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Vol libre en Argentine, Frontière de l’univers 15e jour, 28 mars

Pour les lève-tôt, le spectacle est de toute beauté, c'est l'extase : le voile de brume matinale se déchire et les couleurs du levant envahissent la lagune endormie puis les hautes cimes de la Cordillère des Andes. Les premiers rayons agressent déjà les murs de chaux de la petite église. Quelques masures en pisé, très modestes, sont là, intemporelles, comme un défi à cette nature rude et hostile, sur ce plateau désertique battu par les vents. Isolé du village, un cimetière tout à fait surréaliste offre au levant des tombes colorées. Il faut naître cactus pour survivre dans cet enfer d'aridité et homme pour en apprécier la beauté insolente et divine. Le bleu du ciel est d'une limpidité empreinte d'éternité. Les possibilités de vol semblent limitées, les reliefs si proches et pourtant si lointains. Nous nous contentons de déplier nos voiles sur le plateau et d'expérimenter différentes techniques de gonflage arrière. Les habitants du village et surtout les gosses sont ravis et émerveillés de découvrir ces étranges cerfs-volants multicolores. Le vent, très fort maintenant nous interdit toute tentative de vol et une expédition découverte de la lagune est mise sur pied.

Ce n'est pas un mythe, nous avons bien vu des flamants roses. Le froid de l'automne argentin ne les a pas chassés vers d'autres horizons plus chauds. Nous observons de loin cet échassier au plumage rose et à la démarche fière. La solitude du lac salé lui convient. Il a besoin du désert et de la vase qu'il fouille inlassablement de son bec incurvé, conçu pour filtrer le sable et l'eau et ne retenir que les algues, les vers, crustacés ou mollusques. Il ne s'envole jamais seul, il marche, puis accélère avant de s'élever, le cou tendu pour améliorer sa vitesse. Pour nous ce bel oiseau n'aura volé que dix mètres, ne supportant pas d'être dérangé dans sa quête quotidienne de nourriture. Nous avons tenté d'approcher les vigognes, sorte de petits lamas au pelage laineux et doré. Le troupeau sauvage et craintif fuit éperdument devant notre 4x4, pour se confondre bien vite, à l'horizon, avec les dunes de sable blanc de la lagune… Laissons cet univers qui appartient à l'éternité. Il nous a fallu voter, eh !oui, tels de bons citoyens suisses, que nous n'étions pas tous d'ailleurs, pour décider du programme du lendemain. Soit continuer sur Antofagasta, comme prévu, vers le volcan à 6000m, c'est deux cent kilomètres aller-retour de pistes de montagne, soit de se replier vers la civilisation, plus tranquillement, afin de favoriser le vol. Les deux voix féminines, bien que déterminées, ne suffisent pas à faire pencher la balance sur Antofagasta, ce sera le plus grand regret des filles de l'expédition, d'avoir du renoncer, si près du but, pour « privilégier » des vols que nous faisons toute l'année. Dommage. Les filles du groupe se retranchent à la cuisine et tentent de percer le secret de la recette des humitas, sorte d'empanedas à base de maïs, tomates, épices, oignons hachés et fromage de chèvre… le tout emballé dans des feuilles de maïs et plongé dans l'eau bouillante. Tout le monde met la main à la pâte car la préparation de ce repas de fête n'est pas vraiment une sinécure. Pour les dignes étrangers que nous sommes, les habitants du village ont déplacé le bal du dimanche soir. Voyage au cœur de la tradition folklorique avec accordéon, guitare et tambour. Toute la population, environ trente personnes, hommes, femmes, enfants, est là, c'est la seule occasion de se distraire et de rencontrer son voisin et surtout de voir des visages étrangers. Pas de coquetterie mal placée, avec nos chaussures de montagne. Tous les hommes chiquent la feuille de coca, ce qui leur assure une haleine sauvage. Les Suisses font la fermeture alors que les Argentins du groupe nous abandonnent lâchement. La nuit est sereine. Le ciel nocturne des Andes est étonnement limpide et immobile. Pas de mouvement d'aéronefs ni de satellites, seules des myriades d'étoiles très brillantes. Nous sommes aux frontières de l'univers dont l'immensité est une leçon d'humilité.

