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l'histoire de France, Cro-Magnon contre Neandertal

Soudain, l'homme qui, sagaie en main, marche devant en éclaireur, s'arrête tout net. Il pousse un cri qui est un avertissement. Tous ces braves Neandertal s'immobilisent aux aguets. Les hommes ont rejoint l'éclaireur. Ils l'entourent, le questionnent à voix basse : qu'a-t-il vu ? Pour toute réponse, il montre à travers les fourrés une file d'autres nomades qui, progressant en sens inverse, se rapprochent d'eux. Ce sont des choses qui arrivent. Il suffit d'attendre. Et de rester vigilant.

Voilà que les autres sont maintenant à portée du regard. Au même instant, dans tous les rangs Neandertal, retentit le même cri de stupeur. Comment auraient-ils pu prévoir le coup qui leur arrive ? Les hommes qui sont devant eux – car il faut bien croire que ce sont des hommes ! – ne leur ressemblent pas.

Comme les survenants se sont immobilisés eux aussi – la prudence est de règle aux temps préhistoriques – on a tout le temps de les détailler. Il faut bien reconnaître que ces gens-là sont plus fins, plus élancés, que leurs bras sont moins longs et, surtout, que leur visage offrent des traits fort éloignés de ceux des Neandertal : le front est plus haut, les arcades sourcilières proéminentes ont disparu, ils ont un vrai nez et la mâchoire agressive s'est changée en menton. Les Neandertal ne le savent pas, mais nous avons, nous, le droit de le dire : ce qui vient d'apparaître, là, dans la forêt, c'est tout simplement l'homme de Cro-Magnon. Ils sont donc face à face, aussi méfiants les uns que les autres. Il a bien fallu que l'un d'eux, M. Neandertal ou M. Cro-Magnon, hasarde le premier pas. Si ces messieurs en sont venus aux mains, pourquoi vous dissimulerais-je que mes vœux vont plutôt du côté de l'équipe Cro-Magnon ? Pour une raison bien simple : l'homme de Cro-Magnon, c'est nous ! Petit jeu : un Cro-Magnon se présente à Paris, place de la Concorde, au milieu des embouteillages, un soir à 18 heures. Supposons qu'il ait abandonné ses vêtements un peu rustiques et revêtu, pour l'occasion, un jean et un chandail : vous ne le reconnaîtrez pas ! Nous ne descendons pas des hommes de Neandertal, race éteinte, mais, en ligne directe de cet homo sapiens – ce qui veut dire homme intelligent – qu'était l'homme de Cro-Magnon. Comme ils vivent dehors et que sans cesse ils marchent, courent, nagent, montent aux arbres, ils sont bien sûr plus robustes, plus athlétiques que nous. Mais si, à la télévision, vous contemplez un champion olympique du 110 mètres haies, vous pouvez être sûr qu'il n'est pas différent de cet homme qui vivait en France il y a 20 000 ans. Ces merveilleuses fresques de Lascaux, que n'oubliera jamais Isabelle, c'est l'homme de Cro-Magnon qui les a peintes. Il a même inventé, pour s'éclairer dans les grottes obscures, la lampe, en faisant brûler de la graisse dans un os creusé. En Périgord, la Vézère coule dans le même lit qui était le sien il y a 20 000 ans. C'est l'endroit idéal pour surprendre l'homme de Cro-Magnon. M'accompagnez-vous ? Un homme, vêtu d'un anorak et la tête couverte d'une capuche – le temps est un peu frais -, traîne vers la rivière son kayak. Il le fait glisser dans l'eau, avec une habileté née de l'habitude. En une minute, grâce à sa pagaie, il a gagné le milieu de la Vézère. Il lance sa ligne et bientôt un poisson frétille au bout de son hameçon. Ce pêcheur expérimenté n'est autre qu'un homme de Cro-Magnon. Tout ce dont il dispose, il l'a inventé il y a plus de 15 000 ans. Sa pêche achevée, il rentre chez lui, dans l'une de ces nombreuses grottes dont on aperçoit aujourd'hui encore l'ouverture en hauteur, sur les parois calcaires qui dominent la vallée. Il y grimpe par une échelle de corde qu'il a tissée. Là, sa petite famille l'attend. Sa femme prépare le repas du soir. Le plus près possible de l'ouverture – à cause de la fumée – un feu brûle. Elle y a placé des pierres qui, peu à peu, sont portées à l'incandescence. Elle en saisi une et la jette dans une outre en cuir, largement ouverte et remplie d'eau. En quelques instants le liquide se met à bouillir. Mme Cro-Magnon pourra y faire cuire des légumes ou de la viande, selon sa préférence. Ou celle de son mari. Quant aux enfants, on ne les questionne pas : dès cette époque les parents exigent qu'ils mangent de tout. Pour leur bien. Ce dont madame Cro-Magnon pourrait concevoir de l'orgueil, c'est d'avoir inventé la cuisine. L'aiguille est responsable de tout cela. Depuis l'invention du feu, voilà la découverte essentielle. Vous souriez : c'est bien peu de chose, une aiguille ! Vous avez tort. Il vous suffit de considérer madame Cro-Magnon dans son domaine. Ses aiguilles sont en os et creusées d'un trou par où passe le tendon – ligament tiré d'un animal – qui sert de fil. Grâce à ces aiguilles, madame Cro-Magnon a pu assembler des peaux de bêtes et les ajuster sur son propre corps avec talent, il faut le supposer : sur ceux de son mari et de ses enfants avec amour, il faut l'espérer : les premiers vêtements ont ainsi vu le jour. D'autres peaux cousues sont devenues des sacs, bien utiles pour entasser les provisions, et des outres que l'on peut remplir de liquide. Toute la vie quotidienne s'en est trouvée changée. Merci, Madame Cro-Magnon ! Nous applaudissons. Mais le plus étonnant est encore à venir.

