à l'établissement d'une nouvelle factorerie au-delà du soixante-dixième parallèle. On peut donc affirmer que tout ce qu'il était humainement possiblede faire pour atteindre ce but fut fait. Mais la nature ne devait-elle pas créer d'insurmontables obstacles devant les pas du courageux lieutenant? C'est ce que personne ne pouvait prévoir!

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La troupe, commandée par le lieutenant Jasper Hobson, devait se composer d'un officier, de deux sous-officiers et de dix soldats, dont trois mariés qui emmenaient leurs femmes avec eux. Voici la liste de ces hommes que le capitaine Craventy avait choisis parmi les plus énergiques et les plus résolus: 

1° Le lieutenant Jasper Hobson,
2° Le sergent Long,
3° Le caporal Joliffe,
4° Petersen, soldat,
5° Belcher, soldat,
6° Raë, soldat,
7° Marbre, soldat,
8° Garry, soldat,
9° Pond, soldat,
10° Mac Nap, soldat,
11° Sabine, soldat,
12° Hope, soldat,
13° Kellet, soldat, 

De plus: 

Mrs. Rae,
Mrs. Joliffe,
Mrs. Mac Nap, 

Étrangers au fort: 

Mrs. Paulina Barnett,
Madge,
Thomas Black. 

En tout dix-neuf personnes, qu'il s'agissait de transporter pendant plusieurs centaines de milles, à travers un territoire désert et peu connu. 

Mais en prévision de ce projet, les agents de la Compagnie avaient réuni au Fort-Reliance tout le matériel nécessaire à l'expédition. Une douzaine de traîneaux, pourvus de leur attelage de chiens, étaient préparés. Ces véhicules, fort primitifs, consistaient en un assemblage solide de planches légères que liaient entre elles des bandes transversales. Un appendice, formé d'une pièce de bois cintrée et relevée comme l'extrémité d'un patin, permettait au traîneau de fendre la neige sans s'y engager profondément. Six chiens, attelés deux par deux, servaient de moteurs à chaque traîneau, -- moteurs intelligents et rapides qui, sous la longue lanière du guide, peuvent franchir jusqu'à quinze milles à l'heure. 

La garde-robe des voyageurs se composait de vêtements en peau de renne, doublés intérieurement d'épaisses fourrures. Tous portaient des tissus de laine, destinés à les garantir contre les brusques changements de température, qui sont fréquents sous cette latitude. Chacun, officier ou soldat, femme ou homme, était chaussé de ces bottes en cuir de phoque, cousues de nerfs, que les indigènes fabriquent avec une habileté sans pareille. Ces chaussures sont absolument imperméables et se prêtent à la marche par la souplesse de leurs articulations. À leurs semelles pouvaient s'adapter des raquettes en bois de pin, longues de trois à quatre pieds, sortes d'appareils propres à supporter le poids d'un homme sur la neige la plus friable et qui permettent de se déplacer avec une extrême vitesse, ainsi que font les patineurs sur les surfaces glacées. Des bonnets de fourrure, des ceintures de peau de daim complétaient l'accoutrement. 

En fait d'armes, le lieutenant Hobson emportait, avec des munitions en quantité suffisante, les mousquetons réglementaires délivrés par la Compagnie, des pistolets et quelques sabres d'ordonnance; en fait d'outils, des haches, des scies, des herminettes et autres instruments nécessaires au charpentage; enfait d'ustensiles, tout ce que nécessitait l'établissement d'une factorerie dans de telles conditions, entre autres un poêle, un fourneau de fonte, deux pompes à air destinées à la ventilation, un halkett-boat, sorte de canot en caoutchouc que l'on gonfle aumoment où on veut en faire usage. 

