Interview, le saxophoniste classique, Marcel Mule 4
Interviewer : Est-ce que vous vous rappelez de la création du "Boléro" de Ravel? Mule : Ah oui.
Interviewer : En 1928... Mule : Ça, c'était en 28, 29. Oui. Là, oui, j'ai joué le "Boléro" avec le vibrato. Interviewer : Mais alors, pouvez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé exactement? Parce que sur la partition, c'est marqué sopranino en fa... Mule : Ça, j'ai jamais... Vous savez que Ravel... on lui parlait difficilement parce qu'il était assez...fermé, ça. On n'avait pas l'occasion de lui parler beaucoup. Alors quand il venait, là il ne disait rien. Il aurait fallu lui demander pourquoi. Quand j'ai vu la partition avec euh...la partie saxophone avec trois, trois instruments, il y avait le sopranino en fa, d'après lui Interviewer : ...qui n'existe pas. Mule : Moi, je ne l'ai jamais vu, en tout cas. Mais il y avait de des instruments en fa dans...dans l'Europe Central, certainement parce que je me rappelle avoir une chose d'un compositeur, dont je ne me rappelle même pas le nom, mais il l' y avait mis un saxophone alto en fa. Bon. C'est dire qu'il était...il voyait un saxophone en fa comme les...comme les cors, j'sais pas, enfin bon. Et.... il avait mis donc une partie ah...un sopranino en fa, mais sopranino en fa il ne pouvait pas faire toutes les...tout le thème, c'était pas possible. Il y avait le grave, il ne pouvait pas faire. Il avait ajouté un saxophone soprano en si bémol. Bon. Alors, comme c'était le thème complet, moi j'ai jamais joué au sopranino qui soit en mi bémol ou en fa, j'en ai pas joué. J'ai toujours joué ça à la création, à l'Opéra puisque ça a été créé à l'Opéra. J'ai toujours joué au soprano. Et personne n'a jamais rien dit. Interviewer : Même Ravel?
Mule : Lui-même n'a rien dit! C'est donc, je pense c'était une erreur, moi, de sa part, je crois. c'est bizarre d'ailleurs pour lui. Bon. On n'ose pas dire qu'il a fait une erreur... (sourire) C'était un orchestrateur. Malgré tout, il man...il maniait pas le saxophone comme les autres instruments. Il n'avait pas l'occasion. Alors, comme il n'a jamais rien dit et c'était plus logique comme nous jouions... quand même, on n'imagine pas le trombone, par exemple, commençant par une trompette, bon puis la partie grave faite par le trombone. Il n'y a pas de raison. Interviewer : Et vous avez joué aussi le "Boléro" sous la direction de Karajan?