Si les hommes préhistoriques ont été si longtemps nomades, ce n'est pas parce qu'ils aimaient cela. Comme vous et moi, ils auraient préféré rester en place.

Mais Monsieur Cro-Magnon était observateur. Ces graines qu'il recueillait dans la nature – le blé, le seigle, l'orge – pour en faire sa nourriture, il a remarqué que, si on les répandait sur de bonnes terres, elles levaient quelques mois plus tard. Au lieu de cueillir au hasard, quel progrès de choisir le lieu où pousseront les végétaux dont on a besoin ! De cette simple constatation – encore fallait-il y penser – est née, il y a 7 000 ans environ, l'agriculture. M. et Mme Cro-Magnon ont donc appris à recueillir les graines, à semer, à récolter. En même temps, ils capturent et domestiquent certains animaux, dont ils vont apprendre à pratiquer l'élevage. Il s'agit du bond en avant le plus prodigieux qu'ait connu jusque-là l'espèce humaine. Pour la première fois de son histoire, commencée depuis 6 millions d'années, l'homme s'arrête. On dit qu'il devient sédentaire. Les tentes et les abris provisoires vont peu à peu faire place à des maisons. Ces maisons deviendront des villages.

La révolution du néolithique s'est produite à une époque que l'on nomme néolithique – autrement dit : époque où l'on savait polir la pierre - alors que l'on appelait paléolithique l'époque où l'on savait seulement la tailler. Incroyables progrès ! Les villages se sont peu à peu entourés de palissades qui les mettent à l'abri des animaux sauvages. Pour la première fois, l'homme se sent en relative sécurité. Les terribles battues d'autrefois, les corps à corps avec les fauves ou les mammouths ne sont plus qu'un mauvais souvenir. On peut nourrir les bébés grâce au lait des mammifères domestiqués. Autrefois, un grand nombre de nourrissons, dont les mères n'avaient pas assez de lait, mouraient. Maintenant, ils survivent. La population de la future France ne cesse de s'accroître. Elle va atteindre cinq millions d'habitants. Et le mouvement se précipite. Il y a un peu moins de 4 000 ans, les hommes vont commencer à utiliser chez nous les métaux. En faisant fondre ensemble du cuivre et de l'étain, ils découvrent le bronze. Adieu aux outils et aux armes en silex ! Chaque village possède ses ateliers de fabrication métallurgique. Les guerriers disposent d'épées de bronze, de poignards, de glaives, de lances de bronze. Les chefs se font modeler des casques et des cuirasses en bronze. On chasse avec des flèches en métal. Les arbres sont abattus à l'aide de cognées en bronze : deux ou trois fois plus rapidement qu'avec les haches en pierre. Le bois se travaille avec des ciseaux en métal. On taille, on creuse des pirogues ; on sculpte des objets ; on voit apparaître les premiers meubles.

Ces hommes se rasent : ils disposent de rasoirs en forme de croissant. Pourquoi voudriez-vous que les femmes s'oublient ? Elles rangent dans leurs coffres des épingles à cheveux, des bracelets, des colliers, des boucles d'oreille, des bagues. Elles cousent avec des aiguilles de bronze.

