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l'histoire de France, Le siècle des Lumière – Louis XV

Ce petit homme gras au visage rouge, ce garçon de douze ans, mince, élancé, d'un joli visage : ce sont le duc d'Orléans, régent du royaume, et le jeune Louis XV qui se promènent dans les allées du château de Versailles. Ce jour-là, 15 juin 1722, la cour regagne le palais abandonné depuis la mort de Louis XIV. Sept années que l'on a emmené le roi de cinq ans à Vincennes, puis aux Tuileries. Là, l'enfant disait tristement : - Mon oncle le régent me fait toujours aller à Saint-Cloud et à Vincennes. D'où vient qu'il ne me mène pas à Versailles et à Trianon ? J'aime tant Trianon ! Il lui a fallu attendre l'approche de son sacre pour que le régent satisfasse ce désir tant de fois exprimé. Désormais, le roi va comme son arrière-grand-père habiter Versailles. Il va s'y marier et c'est là que ses enfants naîtront. Là aussi qu'il gouvernera la France. Là qu'il mourra. Tous ceux qui s'approchent de ce roi devenu adulte vantent sa beauté. Les peintres le montrent revêtu d'une dignité charmante. A trente ans, on le voit avec des yeux « de velours », un regard très doux qui glisse sous de longs cils. A sa naissance, les médecins ne lui donnaient que quelques temps à vivre. Or, exception faite de maladies auxquelles personne alors n'échappait, il est solide comme un roc. Il doit sans doute cette santé de fer à l'exercice et à la vie au grand air. Il chasse tous les jours et épuise bêtes et gens. Ce sportif est en outre d'une remarquable agilité : il n'est pas rare qu'on le voit se promener sur les toits ! Il aime son peuple. Il voudrait rester toujours celui que les français l'ont baptisé, un jour de 1744, le Bien-Aimé. Quand un certain Damiens tentera de l'assassiner, il en sera plus déçu qu'inquiet : comment, il y a des gens en France qui ne l'aiment pas ? Dans la première partie de son règne, il a laissé la responsabilité du pouvoir à son ancien précepteur, le cardinal Fleury, homme prudent et pacifique, qui a fort bien conduit les affaires. A la mort de Fleury (1743), le roi a manifesté sa volonté de gouverner personnellement. Dès lors, il travaillera beaucoup, moins que Louis XIV toutefois.

Louis XV séjournait plusieurs heures chaque jour dans son cabinet de travail. Là, dans cette pièce mal éclairée, les rapports s'entassaient sur des tablettes blanches et or. Patiemment, obstinément, le roi venait à bout de sa besogne quotidienne.

Alors que le Roi-Soleil vivait continuellement en représentation, Louis XV estime qu'il a droit à une vie privée. C'est pourquoi il a demandé à l'architecte Gabriel de transformer à Versailles, les pièces qui donnent sur la cour des Cerfs et la cour intérieurs : on les appellera cabinets. Au-dessus de ces pièces, sous les combles, on aménage pour lui les petits appartements.

Quoiqu'il n'aime pas les cérémonies, il se contraint à y paraître. Il y consent par raison. Il se montre très curieux, s'intéresse aux inventions, à l'urbanisme, aux travaux publics, aux découvertes de géographie. Il possède un télescope et, en observant les astres, rêve à la petitesse de l'homme. Ce qui lui manque ? L'esprit de décision. Au conseil des ministres, il expose son point de vue, mais en change précipitamment s'il le sent discuté. Ce roi, aussi absolu que son prédécesseur, est l'homme le plus timide du royaume. Il n'aime pas les visages inconnus. Il ne se décide à s'adresser aux nouvelles connaissances qu'à la troisième rencontre. Il n'aime pas parler devant une assemblée nombreuse. Nous dirions qu'il a le « trac ». Il se montre si anxieux que les gens le jugent insensible et même stupide. Ce jugement est profondément injuste. Ce roi intelligent a, chose rare, beaucoup de cœur.

Il va lui advenir pourtant quelque chose de bien étrange : sous son règne la France changera davantage qu'en plusieurs siècles. Louis XV va devenir le souverain du « siècle des lumières ».

La nouvelle France Un jeune homme de vingt-quatre ans sort de la Bastille, la plus redoutable prison du royaume. Il vient d'y passer un an pour s'être moqué en vers du régent. Par précaution, les vers étaient en latin, mais au début du XVIIIè siècle tout le monde comprend le latin.

