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En Chine, Les costumes, I

Les costumes, I

Un riche commerçant de Canton a eu l'ingénieuse idée d'installer dans son palais un musée de mannequins revêtus des différents costumes en usage dans toutes les classes sociales de l'Empire. Il nous a été permis de visiter ce musée, et grâce à ces personnages, si bien imités qu'on peut les croire vivants, nous avons pu nous faire une idée exacte des différents aspects d'une population chinoise. On aperçoit d'abord des outils que nous pourrons nous imaginer mis en mouvement sous la main de ces divers travailleurs par qui et pour qui ils ont été faits. Voici un paysan qui pousse une charrue d'une forme primitive. Il en connaît le mécanisme et sait la guider à travers les champs ou les rizières, après y avoir attelé des buffles gris, forts et trapus, des mulets, des ânes ou même des chiens.

Ces ouvriers mettent en activité ce métier à tisser d'aspect bizarre sur lequel sont tendus des fils d'azur; ce soldat manoeuvrerait aisément ces longs sabres tandis que ces jeunes élégants se promèneraient en se dandinant, marchandant ces boules d'ivoire, ces pipes, ces éventails, maniant les jades sculptés, les fleurs de cristal de roche, palpant les étoffes, heurtant de l'ongle, en connaisseurs, les flancs rebondis et sonores des porcelaines, et que les beaux mandarins ventrus et majestueux se reposeraient assis dans les larges sièges taillés pour eux par les ébénistes de Ning-po ou de Canton. Voici justement un personnage d'un haut grade, sur un tabouret de porcelaine, ce qui, sans l'offenser, nous permettra de l'examiner tout à notre aise. Cherchons d'abord quel est le globule qui orne sa coiffure pour savoir tout de suite à quoi nous en tenir sur sa dignité. C'est le bouton de corail rouge. Saluons très bas, et soyons heureux de n'être point Chinois, car il nous faudrait accomplir en son honneur le Ko-teon, c'est-à-dire nous prosterner et frapper la terre du front. Ce globule rouge indique un mandarin de second rang. Il n'y a plus au dessus de lui que le globule de rubis. Voyons encore quel est l'animal brodé sur le plastron qui retombe sur la poitrine de ce seigneur, et nous serons complètement renseignés sur son état social: un lion. Nous sommes en présence d'un mandarin militaire; un mandarin civil aurait sur la poitrine un faisan doré. L'agrafe de sa ceinture doit être en or enrichi de diamants, son collier en perles de corail et de jade vert: c'est bien cela; de plus, il a deux dragons d'or brodés sur le large collet de satin noir qui recouvre ses épaules, et les manches de sa robe de soie sont beaucoup plus longues que les bras, et se terminent en forme de sabot de cheval, ce qui est très grand genre. Prenons congé de cet imposant dignitaire avec tous les égards qui lui sont dus et approchons-nous d'un de ses voisins, lequel, absorbé dans la lecture d'un livre de morale, ne fera pas attention à nous. Il trouve, à ce qu'il paraît, notre climat un peu frais, car il porte des bottes fourrées, et sa robe est entièrement doublée d'astrakan blanc. Celui-ci est un mandarin de troisième rang; il a le globule de saphir sur sa calotte, et un paon brodé sur le pectoral, c'est un civil: un léopard ornerait la poitrine d'un guerrier de ce rang; peut-être a-t-il conquis un grade dans les lettres, peut-être fait-il partie de la forêt des mille pinceaux, de cette illustre académie des Han-Lin, dans laquelle on n'est admis qu'après avoir triomphé des plus rudes épreuves. En ce cas, nous le saluerions avec plus de respect encore que nous n'en témoignions tout à l'heure à son compagnon, bien que ce dernier lui soit supérieur hiérarchiquement. Le lecteur ignore peut-être qu'il y a neuf degrés dans la hiérarchie civile et militaire de kouen, que