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La France pendant la deuxième guerre mondiale, La fin de la République

L'opération de politique intérieure a été menée de façon expéditive par Pierre Laval grâce à sa connaissance du milieu parlementaire en combinant la séduction et la pression, l'appel au bon sens et le chantage au sentiment. Il était entré dans le gouvernement à l'occasion d'un remaniement le 23juin, avec le titre de vice-président du Conseil. L'ancien chef de gouvernement était mû par une furieuse envie de ressaisir le pouvoir dont il était écarté depuis sa chute en janvier 1936. Avec la signature de l'armistice, il retrouvait ses chances. C'était aussi un patriote qui aimait son pays à sa façon, exempte de tout idéalisme; il pensait, dans les circonstances de juin 1940, ne pas pouvoir rendre à la France de plus grand service qu'en établissant des relations cordiales avec le vainqueur. Il s'était entendu avec Mussolini, avait négocié avec Staline; pourquoi ne traiterait-il pas avec Hitler et ne parviendrait-il pas à un règlement qui sauvegarderait l'essentiel ? Sa confiance dans ses talents de diplomate était immense. Son attachement à la paix, joint à un patriotisme terrien constitue toute son idéologie: Laval n'a rien d'un doctrinaire ni d'un idéaliste; il n'a jamais cru à la Révolution nationale. Au reste c'est la politique étrangère qui l'intéresse : la collaboration en sera l'essentiel. Aussi est-ce à juste titre que son nom reste attaché à la politique de collaboration avec l'Allemagne, sans conviction idéologique, mais dans l'espoir, de plus en plus fallacieux, de réserver à son pays une place convenable dans la nouvelle Europe dominée par le Reich national-socialiste. Pour modifier les institutions, il fallait le concours des parlementaires. L'existence des Chambres est bien oubliée depuis le début de l'offensive allemande: impossible de les réunir dans la débâcle. Les parlementaires sont appelés par radio à rejoindre Vichy. La convocation ne les atteint pas tous: certains ne l'ont pas entendue; quelques-uns sont encore mobilisés ou retenus en zone occupée. Les autres se retrouvent, dans cette ville d'eaux promue au rang de capitale provisoire de la France, quelque 660 sur un total d'un peu moins de 900 parlementaires. Le 9 juillet, les deux Chambres, siégeant séparément, se prononcent à la quasi-unanimité pour la révision constitutionnelle. Le lendemain, 10 juillet le Sénat et la Chambre des députés, réunis en Assemblée nationale, adoptent le texte proposé à leur approbation : L'Assemblée nationale accorde tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain afin de promulguer une nouvelle constitution de l'Etat Français. Cette Constitution devra garantir les droits de la famille, du travail et de la patrie.» Le texte est adopté par une majorité assez exceptionnelle : 560 pour, 80 contre et 20 abstentions, soit près de 85 % des votants et plus des trois cinquièmes du total des parlementaires. Les défenseurs du régime de Vichy ne manqueront pas plus tard de relever que c'est la Chambre de 1936 qui mit ainsi fin à la IIIe République. Le caractère exceptionnel de la situation, la gravité des conséquences que chacun en a tirées ont fait éclater les appartenances habituelles. Des parlementaires de la droite la plus classique ont refusé, en petit nombre, les pouvoirs à Pétain, et des élus de gauche les lui ont accordés par dizaines sans rechigner. Contrairement à une légende, Vichy ne se réduit pas à la droite, pas plus du reste que la Résistance à la gauche : la distinction ne s'applique pas ici. Pas plus que les schémas sociologiques : s'il est une grille qui ne convient pas en la circonstance, c'est bien celle qui se réfère aux catégories sociales. Rien n'est plus faux que les généralités sur le patriotisme des couches populaires ou la trahison des classes dirigeantes : chaque classe a eu ses patriotes et ses traîtres, ses héros et ses lâches. L'armistice et l'acceptation du régime de Vichy ont divisé les partis, les classes, les familles de pensée et jusqu'aux familles naturelles. L'adhésion au Maréchal, l'attentisme, l'engagement dans la Résistance ou la collaboration ont été des choix d'individus, et non des options sur commande ou par discipline. Néanmoins, il était plus facile à un conservateur catholique qu'à un député radical-socialiste de reconnaître que la République avait failli et qu'il fallait changer les institutions. L'Assemblée nationale avait-elle le droit de décider un changement de régime? Personne ne dénie aux Chambres le droit d'apporter des modifications aux textes constitutionnels. Ce serait plutôt l'initiative du Maréchal dans les jours suivants qui dressa l'acte de décès de la IIIe République. Aucun de ceux qui lui accordèrent les pleins pouvoirs ne pouvait se faire d'illusion sur ce qui adviendrait. Surtout, le Parlement avait-il le droit de remettre au « plus illustre des Français» le pouvoir constituant?