Le régent est sans rancune, le jeune homme aussi. Le libéré de la Bastille rencontre le duc d'Orléans et lui dit : - Monseigneur, je trouverais très doux que Sa Majesté daignât se charger de ma nourriture, mais je supplie Votre Altesse de ne plus s'occuper de mon logement. Voilà beaucoup d'esprit, mais aussi beaucoup d'audace. Vous ne vous en étonnerez plus quand vous saurez que ce jeune homme s'appelle François-Marie Arouet et que ce fils de notaire va devenir le plus illustre des écrivains du siècle : Voltaire. Jamais on n'a vu cela. Jamais un peuple entier n'a montré autant de hâte à apprendre, à connaître. Toutes les classes de la société communient dans la même passion, le même enthousiasme pour les sciences, les lettres, les arts, la philosophie, ou l'art de gouverner. Voltaire, entre la composition de deux tragédies, de trois libelles – des articles publiés sous forme de brochure – d'un conte et de cent lettres, étudie les mathématiques, passe de longues heures dans son laboratoire de physique et de chimie et fait connaître en France les travaux de Newton sur le mouvement des planètes. Jean-Jacques Rousseau, dont la gloire égale celle de Voltaire, écrit un livre que la France entière va lire, « le contrat social », et fait pleurer toutes les belles femmes du royaume avec son roman « la Nouvelle Héloïse ». Mais en même temps il étudie à fond les mathématiques, l'astronomie, la médecine. Il rédige de très intéressantes « institutions chimiques ». Les gens du XVIIIè siècle sont ainsi : ils s'intéressent à tout. Louis XV à Versailles n'est jamais parvenu à faire revivre les fastes du palais de son aïeul. Les grands seigneurs paraissent à la cour mais n'y habitent pas. Les écrivains, eux, restent à Paris. Ce n'est plus Versailles qui fait connaître un homme de lettres, ce sont les « salons ». Le siècle des lumières – salons et philosophes Dans cet appartement du Marais, la sonnette tinte à tout instant et le laquais posté à la porte ne cesse de l'ouvrir et de la fermer. Les hommes qui se présentent ne sont pas tous des aristocrates, loin de là. Certains sont vêtus avec une grande simplicité. Les uns et les autres s'avancent vers la plus vaste pièce du logis : le salon. Là les attend la maîtresse de maison qui les accueille le plus gracieusement du monde. C'est cela, l'originalité des salons du XVIIIè siècle : ce sont des femmes qui en font les honneurs. Elles ont, de par leur intelligence, leur esprit, leur art de recevoir, réuni autour d'elles les hommes les plus brillants de l'époque, ceci dans tous les domaines. Ces femmes sont parfois de très haut rang, d'autres ne cachent pas leur origine bourgeoise, certaines même n'ont que des moyens modestes. Peu à peu le salon s'est empli. Les hôtes ont pris place sur les canapés, dans les fauteuils, sur des chaises. Les laquais passent des rafraîchissements et, sans attendre, la conversation s'instaure. Elle est à la fois légère et profonde. Vous devez savoir que dans les salons est né le fameux ton du XVIIIè siècle.

Le premier salon, celui de la duchesse du Maine, où l'on a vu Voltaire au milieu de beaucoup d'autres, s'est tenu au château de Sceaux au temps où le duc d'Orléans était régent : on disait simplement « sous la régence ». Un peu plus tard, on s'est mis à « causer » chez la marquise de Lambert, où se sont retrouvés Montesquieu, auteur de « l'esprit des lois », Marivaux, auteur dramatique célèbre et Fontenelle, penseur fameux. Et puis se sont ouverts les salons de Mme de Tencin, de Mme Geoffrin, de Mme du Deffand, de Mme de Lespinasse et de bien d'autres. Je suis sûr que vous vous posez la question : qu'est-ce donc que tous ces gens ont à se dire tous les soirs ? Car beaucoup d'entre eux passent d'un salon à l'autre et peuvent, s'ils le veulent, se retrouver chaque soir chez des dames différentes. En vérité, dans ces salons on discute avant tout des « idées nouvelles ». Ceux qui les soutiennent sont appelés les philosophes. Au nom de la raison, ils attaquent l'église catholique, s'en prennent aux avantages que donne la naissance – on dit : les privilèges – et défendent aussi bien la tolérance politique et religieuse que la liberté du commerce. Ces idées-là sont en train de transformer le France. Elles vont être développées dans « l'encyclopédie », une série de dix-sept volumes (plus onze volumes d'illustrations) dont Diderot et d'Alembert dirigent la publication. Tout ce qui compte en France veut lire l'Encyclopédie. On la voit dans toutes les bibliothèques. Comme les jésuites, les évêques et le Parlement, qui se sentent attaqués, poussent les hauts cris, Louis XV ordonne que l'on en confisque les exemplaires. La veille de la saisie, M. de Malesherbes, chargé de surveiller les publications, fait venir secrètement Diderot et lui propose de cacher les épreuves dans son propre bureau !

