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La France pendant la deuxième guerre mondiale, La drôle de guerre a sa logique

La drôle de guerre avait pourtant ses raisons : une logique présidait à son choix, qui résultait du croisement entre les enseignements de la guerre précédente et l'analyse des données nouvelles. Politiques et militaires avaient gardé de 1914-1918 la conviction qu'il était impossible de percer le front ennemi : n'avait-il pas fallu attendre quatre ans avant de pouvoir rompre les lignes allemandes et reprendre la guerre de mouvement? Or, depuis, les systèmes défensifs s'étaient encore renforcés avec la construction de lignes fortifiées continues formées d'ouvrages bétonnés à l'épreuve des bombardements les plus violents: on estimait que le mur de l'Ouest, la ligne Siegfried, édifiée par l'Allemagne depuis la réoccupation de la rive gauche du Rhin, bien que construite hâtivement, n'était franchissable qu'au prix de pertes considérables. Comme il était exclu, que l'armée française tourne l'obstacle en passant par les États voisins, elle en était réduite à attendre qu'une issue vienne d'ailleurs. La doctrine de l'état-major, qui accordait au feu l'avantage sur le mouvement et dictait une stratégie défensive, était en harmonie avec les sentiments de chacun : il fallait à tout prix ménager le sang français; pour rien au monde on ne devait revoir les hémorragies de 1914-1918. Une sorte d'instinct vital commandait d'éviter la répétition de ces affrontements sanglants avec l'obscure prescience que la nation ne survivrait pas comme une puissance à une seconde perte de substance analogue en un si court délai. La France, pour avoir préféré la cuirasse à l'épée et le bouclier à la lance, était condamnée à l'attente. A ces considérations s'ajoutait un argument positif: la France et la Grande-Bretagne disposaient sur l'Allemagne d'une supériorité potentielle, mais il leur fallait du temps pour l'exploiter. Hitler s'était assuré un avantage momentané en réarmant le premier: les Alliés avaient un retard à combler et avaient besoin de temps. A la tête de vastes Empires, riches en ressources, ayant des réserves d'or, à même de tirer parti de la liberté des mers et de puiser à pleines mains dans l'arsenal de l'économie américaine, disposant des premières marines du monde, adossées à l'Océan, France et Grande-Bretagne renverseraient en quelques années la balance des forces jusqu'à ce que leur supériorité, devenue écrasante, entraîne la capitulation du IIIe Reich comme un fruit mûr. Renonçant à défaire la puissance allemande par les armes, on comptait sur le blocus pour en venir à bout. Sur ce point aussi le souvenir de la guerre précédente pesait : le blocus avait eu une part dans l'effondrement de l'Allemagne. Il serait, cette fois, l'arme décisive. L'Allemagne n'ayant pas d'Empire, ne trouvant pas sur son sol une part suffisante des ressources et des matières indispensables à la guerre moderne, il suffirait de couper les voies de son approvisionnement et de l'encercler. Faute de pouvoir l'attaquer de front, il fallait exercer une pression sur les neutres pour les contraindre à participer au blocus : par exemple sur les États scandinaves pour tarir le transport du fer suédois, indispensable à la métallurgie allemande et qui transitait pendant l'hiver par le nord de la Norvège. Curieusement, cette stratégie, qui excluait toute opération sur le front principal contre l'ennemi, appelait des actions offensives aux ailes. Le succès de cette stratégie fondée sur la durée supposait que l'opinion des démocraties se lasserait moins vite que le peuple allemand. C'est donc à forger un moral de vainqueur que tend la propagande officielle : avant même le début des hostilités a été institué un Haut-commissariat à la Propagande confié à l'écrivain Jean Giraudoux qui met son talent au service des thèmes de la supériorité des Alliés. De grandes affiches sur les murs représentent un planisphère avec les immenses étendues des deux Empires. Le slogan martelé par la propagande, «Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », dont on se moquera amèrement plus tard, visait à insuffler la confiance dans le succès assuré de nos armes.