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Pour les lève-tôt, le spectacle est de toute beauté, c'est l'extase : le voile de brume matinale se déchire et les couleurs du levant envahissent la lagune endormie puis les hautes cimes de la Cordillère des Andes. Les premiers rayons agressent déjà les murs de chaux de la petite église. Quelques masures en pisé, très modestes, sont là, intemporelles, comme un défi à cette nature rude et hostile, sur ce plateau désertique battu par les vents. Isolé du village, un cimetière tout à fait surréaliste offre au levant des tombes colorées. Il faut naître cactus pour survivre dans cet enfer d'aridité et homme pour en apprécier la beauté insolente et divine. Le bleu du ciel est d'une limpidité empreinte d'éternité.

Les possibilités de vol semblent limitées, les reliefs si proches et pourtant si lointains. Nous nous contentons de déplier nos voiles sur le plateau et d'expérimenter différentes techniques de gonflage arrière. Les habitants du village et surtout les gosses sont ravis et émerveillés de découvrir ces étranges cerfs-volants multicolores. Le vent, très fort maintenant nous interdit toute tentative de vol et une expédition découverte de la lagune est mise sur pied.

Ce n'est pas un mythe, nous avons bien vu des flamants roses. Le froid de l'automne argentin ne les a pas chassés vers d'autres horizons plus chauds. Nous observons de loin cet échassier au plumage rose et à la démarche fière. La solitude du lac salé lui convient. Il a besoin du désert et de la vase qu'il fouille inlassablement de son bec incurvé, conçu pour filtrer le sable et l'eau et ne retenir que les algues, les vers, crustacés ou mollusques. Il ne s'envole jamais seul, il marche, puis accélère avant de s'élever, le cou tendu pour améliorer sa vitesse. Pour nous ce bel oiseau n'aura volé que dix mètres, ne supportant pas d'être dérangé dans sa quête quotidienne de nourriture.

Nous avons tenté d'approcher les vigognes, sorte de petits lamas au pelage laineux et doré. Le troupeau sauvage et craintif fuit éperdument devant notre 4x4, pour se confondre bien vite, à l'horizon, avec les dunes de sable blanc de la lagune… Laissons cet univers qui appartient à l'éternité.

Il nous a fallu voter, eh !oui, tels de bons citoyens suisses, que nous n'étions pas tous d'ailleurs, pour décider du programme du lendemain.

Soit continuer sur Antofagasta, comme prévu, vers le volcan à 6000m, c'est deux cent kilomètres aller-retour de pistes de montagne, soit de se replier vers la civilisation, plus tranquillement, afin de favoriser le vol. Les deux voix féminines, bien que déterminées, ne suffisent pas à faire pencher la balance sur Antofagasta, ce sera le plus grand regret des filles de l'expédition, d'avoir du renoncer, si près du but, pour « privilégier » des vols que nous faisons toute l'année. Dommage. Les filles du groupe se retranchent à la cuisine et tentent de percer le secret de la recette des humitas, sorte d'empanedas à base de maïs, tomates, épices, oignons hachés et fromage de chèvre… le tout emballé dans des feuilles de maïs et plongé dans l'eau bouillante. Tout le monde met la main à la pâte car la préparation de ce repas de fête n'est pas vraiment une sinécure.

Pour les dignes étrangers que nous sommes, les habitants du village ont déplacé le bal du dimanche soir. Voyage au cœur de la tradition folklorique avec accordéon, guitare et tambour. Toute la population, environ trente personnes, hommes, femmes, enfants, est là, c'est la seule occasion de se distraire et de rencontrer son voisin et surtout de voir des visages étrangers. Pas de coquetterie mal placée, avec nos chaussures de montagne. Tous les hommes chiquent la feuille de coca, ce qui leur assure une haleine sauvage. Les Suisses font la fermeture alors que les Argentins du groupe nous abandonnent lâchement. La nuit est sereine. Le ciel nocturne des Andes est étonnement limpide et immobile. Pas de mouvement d'aéronefs ni de satellites, seules des myriades d'étoiles très brillantes. Nous sommes aux frontières de l'univers dont l'immensité est une leçon d'humilité.