Chaque fois que Louis XV cherche quelque renseignement utile, il en parle à madame de Pompadour, la belle amie qui partage sa vie ; elle lui apporte aussitôt l'Encyclopédie. Le souverain qui a ordonné la saisie de cette collection sans égale en devient le plus sincère admirateur. Mais il ne change rien à ses ordres officiels.

Ces idées de l'encyclopédie ne se répandent pas seulement à travers toute la France et dans tous les milieux, elles pénètrent partout en Europe. Pour une raison bien flatteuse : toute l'Europe parle désormais français. Le français a remplacé le latin comme langue utilisée par les ambassadeurs : c'est la « langue diplomatique ». Le roi de Prusse Frédéric II ne veut parler que français. L'impératrice d'Autriche n'écrit à ses enfants qu'en français. C'est ainsi que les philosophes conquièrent le continent. Frédéric II, Catherine II, impératrice de Russie, vivent dans l'admiration et l'amitié de Voltaire ou de Diderot. Partout on se dispute les architectes français. Partout s'élèvent de petit Versailles : en Suède, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Hollande, en Angleterre. Les étrangers accourent à Paris. On les accueille avec cette courtoisie inimitable qui est celle du temps. Ils repartent enthousiastes et, chez eux, se font les propagandistes de la France.

En ce temps-là, s'il est un pays qui se montre vraiment universel, c'est bien la France. Le résultat que les guerres de Louis XIV n'avaient pas atteint, la seule puissance de l'esprit l'a obtenu.

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Ce petit homme gras au visage rouge, ce garçon de douze ans, mince, élancé, d'un joli visage : ce sont le duc d'Orléans, régent du royaume, et le jeune Louis XV qui se promènent dans les allées du château de Versailles.

Ce jour-là, 15 juin 1722, la cour regagne le palais abandonné depuis la mort de Louis XIV. Sept années que l'on a emmené le roi de cinq ans à Vincennes, puis aux Tuileries. Là, l'enfant disait tristement :

-         Mon oncle le régent me fait toujours aller à Saint-Cloud et à Vincennes. D'où vient qu'il ne me mène pas à Versailles et à Trianon ? J'aime tant Trianon !

Il lui a fallu attendre l'approche de son sacre pour que le régent satisfasse ce désir tant de fois exprimé. Désormais, le roi va comme son arrière-grand-père habiter Versailles. Il va s'y marier et c'est là que ses enfants naîtront. Là aussi qu'il gouvernera la France. Là qu'il mourra.

Tous ceux qui s'approchent de ce roi devenu adulte vantent sa beauté. Les peintres le montrent revêtu d'une dignité charmante. A trente ans, on le voit avec des yeux « de velours », un regard très doux qui glisse sous de longs cils. A sa naissance, les médecins ne lui donnaient que quelques temps à vivre. Or, exception faite de maladies auxquelles personne alors n'échappait, il est solide comme un roc. Il doit sans doute cette santé de fer à l'exercice et à la vie au grand air. Il chasse tous les jours et épuise bêtes et gens. Ce sportif est en outre d'une remarquable agilité : il n'est pas rare qu'on le voit se promener sur les toits !

Il aime son peuple. Il voudrait rester toujours celui que les français l'ont baptisé, un jour de 1744, le  Bien-Aimé. Quand un certain Damiens tentera de l'assassiner, il en sera plus déçu qu'inquiet : comment, il y a des gens en France qui ne l'aiment pas ?

 

Dans la première partie de son règne, il a laissé la responsabilité du pouvoir à son ancien précepteur, le cardinal Fleury, homme prudent et pacifique, qui a fort bien conduit les affaires. A la mort de Fleury (1743), le roi a manifesté sa volonté de gouverner personnellement. Dès lors, il travaillera beaucoup, moins que Louis XIV toutefois.