nous nommons mandarins—un mot d'origine portugaise—et que chaque grade a ses insignes: le globule (ting-tsen), le pectoral (pou-fou), et l'agrafe de la ceinture, dont la matière et l'ornementation sont déterminées. Les kouen du premier rang portent le globule de rubis, l'agrafe d'agate; ils ont sur la poitrine une cigogne aux ailes ouvertes, ou bien la licorne marine, s'ils sont chefs guerriers. Nous avons vu quels sont les insignes des mandarins de second et de troisièmes rangs. Le quatrième grade porte le bouton bleu opaque, l'agrafe d'or ciselé ornementée d'argent, sur le pectoral la grue ou le tigre. Le globule de cristal appartient au cinquième degré, avec le fermoir d'or plein agrémenté d'argent, et le faisan argenté sur le plastron remplacé par un ours pour les militaires. Le sixième degré est désigné par le bouton blanc opaque, l'agrafe de nacre, l'aigrette brodée sur la poitrine, ou la face de tigre pour les soldats. On reconnaît les kouen du septième grade au globule d'or plein, à la ceinture retenue par un fermoir d'argent, à la perdrix brodée sur la soie du pectoral, laquelle lève une patte, pour indiquer l'intention de monter: un rhinocéros remplace la perdrix sur la poitrine des guerriers; ceux du huitième ont le bouton d'or ciselé, l'agrafe de corne, pour broderie la caille ou le rhinocéros; et enfin le neuvième degré est reconnu au bouton d'or strié, au fermoir en corne de buffle, au passereau ou au morse figuré sur le pectoral. Comme on le voit, les oiseaux ne décorent que la poitrine des mandarins civils, les quadrupèdes sont réservés aux guerriers, ce qui semble indiquer pour les premiers une sorte de priorité dans l'égalité même, la bête ailée étant évidemment plus noble que l'animal attaché à la terre. En effet, dans les cérémonies officielles le mandarin civil a le pas sur le mandarin militaire du même rang. La raison de cette inégalité est sans doute l'infériorité littéraire du guerrier, moins versé en général dans les choses de l'esprit et, on le sait, la première gloire d'un Chinois est d'être un lettré. Aussi faut-il pour gravir le moindre degré de l'échelle hiérarchique, avoir préalablement obtenu un grade littéraire dans les examens publics, auxquels tout le monde peut librement concourir. Le personnage vêtu de noir, qui se tient debout à quelques pas du mandarin, à bouton de saphir, n'est lui, qu'un simple particulier. Il porte le costume de tout le monde, sans insignes ni décorations, la robe descendant un peu au-dessus de la cheville, la veste courte à larges manches servant de poches et de manchon, et la petite calotte ronde sur laquelle s'éparpille un gland de soie rouge ou noire. Le costume d'un gommeux du pays serait taillé dans des étoffes plus précieuses, crêpe, soie ou satin. Les manches se termineraient en sabot de cheval; ses chaussures aux larges semelles de feutre blanc, seraient ornées de soutache et de broderies, et l'on verrait pendre à la ceinture tout un arsenal de bibelots, pipes, briquet, bourse à tabac, cure-dents, éventail dans son étui parfumé de tchou-lan; mais le personnage, que nous avons sous les yeux, ne se pique pas d'élégance ni de coquetterie; son costume est des plus modestes et il a sur le nez une de ces mirifiques paires de lunettes aux vitres rondes encadrées de bois noir, qui donnent une si comique physionomie aux Chinois qui s'en affublent. Ces lunettes ne doivent pas rendre d'ailleurs de bien grands services à la vue, car elles sont d'une fabrication très imparfaite. Les Chinois ne connaissent que depuis peu les lunettes en verre; celles qu'ils emploient le plus communément sont formées de deux petites plaques en cristal de roche dont l'opticien modifie l'épaisseur par le moyen du tour, afin de l'accommoder aux yeux du myope ou du presbyte.