Quant aux approvisionnements, on pouvait compter sur les chasseurs du détachement. Quelques-uns de ces soldats étaient d'habilestraqueurs de gibier, et les rennes ne manquent pas dans lesrégions polaires. Des tribus entières d'Indiens ou d'Esquimaux, privées de pain ou de tout autre aliment, se nourrissent exclusivement de cette venaison, qui est à la fois abondante etsavoureuse. Cependant, comme il fallait compter avec les retards inévitables et les difficultés de toutes sortes, une certaine quantité de vivres dut être emportée. C'était de la viande de bison, d'élan, de daim, ramassée dans de longues battues faites au sud du lac, du «corn-beef», qui pouvait se conserver indéfiniment, des préparations indiennes dans lesquelles la chair, broyée et réduite en poudre impalpable, conserve tous ses éléments nutritifs sous un très petit volume. Ainsi triturée, cette viande n'exige aucune cuisson, et présente sous cette forme une alimentation très nourrissante. 

En fait de liqueurs, le lieutenant Hobson emportait plusieurs barils de brandevin et de whisky, bien décidé, d'ailleurs, à économiser autant que possible ces liquides alcooliques, qui sont nuisibles à la santé des hommes sous les froides latitudes. Mais, en revanche, la Compagnie avait mis à sa disposition, avec une petite pharmacie portative, de notables quantités de «lime-juice», de citrons et autres produits naturels, indispensables pour combattre les affections scorbutiques, si terribles dans ces régions, et pour les prévenir au besoin. Tous les hommes, d'ailleurs, avaient été choisis avec soin ni trop gras, ni trop maigres; habitués depuis de longues années aux rigueurs de ces climats, ils devaient supporter plus aisément les fatigues d'une expédition vers l'Océan polaire. De plus, c'étaient des gens de bonne volonté, courageux, intrépides, qui avaient accepté librement. Une double paye leur était attribuée pour tout le temps de leur séjour aux limites du continent américain, s'ils parvenaient à s'établir au-dessus du soixante-dixième parallèle. 

Un traîneau spécial, un peu plus confortable, avait été préparé pour Mrs. Paulina Barnett et sa fidèle Madge. La courageuse femme ne voulait pas être traitée autrement que ses compagnons de route, mais elle dut se rendre aux instances du capitaine, qui n'était, d'ailleurs, que l'interprète des sentiments de la Compagnie. Mrs. Paulina dut donc se résigner. 

Quant à l'astronome Thomas Black, le véhicule qui l'avait amené auFort-Reliance devait le conduire jusqu'à son but avec son petitbagage de savant. Les instruments de l'astronome, peu nombreux d'ailleurs, -- une lunette pour ses observations sélénographiques,un sextant destiné à donner la latitude, un chronomètre pour la fixation des longitudes, quelques cartes, quelques livres, -- toutcela s'arrimait sur ce traîneau, et Thomas Black comptait bien que ses fidèles chiens ne le laisseraient pas en route. 

On pense que la nourriture destinée aux divers attelages n'avait pas été oubliée. C'était un total de soixante-douze chiens, véritable troupeau qu'il s'agissait de substanter, chemin faisant,et les chasseurs du détachement devaient spécialement s'occuper de leur nourriture. Ces animaux, intelligents et vigoureux, avaientété achetés aux Indiens Chipeways, qui savent merveilleusement lesdresser à ce dur métier. 

Toute cette organisation de la petite troupe fut lestement menée. Le lieutenant Jasper Hobson s'y employait avec un zèle au-dessusde tout éloge. Fier de cette mission, passionné pour son oeuvre, il ne voulait rien négliger qui pût en compromettre le succès. Le caporal Joliffe, très affairé toujours, se multipliait sans faire grande besogne; mais la présence de sa femme était et devait être très utile à l'expédition. Mrs. Paulina Barnett l'avait prise en amitié, cette intelligente et vive Canadienne, blonde avec de grands yeux doux. 

Il va sans dire que le capitaine Craventy n'oublia rien pour le succès de l'entreprise. Les instructions qu'il avait reçues des agents supérieurs de la Compagnie montraient quelle importance ils attachaient à la réussite de l'expédition et à l'établissement d'une nouvelle factorerie au-delà du soixante-dixième parallèle. On peut donc affirmer que tout ce qu'il était humainement possiblede faire pour atteindre ce but fut fait. Mais la nature ne devait-elle pas créer d'insurmontables obstacles devant les pas du courageux lieutenant? C'est ce que personne ne pouvait prévoir!