Louis XV séjournait plusieurs heures chaque jour dans son cabinet de travail. Là, dans cette pièce mal éclairée, les rapports s'entassaient sur des tablettes blanches et or. Patiemment, obstinément, le roi venait à bout de sa besogne quotidienne.

Alors que le Roi-Soleil vivait continuellement en représentation, Louis XV estime qu'il a droit à une vie privée. C'est pourquoi il a demandé à l'architecte Gabriel de transformer à Versailles, les pièces qui donnent sur la cour des Cerfs et la cour intérieurs : on les appellera cabinets. Au-dessus de ces pièces, sous les combles, on aménage pour lui les petits appartements.

Quoiqu'il n'aime pas les cérémonies, il se contraint à y  paraître. Il y  consent par raison. Il se montre très curieux, s'intéresse aux inventions, à l'urbanisme, aux travaux publics, aux découvertes de géographie. Il possède un télescope et, en observant les astres, rêve à la petitesse de l'homme. Ce qui lui manque ? L'esprit de décision. Au conseil des ministres, il expose son point de vue, mais en change précipitamment s'il le sent discuté.

 Ce roi, aussi absolu que son prédécesseur, est l'homme le plus timide du royaume. Il n'aime pas les visages inconnus. Il ne se décide à s'adresser aux nouvelles connaissances qu'à la troisième rencontre. Il n'aime pas parler devant une assemblée nombreuse. Nous dirions qu'il a le « trac ». Il se montre si anxieux que les gens le jugent insensible et même stupide. Ce jugement est profondément injuste. Ce roi intelligent a, chose rare, beaucoup de cœur.

Il va lui advenir pourtant quelque chose de bien étrange : sous son règne la France changera davantage qu'en plusieurs siècles. Louis XV va devenir le souverain du « siècle des lumières ».

 

La nouvelle France

 

Un jeune homme de vingt-quatre ans sort de la Bastille, la plus redoutable prison du royaume. Il vient d'y passer un an pour s'être moqué en vers du régent. Par précaution, les vers étaient en latin, mais au début du XVIIIè siècle tout le monde comprend le latin.

Le régent est sans rancune, le jeune homme aussi. Le libéré de la Bastille rencontre le duc d'Orléans et lui dit :

-         Monseigneur, je trouverais très doux que Sa Majesté daignât se charger de ma nourriture, mais je supplie Votre Altesse de ne plus s'occuper de mon logement.

Voilà beaucoup d'esprit, mais aussi beaucoup d'audace. Vous ne vous en étonnerez plus quand vous saurez que ce jeune homme s'appelle François-Marie Arouet et que ce fils de notaire va devenir le plus illustre des écrivains du siècle : Voltaire.

Jamais on n'a vu cela. Jamais un peuple entier n'a montré autant de hâte à apprendre, à connaître. Toutes les classes de la société communient dans la même passion, le même enthousiasme pour les sciences, les lettres, les arts, la philosophie, ou l'art de gouverner.

Voltaire, entre la composition de deux tragédies, de trois libelles – des articles publiés sous forme de brochure – d'un conte et de cent lettres, étudie les mathématiques, passe de longues heures dans son laboratoire de physique et de chimie et fait connaître en France les travaux de Newton sur le mouvement des planètes. Jean-Jacques Rousseau, dont la gloire égale celle de Voltaire, écrit un livre que la France entière va lire, « le contrat social », et fait pleurer toutes les belles femmes du royaume avec son roman « la Nouvelle Héloïse ». Mais en même temps il étudie à fond les mathématiques, l'astronomie, la médecine. Il rédige de très intéressantes « institutions chimiques ». Les gens du XVIIIè siècle sont ainsi : ils s'intéressent à tout.

Louis XV à Versailles n'est jamais parvenu à faire revivre les fastes du palais de son aïeul. Les grands seigneurs paraissent à la cour mais n'y habitent pas. Les écrivains, eux, restent à Paris. Ce n'est plus Versailles qui fait connaître un homme de lettres, ce sont les « salons ».

