Carnet de voyage - 59
Lundi 25 décembre Cela fait 14 mois que j'ai quitté la maison et dans 5 jours je vais retrouver ma famille ! A midi, nous avons eu droit à un repas pantagruélique : foie gras, saumon, langouste, gigot d'agneau, le tout arrosé de grands vins. Enfin, champagne et pâtisseries pour finir ce repas de noël.
J'espère que cette nourriture riche ne nous restera pas sur l'estomac sachant que l'on doit regagner le bateau vers 16h30 pour reprendre l'ultime étape de notre voyage sur une mer démontée. Mardi 26 décembre Encore une nuit blanche passée à être ballottés dans nos couchettes. Dans la matinée, profitant d'une amélioration sensible de l'état de la mer, j'ai pu m'allonger et m'assoupir dans ma couchette pendant quelques heures. Trouver une occupation pour meubler les cinq jours de mer qui nous attendent n'est pas aisé. L'océan à perte de vue offre un paysage d'une rare monotonie. Arpenter le pont que l'on connaît par cœur n'a rien de réjouissant non plus. Je passe bien quelques heures dans la bibliothèque, mais on ne peut pas consacrer tout son temps à lire. J'ai essayé de jouer au tennis de table, mais j'ai vite renoncé, avec le roulis permanent c'est quasiment impossible. Je lis et relis mon carnet de voyage mais les journées restent interminables.
Mercredi 27 décembre Mer très calme aujourd'hui, temps superbe sans l'ombre d'un nuage et températures nettement plus clémentes. C'est peut-être le moment de prendre un bain de soleil sur le pont supérieur. Jeudi 28 décembre Il fait de plus en plus lourd bien que le temps soit couvert aujourd'hui et qu'il ait plu cette nuit. Même programme qu'hier pour tuer le temps jusqu'à ce soir où un barbecue est organisé sur le pont d'envol pour marquer officiellement la fin de la campagne d'hivernage 1999-2000 sur les trois districts. Vendredi 29 décembre Nous entamons la dernière journée du voyage. Demain matin, nous accosterons à l'endroit même où le 4 novembre 1999 à 20h30, le Marion larguait les amarres pour nous amener sur nos petits cailloux respectifs, perdus dans l'immensité de l'océan Indien. Cette année est passée si vite et pourtant je ne suis pas prêt de l'oublier, tant d'innombrables images se bousculent dans ma tête. Cette dernière journée va passer au rythme des repas, balades sur le pont et discussions autour d'un verre. Samedi 30 décembre 5h00 : l'île de la réunion est en vue mais nous n'accosterons que vers 8h30. Après cinq jours de mer, ces quelques heures supplémentaires ne changent pas grand-chose à notre lassitude. La plupart de mes camarades vont devoir attendre l'avion qui doit les ramener à Paris, mais qui ne décollera qu'en début de soirée, ce qui ne leur laissera même pas le temps pour faire un peu de tourisme. Pour moi, les choses seront bien différentes. Ma femme et ma fille sont venues me rejoindre à la réunion où nous fêterons la nouvelle année dans un des luxueux hôtels de la côte ouest de l'île. Je suis impatient de les revoir mais les retrouvailles me font tout de même un peu peur. Ne suis-je pas devenu un peu sauvage ? Comment vont-elles réagir en voyant débarquer un type aux cheveux longs et à la barbe hirsute ? J'ai aussi perdu quelques kilos malgré l'inactivité forcée de ces quelques jours de mer. En approchant du quai, je les vois enfin et leur fais de grands signes. Je devine à leur regard que je ne suis pas un étranger à leurs yeux et quand enfin le débarcadère nous relie enfin à la terre ferme je les encourage à s'approcher et à monter sur le bateau. L'étreinte que nous partageons n'a rien à voir avec celle que nous avions eue un an auparavant avant mon départ. Ce ne sont maintenant que des larmes de joie qui coulent sur nos visages.