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Les costumes, I The costumes, I

Un riche commerçant de Canton a eu l'ingénieuse idée d'installer dans son palais un musée de mannequins revêtus des différents costumes en usage dans toutes les classes sociales de l'Empire. Il nous a été permis de visiter ce musée, et grâce à ces personnages, si bien imités qu'on peut les croire vivants, nous avons pu nous faire une idée exacte des différents aspects d'une population chinoise. On aperçoit d'abord des outils que nous pourrons nous imaginer mis en mouvement sous la main de ces divers travailleurs par qui et pour qui ils ont été faits. Voici un paysan qui pousse une charrue d'une forme primitive. Il en connaît le mécanisme et sait la guider à travers les champs ou les rizières, après y avoir attelé des buffles gris, forts et trapus, des mulets, des ânes ou même des chiens.

Ces ouvriers mettent en activité ce métier à tisser d'aspect bizarre sur lequel sont tendus des fils d'azur; ce soldat manoeuvrerait aisément ces longs sabres tandis que ces jeunes élégants se promèneraient en se dandinant, marchandant ces boules d'ivoire, ces pipes, ces éventails, maniant les jades sculptés, les fleurs de cristal de roche, palpant les étoffes, heurtant de l'ongle, en connaisseurs, les flancs rebondis et sonores des porcelaines, et que les beaux mandarins ventrus et majestueux se reposeraient assis dans les larges sièges taillés pour eux par les ébénistes de Ning-po ou de Canton. Voici justement un personnage d'un haut grade, sur un tabouret de porcelaine, ce qui, sans l'offenser, nous permettra de l'examiner tout à notre aise. Cherchons d'abord quel est le globule qui orne sa coiffure pour savoir tout de suite à quoi nous en tenir sur sa dignité. C'est le bouton de corail rouge. Saluons très bas, et soyons heureux de n'être point Chinois, car il nous faudrait accomplir en son honneur le Ko-teon, c'est-à-dire nous prosterner et frapper la terre du front. Ce globule rouge indique un mandarin de second rang. Il n'y a plus au dessus de lui que le globule de rubis. Voyons encore quel est l'animal brodé sur le plastron qui retombe sur la poitrine de ce seigneur, et nous serons complètement renseignés sur son état social: un lion. Nous sommes en présence d'un mandarin militaire; un mandarin civil aurait sur la poitrine un faisan doré. L'agrafe de sa ceinture doit être en or enrichi de diamants, son collier en perles de corail et de jade vert: c'est bien cela; de plus, il a deux dragons d'or brodés sur le large collet de satin noir qui recouvre ses épaules, et les manches de sa robe de soie sont beaucoup plus longues que les bras, et se terminent en forme de sabot de cheval, ce qui est très grand genre. Prenons congé de cet imposant dignitaire avec tous les égards qui lui sont dus et approchons-nous d'un de ses voisins, lequel, absorbé dans la lecture d'un livre de morale, ne fera pas attention à nous. Il trouve, à ce qu'il paraît, notre climat un peu frais, car il porte des bottes fourrées, et sa robe est entièrement doublée d'astrakan blanc. Celui-ci est un mandarin de troisième rang; il a le globule de saphir sur sa calotte, et un paon brodé sur le pectoral, c'est un civil: un léopard ornerait la poitrine d'un guerrier de ce rang; peut-être a-t-il conquis un grade dans les lettres, peut-être fait-il partie de la forêt des mille pinceaux, de cette illustre académie des Han-Lin, dans laquelle on n'est admis qu'après avoir triomphé des plus rudes épreuves. En ce cas, nous le saluerions avec plus de respect encore que nous n'en témoignions tout à l'heure à son compagnon, bien que ce dernier lui soit supérieur hiérarchiquement. Le lecteur ignore peut-être qu'il y a neuf degrés dans la hiérarchie civile et militaire de kouen, que