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Soudain, l'homme qui, sagaie en main, marche devant en éclaireur, s'arrête tout net. Il pousse un cri qui est un avertissement. Tous ces braves Neandertal s'immobilisent aux aguets. Les hommes ont rejoint l'éclaireur. Ils l'entourent, le questionnent à voix basse : qu'a-t-il vu ?

Pour toute réponse, il montre à travers les fourrés une file d'autres nomades qui, progressant en sens inverse, se rapprochent d'eux. Ce sont des choses qui arrivent. Il suffit d'attendre. Et de rester vigilant.

Voilà que les autres sont maintenant à portée du regard. Au même instant, dans tous les rangs Neandertal, retentit le même cri de stupeur. Comment auraient-ils pu prévoir le coup qui leur arrive ? Les hommes qui sont devant eux – car il faut bien croire que ce sont des hommes ! – ne leur ressemblent pas.

Comme les survenants se sont immobilisés eux aussi – la prudence est de règle aux temps préhistoriques – on a tout le temps de les détailler. Il faut bien reconnaître que ces gens-là sont plus fins, plus élancés, que leurs bras sont moins longs et, surtout, que leur visage offrent des traits fort éloignés de ceux des Neandertal : le front est plus haut, les arcades sourcilières proéminentes ont disparu, ils ont un vrai nez et la mâchoire agressive s'est changée en menton.

Les Neandertal ne le savent pas, mais nous avons, nous, le droit de le dire : ce qui vient d'apparaître, là, dans la forêt, c'est tout simplement l'homme de Cro-Magnon.

Ils sont donc face à face, aussi méfiants les uns que les autres. Il a bien fallu que l'un d'eux, M. Neandertal ou M. Cro-Magnon, hasarde le premier pas. Si ces messieurs en sont venus aux mains, pourquoi vous dissimulerais-je que mes vœux vont plutôt du côté de l'équipe Cro-Magnon ?

Pour une raison bien simple : l'homme de Cro-Magnon, c'est nous !

Petit jeu : un Cro-Magnon se présente à Paris, place de la Concorde, au milieu des embouteillages, un soir à 18 heures. Supposons qu'il ait abandonné ses vêtements un  peu rustiques et revêtu, pour l'occasion, un jean et un chandail : vous ne le reconnaîtrez pas !

Nous ne descendons pas des hommes de Neandertal, race éteinte, mais, en ligne directe de cet homo sapiens – ce qui veut dire homme intelligent – qu'était l'homme de Cro-Magnon. Comme ils vivent dehors et que sans cesse ils marchent, courent, nagent, montent aux arbres, ils sont bien sûr plus robustes, plus athlétiques que nous. Mais si, à la télévision, vous contemplez un champion olympique du 110 mètres haies, vous pouvez être sûr qu'il n'est pas différent de cet homme qui vivait en France il y a 20 000 ans.

Ces merveilleuses fresques de Lascaux, que n'oubliera jamais Isabelle, c'est l'homme de Cro-Magnon qui les a peintes. Il a même inventé, pour s'éclairer dans les grottes obscures, la lampe, en faisant brûler de la graisse dans un os creusé.

En Périgord, la Vézère coule dans le même lit qui était le sien il y  a 20 000 ans. C'est l'endroit idéal pour surprendre l'homme de Cro-Magnon.

M'accompagnez-vous ?

Un homme, vêtu d'un anorak et la tête couverte d'une capuche – le temps est un peu frais -, traîne vers la rivière son kayak. Il le fait glisser dans l'eau, avec une habileté née de l'habitude. En une minute, grâce à sa pagaie, il a gagné le milieu de la Vézère. Il lance sa ligne et bientôt un poisson frétille au bout de son hameçon. Ce pêcheur expérimenté n'est autre qu'un homme de Cro-Magnon. Tout ce dont il dispose, il l'a inventé il y a plus de 15 000 ans.

Sa pêche achevée, il rentre chez lui, dans l'une de ces nombreuses grottes dont on aperçoit aujourd'hui encore l'ouverture en hauteur, sur les parois calcaires qui dominent la vallée. Il y grimpe par une échelle de corde qu'il a tissée.