Cette stratégie, dont la cohérence était impeccable, ne comportait qu'une faille, mais de taille : elle ne tenait pas compte du changement apporté par le rapprochement du Reich avec l'U.R.S.S., qui lui fournit pendant quelques mois tout le pétrole et les matières premières dont il avait besoin. Comment fermer la brèche faite au blocus? L'état-major, au lieu de réviser l'ensemble de sa stratégie, échafauda alors des plans dont l'irréalisme confond : on songe à une attaque des puits de pétrole de Bakou à partir du Levant. Une autre possibilité se dessine à l'extrême nord. Staline, profitant de ce que les autres puissances sont occupées, attaque, le 30 novembre 1939, la Finlande. La disparité entre le petit peuple et l'immense Russie suscite un vif mouvement de sympathie pour la résistance finnoise. Or la puissante machine de guerre soviétique patine et paraît incapable de venir à bout de la ténacité des soldats du maréchal Mannerheim. Ne serait-ce pas l'occasion, en portant assistance à la Finlande, de monter contre l'Union soviétique une offensive qui la prendrait en tenaille à partir du Proche-Orient et de Mourmansk pour refermer le blocus et achever d'encercler l'adversaire principal? L'ouverture soudaine de pourparlers entre l'U.R.S.S. et la Finlande, qui aboutirent le 1l mars à la signature d'un armistice, bientôt suivi d'un traité, coupa court à ces chimères. Mais l'impuissance de l'Armée Rouge à triompher d'un minuscule adversaire avait confirmé les anticommunistes dans leur conviction que l'U.R.S.S. était un colosse aux pieds d'argile et qu'ils avaient été bien inspirés de se refuser à fonder la sécurité de la France sur une alliance avec elle. L'initiative prise à la fin de mars en direction de la Norvège, qui put sur le moment passer pour un coup de tête, était la déduction logique de ces options. La stratégie de cette guerre insolite, qui consistait à gagner la guerre sans la faire vraiment, comportait un autre germe de faiblesse: elle supposait que l'Allemagne attendît que le blocus ait produit ses effets destructeurs. Elle impliquait aussi que le moral des Alliés ne fût point miné par l'inaction. Sa faiblesse intrinsèque était, en somme, de laisser l'initiative à Hitler, dont les actions antérieures avaient assez montré qu'il avait l'art de surprendre l'adversaire. A l'intérieur aussi, la drôle de guerre caractérise une situation insolite: ce n'est plus la paix, ce n'est pas non plus tout à fait la guerre. Dans les premiers temps, tout paraît se passer comme prévu. Le 2 septembre, le Parlement, réuni exceptionnellement, a voté les 70 milliards de crédits extraordinaires dont le gouvernement a justifié la demande par la nécessité de «faire face aux obligations internationales », formule ambiguë qui désigne l'entrée en guerre. Les Chambres sont ensuite mises en vacances. La vie politique est anémiée : partis et syndicats sont désorganisés par la mobilisation, leurs directions décapitées. La censure contrôle l'ensemble de l'information, presse et radio. Paul Reynaud adapte la politique économique aux nécessités d'une guerre longue où la maîtrise des finances publiques est une arme essentielle. Sans rompre complètement avec l'inspiration libérale, il prend des mesures pour éviter une poussée d'inflation: freinage de la circulation monétaire, augmentation de la fiscalité, lancement d'emprunts auxquels on invite à souscrire par patriotisme - une affiche représente un marin qui observe l'horizon: «II veille; souscrivez.» L'opinion fait confiance au gouvernement et à son chef qui a opéré un remaniement pour élargir son assise parlementaire : elle ignore les intrigues du personnel politique. Les quelques parlementaires qui s'opposaient à l'entrée en guerre n'ont pu s'exprimer le 2 septembre. La trentaine d'intellectuels qui ont donné leur signature au manifeste Paix immédiate rédigé par l'anarchiste Louis Lecoin et dont les plus connus s'appellent Jean Giono et Alain, sont poursuivis quand ils ne se rétractent pas. Les milieux de droite, qui étaient hostiles à une guerre dont ils soupçonnaient qu'elle était désirée par Staline, retrouvent leurs positions traditionnelles antigermaniques. Le pays ne doute ni de la justesse de sa cause ni de l'issue victorieuse du conflit; le souvenir de 1918 lui inspire une absolue confiance dans la victoire de nos armes.