 

Le siècle des lumières – salons et philosophes

 

Dans cet appartement du Marais, la sonnette tinte à tout instant et le laquais posté à la porte ne cesse de l'ouvrir et de la fermer. Les hommes qui se présentent ne sont pas tous des aristocrates, loin de là. Certains sont vêtus avec une grande simplicité. Les uns et les autres s'avancent vers la plus vaste pièce du logis : le salon. Là les attend la maîtresse de maison qui les accueille le plus gracieusement du monde. C'est cela, l'originalité des salons du XVIIIè siècle : ce sont des femmes qui en font les honneurs.

Elles ont, de par leur intelligence, leur esprit, leur art de recevoir, réuni autour d'elles les hommes les plus brillants de l'époque, ceci dans tous les domaines. Ces femmes sont parfois de très haut rang, d'autres ne cachent pas leur origine bourgeoise, certaines même n'ont que des moyens modestes.

Peu à peu le salon s'est empli. Les hôtes ont pris place sur les canapés, dans les fauteuils, sur des chaises. Les laquais passent des rafraîchissements et, sans attendre, la conversation s'instaure. Elle est à la fois légère et profonde. Vous devez savoir que dans les salons est né le fameux ton du XVIIIè siècle.

Le premier salon, celui de la duchesse du Maine, où l'on a vu Voltaire au milieu de beaucoup d'autres, s'est tenu au château de Sceaux au temps où le duc d'Orléans était régent : on disait simplement « sous la régence ». Un peu plus tard, on s'est mis à « causer » chez la marquise de Lambert, où se sont retrouvés Montesquieu, auteur de « l'esprit des lois », Marivaux, auteur dramatique célèbre et Fontenelle, penseur fameux. Et puis se sont ouverts les salons de Mme de Tencin, de Mme Geoffrin, de Mme du Deffand, de Mme de Lespinasse et de bien d'autres.

Je suis sûr que vous vous posez la question : qu'est-ce donc que tous ces gens ont à se dire tous les soirs ? Car beaucoup d'entre eux passent d'un salon à l'autre et peuvent, s'ils le veulent, se retrouver chaque soir chez des dames différentes. En vérité, dans ces salons on discute avant tout des « idées nouvelles ». Ceux qui les soutiennent sont appelés les philosophes. Au nom de la raison, ils attaquent l'église catholique, s'en prennent aux avantages que donne la naissance – on dit : les privilèges – et défendent aussi bien la tolérance politique et religieuse que la liberté du commerce.

Ces idées-là sont en train de transformer le France. Elles vont être développées dans « l'encyclopédie », une série de dix-sept volumes (plus onze volumes d'illustrations) dont Diderot et d'Alembert dirigent la publication. Tout ce qui compte en France veut lire l'Encyclopédie. On la voit dans toutes les bibliothèques. Comme les jésuites, les évêques et le Parlement, qui se sentent attaqués, poussent les hauts cris, Louis XV ordonne que l'on en confisque les exemplaires.

La veille de la saisie, M. de Malesherbes, chargé de surveiller les publications, fait venir secrètement Diderot et lui propose de cacher les épreuves dans son propre bureau !

Chaque fois que Louis XV cherche quelque renseignement utile, il en parle à madame de Pompadour, la belle amie qui partage sa vie ; elle lui apporte aussitôt l'Encyclopédie. Le souverain qui a ordonné la saisie de cette collection sans égale en devient le plus sincère admirateur. Mais il ne change rien à ses ordres officiels.

Ces idées de l'encyclopédie ne se répandent pas seulement à travers toute la France et dans tous les milieux, elles pénètrent partout en Europe. Pour une raison bien flatteuse : toute l'Europe parle désormais français. Le français a remplacé le latin comme langue utilisée par les ambassadeurs : c'est la « langue diplomatique ». Le roi de Prusse Frédéric II ne veut parler que français. L'impératrice d'Autriche n'écrit à ses enfants qu'en français.

C'est ainsi que les philosophes conquièrent le continent. Frédéric II, Catherine II, impératrice de Russie, vivent dans l'admiration et l'amitié de Voltaire ou de Diderot.

Partout on se dispute les architectes français. Partout s'élèvent de petit Versailles : en Suède, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Hollande, en Angleterre.

Les étrangers accourent à Paris. On les accueille avec cette courtoisie inimitable qui est celle du temps. Ils repartent enthousiastes et, chez eux, se font les propagandistes de la France.

En ce temps-là, s'il est un pays qui se montre vraiment universel, c'est bien la France. Le résultat que les guerres de Louis XIV n'avaient pas atteint, la seule puissance de l'esprit l'a obtenu.