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L'opération de politique intérieure a été menée de façon expéditive par Pierre Laval grâce à sa connaissance du milieu parlementaire en combinant la séduction et la pression, l'appel au bon sens et le chantage au sentiment. Il était entré dans le gouvernement à l'occasion d'un remaniement le 23juin, avec le titre de vice-président du Conseil. L'ancien chef de gouvernement était mû par une furieuse envie de ressaisir le pouvoir dont il était écarté depuis sa chute en janvier 1936. Avec la signature de l'armistice, il retrouvait ses chances. C'était aussi un patriote qui aimait son pays à sa façon, exempte de tout idéalisme; il pensait, dans les circonstances de juin 1940, ne pas pouvoir rendre à la France de plus grand service qu'en établissant des relations cordiales avec le vainqueur. Il s'était entendu avec Mussolini, avait négocié avec Staline; pourquoi ne traiterait-il pas avec Hitler et ne parviendrait-il pas à un règlement qui sauvegarderait l'essentiel ? Sa confiance dans ses talents de diplomate était immense. Son attachement à la paix, joint à un patriotisme terrien constitue toute son idéologie: Laval n'a rien d'un doctrinaire ni d'un idéaliste; il n'a jamais cru à la Révolution nationale. Au reste c'est la politique étrangère qui l'intéresse : la collaboration en sera l'essentiel. Aussi est-ce à juste titre que son nom reste attaché à la politique de collaboration avec l'Allemagne, sans conviction idéologique, mais dans l'espoir, de plus en plus fallacieux, de réserver à son pays une place convenable dans la nouvelle Europe dominée par le Reich national-socialiste.

Pour modifier les institutions, il fallait le concours des parlementaires. L'existence des Chambres est bien oubliée depuis le début de l'offensive allemande: impossible de les réunir dans la débâcle. Les parlementaires sont appelés par radio à rejoindre Vichy. La convocation ne les atteint pas tous: certains ne l'ont pas entendue; quelques-uns sont encore mobilisés ou retenus en zone occupée. Les autres se retrouvent, dans cette ville d'eaux promue au rang de capitale provisoire de la France, quelque 660 sur un total d'un peu moins de 900 parlementaires.

Le 9 juillet, les deux Chambres, siégeant séparément, se prononcent à la quasi-unanimité pour la révision constitutionnelle. Le lendemain, 10 juillet le Sénat et la Chambre des députés, réunis en Assemblée nationale, adoptent le texte proposé à leur approbation :

L'Assemblée nationale accorde tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain afin de promulguer une nouvelle constitution de l'Etat Français. Cette Constitution devra garantir les droits de la famille, du travail et de la patrie.»

Le texte est adopté par une majorité assez exceptionnelle : 560 pour, 80 contre et 20 abstentions, soit près de 85 % des votants et plus des trois cinquièmes du total des parlementaires.

Les défenseurs du régime de Vichy ne manqueront pas plus tard de relever que c'est la Chambre de 1936 qui mit ainsi fin à la IIIe République. Le caractère exceptionnel de la situation, la gravité des conséquences que chacun en a tirées ont fait éclater les appartenances habituelles. Des parlementaires de la droite la plus classique ont refusé, en petit nombre, les pouvoirs à Pétain, et des élus de gauche les lui ont accordés par dizaines sans rechigner. Contrairement à une légende, Vichy ne se réduit pas à la droite, pas plus du reste que la Résistance à la gauche : la distinction ne s'applique pas ici. Pas plus que les schémas sociologiques : s'il est une grille qui ne convient pas en la circonstance, c'est bien celle qui se réfère aux catégories sociales. Rien n'est plus faux que les généralités sur le patriotisme des couches populaires ou la trahison des classes dirigeantes : chaque classe a eu ses patriotes et ses traîtres, ses héros et ses lâches. L'armistice et l'acceptation du régime de Vichy ont divisé les partis, les classes, les familles de pensée et jusqu'aux familles naturelles. L'adhésion au Maréchal, l'attentisme, l'engagement dans la Résistance ou la collaboration ont été des choix d'individus, et non des options sur commande ou par discipline. Néanmoins, il était plus facile à un conservateur catholique qu'à un député radical-socialiste de reconnaître que la République avait failli et qu'il fallait changer les institutions.

L'Assemblée nationale avait-elle le droit de décider un changement de régime? Personne ne dénie aux Chambres le droit d'apporter des modifications aux textes constitutionnels. Ce serait plutôt l'initiative du Maréchal dans les jours suivants qui dressa l'acte de décès de la IIIe République.

Aucun de ceux qui lui accordèrent les pleins pouvoirs ne pouvait se faire d'illusion sur ce qui adviendrait. Surtout, le Parlement avait-il le droit de remettre au « plus illustre des Français»  le pouvoir constituant?