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La drôle de guerre avait pourtant ses raisons : une logique présidait à son choix, qui résultait du croisement entre les enseignements de la guerre précédente et l'analyse des données nouvelles. Politiques et militaires avaient gardé de 1914-1918 la conviction qu'il était impossible de percer le front ennemi : n'avait-il pas fallu attendre quatre ans avant de pouvoir rompre les lignes allemandes et reprendre la guerre de mouvement? Or, depuis, les systèmes défensifs s'étaient encore renforcés avec la construction de lignes fortifiées continues formées d'ouvrages bétonnés à l'épreuve des bombardements les plus violents: on estimait que le mur de l'Ouest, la ligne Siegfried, édifiée par l'Allemagne depuis la réoccupation de la rive gauche du Rhin, bien que construite hâtivement, n'était franchissable qu'au prix de pertes considérables. Comme il était exclu, que l'armée française tourne l'obstacle en passant par les États voisins, elle en était réduite à attendre qu'une issue vienne d'ailleurs. La doctrine de l'état-major, qui accordait au feu l'avantage sur le mouvement et dictait une stratégie défensive, était en harmonie avec les sentiments de chacun : il fallait à tout prix ménager le sang français; pour rien au monde on ne devait revoir les hémorragies de 1914-1918. Une sorte d'instinct vital commandait d'éviter la répétition de ces affrontements sanglants avec l'obscure prescience que la nation ne survivrait pas comme une puissance à une seconde perte de substance analogue en un si court délai. La France, pour avoir préféré la cuirasse à l'épée et le bouclier à la lance, était condamnée à l'attente.

A ces considérations s'ajoutait un argument positif: la France et la Grande-Bretagne disposaient sur l'Allemagne d'une supério­rité potentielle, mais il leur fallait du temps pour l'exploiter. Hitler s'était assuré un avantage momentané en réarmant le premier: les Alliés avaient un retard à combler et avaient besoin de temps. A la tête de vastes Empires, riches en ressources, ayant des réserves d'or, à même de tirer parti de la liberté des mers et de puiser à pleines mains dans l'arsenal de l'économie américaine, disposant des premières marines du monde, adossées à l'Océan, France et Grande-Bretagne renverseraient en quelques années la balance des forces jusqu'à ce que leur supériorité, devenue écrasante, entraîne la capitulation du IIIe Reich comme un fruit mûr. Renonçant à défaire la puissance allemande par les armes, on comptait sur le blocus pour en venir à bout. Sur ce point aussi le souvenir de la guerre précédente pesait : le blocus avait eu une part dans l'effondrement de l'Allemagne. Il serait, cette fois, l'arme déci­sive. L'Allemagne n'ayant pas d'Empire, ne trouvant pas sur son sol une part suffisante des ressources et des matières indispensables à la guerre moderne, il suffirait de couper les voies de son approvisionnement et de l'encercler. Faute de pouvoir l'atta­quer de front, il fallait exercer une pression sur les neutres pour les contraindre à participer au blocus : par exemple sur les États scandinaves pour tarir le transport du fer suédois, indispensable à la métallurgie allemande et qui transitait pendant l'hiver par le nord de la Norvège. Curieusement, cette stratégie, qui excluait toute opération sur le front principal contre l'ennemi, appelait des actions offensives aux ailes.

Le succès de cette stratégie fondée sur la durée supposait que l'opinion des démocraties se lasserait moins vite que le peuple allemand. C'est donc à forger un moral de vainqueur que tend la propagande officielle : avant même le début des hostilités a été institué un Haut-commissariat à la Propagande confié à l'écrivain Jean Giraudoux qui met son talent au service des thèmes de la supériorité des Alliés. De grandes affiches sur les murs repré­sentent un planisphère avec les immenses étendues des deux Empires. Le slogan martelé par la propagande, «Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », dont on se moquera amèrement plus tard, visait à insuffler la confiance dans le succès assuré de nos armes.

