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l'histoire de France, La France moderne

Mes parents sont nés sept ans après la signature du traité de Versailles.

Ce que je vous ai raconté jusqu'ici, on le trouve dans des livres ou des documents conservés dans les archives. À partir de cet instant, je vais évoquer des événements qui se sont déroulés alors que mes parents étaient en vie.

Cependant, si j'évoque certains de leurs souvenirs d'enfance, vous allez ressentir l'impression d'être ramenés en une époque très lointaine, si différente du temps que vous vivez qu'elle vous paraîtra située des centaines d'années en arrière. Vous aurez raison. En moins d'un siècle, la vie des Français a bien plus changé qu'en mille ans. Mes grands-parents ont vu surgir devant eux ce qui leur a semblé être un fiacre sans cheval: la première automobile.

Ils ont vu voler les premiers avions, utilisé les premiers téléphones, entendu les premières émissions de radio, regardé les premières émissions de télévision. Ils ont vécu assez longtemps pour voir s'arracher de la terre les premiers engins spatiaux. Tout cela dans une vie d'homme. Quand mes parents étaient enfants, mes grands-parents paternels s'éclairaient encore au gaz. À l'école primaire que mon père a fréquentée dans son village, on utilisait aussi le gaz d'éclairage. Mes grands-parents maternels possédaient, dans un village de l'Ain, une ferme où j'ai passé plus tard, quand je suis né, de merveilleuses vacances. Ils n'y disposaient pas de l'eau courante. On allait chercher l'eau à une fontaine, grâce à un support en bois qui s'emboîtait aux épaules et auquel on attachait deux seaux. Cette eau, ils ne s'en servaient que pour la cuisine. Pour se laver, ils remplissaient des brocs à une pompe alimentée par une citerne. Ils emportaient cette eau de pluie dans leurs chambres où, pour se débarbouiller, ils remplissaient une cuvette. Ils ignoraient ce qu'était une salle de bains et les toilettes - fort rudimentaires - se trouvaient dans la cour. Dans leur maison, pourtant très confortable, le chauffage central était inconnu.

Ils se chauffaient à l'aide de poêles à charbon, installés dans les seules pièces de séjour. Ils n'ont connu de chambre chauffée qu'après la Seconde Guerre mondiale. À la cuisine ronronnait une grosse « cuisinière» à charbon d'où sortaient des plats délicieux. Personne alors ne prévoyait qu'il y aurait un jour des machines à laver la vaisselle. Seules des personnes considérées comme excentriques osaient acquérir les premières machines à laver le linge. Les journaux ayant fait état de cas - réels - d'électrocution, elles suscitaient l'inquiétude. Ils ignoraient l'existence des réfrigérateurs, dont les premiers avaient pourtant vu le jour sous le Second Empire. Très peu de gens possédaient des automobiles.

La bicyclette restait le moyen de transport le plus populaire. En 1926 on en comptait en France plus de sept millions! Les livraisons se faisaient à l'aide de lourdes charrettes tirées par des chevaux: ainsi leur apportait-on leur charbon, leur vin en tonneau, leur lait. Ils ont encore vu circuler des fiacres, les derniers il est vrai. Cela faisait beaucoup de chevaux dans les rues, alors que vous n'en voyez plus un seul aujourd'hui. Parfois, chez mes grands-parents, un bruit venu du ciel leur faisait lever le nez.

Alors ils apercevaient cette rareté: un avion. Ma mères et ses frères et sœurs couraient jusqu'au bout du jardin pour le suivre du regard. Les trains qu'ils prenaient au moment des vacances étaient toujours tirés, comme au temps de Louis-Philippe, par des locomotives à vapeur. La différence est qu'ils atteignaient des vitesses dont n'aurait osé rêver le roi bourgeois. Quand ils parvenaient à destination, il fallait, à cause de la fumée, se laver les oreilles et le nez. Ils s'amusaient à découvrir que la serviette devenait toute noire. Quand ils étaient malades, leurs parents appelaient le médecin de famille qui prescrivait des médicaments simples, peu nombreux.

Ils savaient que certaines maladies étaient inguérissables, comme la tuberculose dont le seul nom les épouvantait. Ma mère avait huit ans quand une épidémie de croup - des mucosités qui, s'accumulant dans la gorge, conduisaient à l'étouffement - a tué, dans sa classe, trois de ses camarades. Derrière son instituteur, elle avait assisté, sans trop comprendre ce qui leur était arrivé, à leur enterrement. Aujourd'hui, on guérit la tuberculose. Le croup, ainsi qu'un grand nombre de maladies, ne tue plus. Durant le seul temps de son existence, la médecine a accompli de foudroyants progrès, dont nous sommes les bénéficiaires.

Un jour – elle avait neuf ans - ses parents ont acheté leur premier poste de radio.

On disait alors T.S.F., c'est-à-dire télégraphie sans fil La télévision?

C'est en 1937, à l'Exposition internationale qui se tenait à Paris, qu'elle a pu en contempler les premières images expérimentales en noir et blanc. Devant une caméra, une chanteuse reprenait un refrain. Ce qui l'a frappée, c'est qu'on lui avait, non pas rougi, mais noirci les lèvres pour en accentuer le contraste; À quelques mètres de là, sur un minuscule écran, on retrouvait - miracle! - l'image tremblée et peu précise de la chanteuse, cependant que l'on entendait sa voix. Telle était la vie qu'elle a connue lorsqu'elle était enfant. Une nouvelle guerre allait se charger de bousculer tout cela.