nous nommons mandarins—un mot d'origine portugaise—et que chaque grade a ses insignes: le globule (ting-tsen), le pectoral (pou-fou), et l'agrafe de la ceinture, dont la matière et l'ornementation sont déterminées. Les kouen du premier rang portent le globule de rubis, l'agrafe d'agate; ils ont sur la poitrine une cigogne aux ailes ouvertes, ou bien la licorne marine, s'ils sont chefs guerriers. Nous avons vu quels sont les insignes des mandarins de second et de troisièmes rangs. Le quatrième grade porte le bouton bleu opaque, l'agrafe d'or ciselé ornementée d'argent, sur le pectoral la grue ou le tigre. Le globule de cristal appartient au cinquième degré, avec le fermoir d'or plein agrémenté d'argent, et le faisan argenté sur le plastron remplacé par un ours pour les militaires. Le sixième degré est désigné par le bouton blanc opaque, l'agrafe de nacre, l'aigrette brodée sur la poitrine, ou la face de tigre pour les soldats. On reconnaît les kouen du septième grade au globule d'or plein, à la ceinture retenue par un fermoir d'argent, à la perdrix brodée sur la soie du pectoral, laquelle lève une patte, pour indiquer l'intention de monter: un rhinocéros remplace la perdrix sur la poitrine des guerriers; ceux du huitième ont le bouton d'or ciselé, l'agrafe de corne, pour broderie la caille ou le rhinocéros; et enfin le neuvième degré est reconnu au bouton d'or strié, au fermoir en corne de buffle, au passereau ou au morse figuré sur le pectoral. Comme on le voit, les oiseaux ne décorent que la poitrine des mandarins civils, les quadrupèdes sont réservés aux guerriers, ce qui semble indiquer pour les premiers une sorte de priorité dans l'égalité même, la bête ailée étant évidemment plus noble que l'animal attaché à la terre. En effet, dans les cérémonies officielles le mandarin civil a le pas sur le mandarin militaire du même rang. La raison de cette inégalité est sans doute l'infériorité littéraire du guerrier, moins versé en général dans les choses de l'esprit et, on le sait, la première gloire d'un Chinois est d'être un lettré. Aussi faut-il pour gravir le moindre degré de l'échelle hiérarchique, avoir préalablement obtenu un grade littéraire dans les examens publics, auxquels tout le monde peut librement concourir. Le personnage vêtu de noir, qui se tient debout à quelques pas du mandarin, à bouton de saphir, n'est lui, qu'un simple particulier. Il porte le costume de tout le monde, sans insignes ni décorations, la robe descendant un peu au-dessus de la cheville, la veste courte à larges manches servant de poches et de manchon, et la petite calotte ronde sur laquelle s'éparpille un gland de soie rouge ou noire. Le costume d'un gommeux du pays serait taillé dans des étoffes plus précieuses, crêpe, soie ou satin. Les manches se termineraient en sabot de cheval; ses chaussures aux larges semelles de feutre blanc, seraient ornées de soutache et de broderies, et l'on verrait pendre à la ceinture tout un arsenal de bibelots, pipes, briquet, bourse à tabac, cure-dents, éventail dans son étui parfumé de tchou-lan; mais le personnage, que nous avons sous les yeux, ne se pique pas d'élégance ni de coquetterie; son costume est des plus modestes et il a sur le nez une de ces mirifiques paires de lunettes aux vitres rondes encadrées de bois noir, qui donnent une si comique physionomie aux Chinois qui s'en affublent. Ces lunettes ne doivent pas rendre d'ailleurs de bien grands services à la vue, car elles sont d'une fabrication très imparfaite. Les Chinois ne connaissent que depuis peu les lunettes en verre; celles qu'ils emploient le plus communément sont formées de deux petites plaques en cristal de roche dont l'opticien modifie l'épaisseur par le moyen du tour, afin de l'accommoder aux yeux du myope ou du presbyte.