Cette stratégie, dont la cohérence était impeccable, ne com­portait qu'une faille, mais de taille : elle ne tenait pas compte du changement apporté par le rapprochement du Reich avec l'U.R.S.S., qui lui fournit pendant quelques mois tout le pétrole et les matières premières dont il avait besoin. Comment fermer la brèche faite au blocus? L'état-major, au lieu de réviser l'ensemble de sa stratégie, échafauda alors des plans dont l'irréalisme confond : on songe à une attaque des puits de pétrole de Bakou à partir du Levant. Une autre possibilité se dessine à l'extrême nord. Staline, profitant de ce que les autres puissances sont occupées, attaque, le 30 novembre 1939, la Finlande. La disparité entre le petit peuple et l'immense Russie suscite un vif mouvement de sympathie pour la résistance finnoise. Or la puissante machine de guerre soviétique patine et paraît incapable de venir à bout de la ténacité des soldats du maréchal Mannerheim. Ne serait-ce pas l'occasion, en portant assistance à la Finlande, de monter contre l'Union soviétique une offensive qui la prendrait en tenaille à partir du Proche-Orient et de Mourmansk pour refermer le blocus et achever d'encercler l'adversaire principal? L'ouverture sou­daine de pourparlers entre l'U.R.S.S. et la Finlande, qui aboutirent le 1l mars à la signature d'un armistice, bientôt suivi d'un traité, coupa court à ces chimères. Mais l'impuissance de l'Armée Rouge à triompher d'un minuscule adversaire avait confirmé les anticom­munistes dans leur conviction que l'U.R.S.S. était un colosse aux pieds d'argile et qu'ils avaient été bien inspirés de se refuser à fonder la sécurité de la France sur une alliance avec elle. L'initiative prise à la fin de mars en direction de la Norvège, qui put sur le moment passer pour un coup de tête, était la déduction logique de ces options.

La stratégie de cette guerre insolite, qui consistait à gagner la guerre sans la faire vraiment, comportait un autre germe de faiblesse: elle supposait que l'Allemagne attendît que le blocus ait produit ses effets destructeurs. Elle impliquait aussi que le moral des Alliés ne fût point miné par l'inaction. Sa faiblesse intrinsèque était, en somme, de laisser l'initiative à Hitler, dont les actions antérieures avaient assez montré qu'il avait l'art de surprendre l'adversaire.

A l'intérieur aussi, la drôle de guerre caractérise une situation insolite: ce n'est plus la paix, ce n'est pas non plus tout à fait la guerre. Dans les premiers temps, tout paraît se passer comme prévu. Le 2 septembre, le Parlement, réuni exceptionnellement, a voté les 70 milliards de crédits extraordinaires dont le gouver­nement a justifié la demande par la nécessité de «faire face aux obligations internationales », formule ambiguë qui désigne l'entrée en guerre. Les Chambres sont ensuite mises en vacances. La vie politique est anémiée : partis et syndicats sont désorganisés par la mobilisation, leurs directions décapitées. La censure contrôle l'ensemble de l'information, presse et radio.

Paul Reynaud adapte la politique économique aux nécessités d'une guerre longue où la maîtrise des finances publiques est une arme essentielle. Sans rompre complètement avec l'inspiration libérale, il prend des mesures pour éviter une poussée d'inflation: freinage de la circulation monétaire, augmentation de la fiscalité, lancement d'emprunts auxquels on invite à souscrire par patrio­tisme - une affiche représente un marin qui observe l'horizon: «II veille; souscrivez.» L'opinion fait confiance au gouvernement et à son chef qui a opéré un remaniement pour élargir son assise parlementaire : elle ignore les intrigues du personnel politique. Les quelques parlementaires qui s'opposaient à l'entrée en guerre n'ont pu s'exprimer le 2 septembre. La trentaine d'intellectuels qui ont donné leur signature au manifeste Paix immédiate rédigé par l'anarchiste Louis Lecoin et dont les plus connus s'appellent Jean Giono et Alain, sont poursuivis quand ils ne se rétractent pas.

Les milieux de droite, qui étaient hostiles à une guerre dont ils soupçonnaient qu'elle était désirée par Staline, retrouvent leurs positions traditionnelles antigermaniques. Le pays ne doute ni de la justesse de sa cause ni de l'issue victorieuse du conflit; le souvenir de 1918 lui inspire une absolue confiance dans la victoire de nos armes.