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Mes parents sont nés sept ans après la signature du traité de Versailles.

Ce que je vous ai raconté jusqu'ici, on le trouve dans des livres ou des documents conservés dans les archives. À partir de cet instant, je vais évoquer des événements qui se sont déroulés alors que mes parents étaient en vie.

Cependant, si j'évoque certains de leurs souvenirs d'enfance, vous allez ressentir l'impression d'être ramenés en une époque très lointaine, si différente du temps que vous vivez qu'elle vous paraîtra située des centaines d'années en arrière.

Vous aurez raison. En moins d'un siècle, la vie des Français a bien plus changé qu'en mille ans.

Mes grands-parents ont vu surgir devant eux ce qui leur a semblé être un fiacre sans cheval: la première automobile.

Ils ont vu voler les premiers avions, utilisé les premiers téléphones, entendu les premières émissions de radio, regardé les premières émissions de télévision. Ils ont vécu assez longtemps pour voir s'arracher de la terre les premiers engins spatiaux. Tout cela dans une vie d'homme.

Quand mes parents étaient enfants, mes grands-parents paternels s'éclairaient encore au gaz.

À l'école primaire que mon père a fréquentée dans son village, on utilisait aussi le gaz d'éclairage. Mes grands-parents maternels possédaient, dans un village de l'Ain, une ferme où j'ai passé plus tard, quand je suis né, de merveilleuses vacances. Ils n'y disposaient pas de l'eau courante. On allait chercher l'eau à une fontaine, grâce à un support en bois qui s'emboîtait aux épaules et auquel on attachait deux seaux.

Cette eau, ils ne s'en servaient que pour la cuisine.

Pour se laver, ils remplissaient des brocs à une pompe alimentée par une citerne. Ils emportaient cette eau de pluie dans leurs chambres où, pour se débarbouiller, ils remplissaient une cuvette. Ils ignoraient ce qu'était une salle de bains et les toilettes - fort rudimentaires - se trouvaient dans la cour.

Dans leur maison, pourtant très confortable, le chauffage central était inconnu.

Ils se chauffaient à l'aide de poêles à charbon, installés dans les seules pièces de séjour. Ils n'ont connu de chambre chauffée qu'après la Seconde Guerre mondiale. À la cuisine ronronnait une grosse « cuisinière» à charbon d'où sortaient des plats délicieux. Personne alors ne prévoyait qu'il y aurait un jour des machines à laver la vaisselle. Seules des personnes considérées comme excentriques osaient acquérir les premières machines à laver le linge. Les journaux ayant fait état de cas - réels - d'électrocution, elles suscitaient l'inquiétude. Ils ignoraient l'existence des réfrigérateurs, dont les premiers avaient pourtant vu le jour sous le Second Empire.

Très peu de gens possédaient des automobiles.

La bicyclette restait le moyen de transport le plus populaire. En 1926 on en comptait en France plus de sept millions! Les livraisons se faisaient à l'aide de lourdes charrettes tirées par des chevaux: ainsi leur apportait-on leur charbon, leur vin en tonneau, leur lait. Ils ont encore vu circuler des fiacres, les derniers il est vrai. Cela faisait beaucoup de chevaux dans les rues, alors que vous n'en voyez plus un seul aujourd'hui.

Parfois, chez mes grands-parents, un bruit venu du ciel leur faisait lever le nez.

Alors ils apercevaient cette rareté: un avion. Ma mères et ses frères et sœurs couraient jusqu'au bout du jardin pour le suivre du regard.

Les trains qu'ils  prenaient au moment des vacances étaient toujours tirés, comme au temps de Louis-Philippe, par des locomotives à vapeur.

La différence est qu'ils atteignaient des vitesses dont n'aurait osé rêver le roi bourgeois. Quand ils parvenaient à destination, il fallait, à cause de la fumée, se laver les oreilles et le nez. Ils s'amusaient à découvrir que la serviette devenait toute noire.

Quand ils étaient malades, leurs parents appelaient le médecin de famille qui prescrivait des médicaments simples, peu nombreux.

Ils savaient que certaines maladies étaient inguérissables, comme la tuberculose dont le seul nom les épouvantait. Ma mère avait huit ans quand une épidémie de croup - des mucosités qui, s'accumulant dans la gorge, conduisaient à l'étouffement - a tué, dans sa classe, trois de ses camarades. Derrière son instituteur, elle avait assisté, sans trop comprendre ce qui leur était arrivé, à leur enterrement. Aujourd'hui, on guérit la tuberculose. Le croup, ainsi qu'un grand nombre de maladies, ne tue plus. Durant le seul temps de son existence, la médecine a accompli de foudroyants progrès, dont nous sommes les bénéficiaires.

Un jour – elle avait neuf ans - ses parents ont acheté leur premier poste de radio.

On disait alors T.S.F., c'est-à-dire télégraphie sans fil

La télévision?

C'est en 1937, à l'Exposition internationale qui se tenait à Paris, qu'elle a pu en contempler les premières images expérimentales en noir et blanc. Devant une caméra, une chanteuse reprenait un refrain. Ce qui l'a frappée, c'est qu'on lui avait, non pas rougi, mais noirci les lèvres pour en accentuer le contraste; À quelques mètres de là, sur un minuscule écran, on retrouvait - miracle! - l'image tremblée et peu précise de la chanteuse, cependant que l'on entendait sa voix.

Telle était la vie qu'elle a connue lorsqu'elle était enfant.

Une nouvelle guerre allait se charger de bousculer tout cela.