Là, sa petite famille l'attend. Sa femme prépare le repas du soir. Le plus près possible de l'ouverture – à cause de la fumée – un feu brûle. Elle y a placé des pierres qui, peu à peu, sont portées à l'incandescence. Elle en saisi une et la jette dans une outre en cuir, largement ouverte et remplie d'eau. En quelques instants le liquide se met à bouillir. Mme Cro-Magnon pourra y faire cuire des légumes ou de la viande, selon sa préférence. Ou celle de son mari. Quant aux enfants, on ne les questionne pas : dès cette époque les parents exigent qu'ils mangent de tout. Pour leur bien. Ce dont madame Cro-Magnon pourrait concevoir de l'orgueil, c'est d'avoir inventé la cuisine.

L'aiguille est responsable de tout cela. Depuis l'invention du feu, voilà la découverte essentielle.

Vous souriez : c'est bien peu de chose, une aiguille ! Vous avez tort. Il vous suffit de considérer madame Cro-Magnon dans son domaine. Ses aiguilles sont en os et creusées d'un trou par où passe le tendon – ligament tiré d'un animal – qui sert de fil.

Grâce à ces aiguilles, madame Cro-Magnon a pu assembler des peaux de bêtes et les ajuster sur son propre corps avec talent, il faut le supposer : sur ceux de son mari et de ses enfants avec amour, il faut l'espérer : les premiers vêtements ont ainsi vu le jour. D'autres peaux cousues sont devenues des sacs, bien utiles pour entasser les provisions, et des outres que l'on peut remplir de liquide. Toute la vie quotidienne s'en est trouvée changée.

Merci, Madame Cro-Magnon !  Nous applaudissons. Mais le plus étonnant est encore à venir.

Si les hommes préhistoriques ont été si longtemps nomades, ce n'est pas parce qu'ils aimaient cela. Comme vous et moi, ils auraient préféré rester en place.

Mais Monsieur Cro-Magnon était observateur. Ces graines qu'il recueillait dans la nature – le blé, le seigle, l'orge – pour en faire sa nourriture, il a remarqué que, si on les répandait sur de bonnes terres, elles levaient quelques mois plus tard. Au lieu de cueillir au hasard, quel progrès de choisir le lieu où pousseront les végétaux dont on a besoin ! De cette simple constatation – encore fallait-il y penser – est née, il y a 7 000 ans environ, l'agriculture.

M. et Mme Cro-Magnon ont donc appris à recueillir les graines, à semer, à récolter. En même temps, ils capturent et domestiquent certains animaux, dont ils vont apprendre à pratiquer l'élevage.

Il s'agit du bond en avant le plus prodigieux qu'ait connu jusque-là l'espèce humaine. Pour la première fois de son histoire, commencée depuis 6 millions d'années, l'homme s'arrête. On dit qu'il devient sédentaire. Les tentes et les abris provisoires vont peu à peu faire place à des maisons. Ces maisons deviendront des villages.

 

La révolution du néolithique s'est produite à une époque que l'on nomme néolithique – autrement dit : époque où l'on savait polir la pierre  - alors que l'on appelait paléolithique l'époque où l'on savait seulement la tailler.

Incroyables progrès ! Les villages se sont peu à peu entourés de palissades qui les mettent à l'abri des animaux sauvages. Pour la première fois, l'homme se sent en relative sécurité. Les terribles battues d'autrefois, les corps à corps avec les fauves ou les mammouths ne sont plus qu'un mauvais souvenir. On peut nourrir les bébés grâce au lait des mammifères domestiqués. Autrefois, un grand nombre de nourrissons, dont les mères n'avaient pas assez de lait, mouraient. Maintenant, ils survivent. La population de la future France ne cesse de s'accroître. Elle va atteindre cinq millions d'habitants.

Et le mouvement se précipite. Il y a un peu moins de 4 000 ans, les hommes vont commencer à utiliser chez nous les métaux. En faisant fondre ensemble du cuivre et de l'étain, ils découvrent le bronze. Adieu aux outils et aux armes en silex ! Chaque village possède ses ateliers de fabrication métallurgique. Les guerriers disposent d'épées de bronze, de poignards, de glaives, de lances de bronze. Les chefs se font modeler des casques et des cuirasses en bronze. On chasse avec des flèches en métal. Les arbres sont abattus à l'aide de cognées en bronze : deux ou trois fois plus rapidement qu'avec les haches en pierre. Le bois se travaille avec des ciseaux en métal. On taille, on creuse des pirogues ; on sculpte des objets ; on voit apparaître les premiers meubles.

Ces hommes se rasent : ils disposent de rasoirs en forme de croissant. Pourquoi voudriez-vous que les femmes s'oublient ? Elles rangent dans leurs coffres des épingles à cheveux, des bracelets, des colliers, des boucles d'oreille, des bagues. Elles cousent avec des aiguilles de bronze.