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En Chine, Le mobilier

Le mobilier

Pour se fournir de beaux meubles en Chine, il faut se rendre dans une des rues les plus commerçantes de Canton, et aller les choisir au magasin très célèbre de Long-Sing-Kong.

Aussitôt entrés, nous irons tout droit à ce beau lit taillé dans un bois d'une essence particulière, nommé pa-ko, auquel les différents vernis communiquent les tons les plus divers. De fines colonnettes supportent le ciel du lit, autour duquel circule une double galerie fouillée à jour, comme une dentelle. Toutes les parties sculptées ont le ton chaud du vieil ivoire et contrastent très heureusement avec la couleur plus sombre des parties planes. Un dragon s'entortille autour des colonnettes de la façade et forme une ornementation très originale. Ces colonnes s'appuient sur des groupes de dix personnages; dans l'un, un jeune garçon s'apprête à soulever le couvercle d'une espèce de bol qu'il présente à son compagnon avec des contorsions bizarres; de l'autre côté, un des personnages tient entre ses bras un dauphin qui fait jaillir une gerbe d'eau par sa gueule; ce qui paraît amuser prodigieusement la seconde statuette. Ces deux sujets doivent faire allusion aux premières actions de la vie journalière: les ablutions matinales, et le déjeuner.

À chaque angle de la toiture, un chien fantastique tient entre ses dents, d'un côté un sabre, de l'autre un bâton de commandement, ce qui semblerait indiquer que ce lit a été exécuté pour un mandarin guerrier. Quatre petits groupes, qui surchargent l'ornementation, nous paraissent confirmer cette hypothèse. On y voit, dans l'un, un chef militaire entouré de son escorte, qui part pour la guerre, enseignes déployées; dans l'autre, le même mandarin garde une allure plus paisible, et s'avance suivi d'un cortège civil; le troisième nous fait assister à un combat acharné, dans lequel notre héros remporte la victoire, car le dernier groupe a pour sujet une marche triomphale, où le glorieux vainqueur est ramené par une foule enthousiaste, au milieu des bannières conquises, et précédé par des musiciens qui, à en croire leurs attitudes, doivent faire un beau charivari. Le plafond du lit est tendu de soie et une belle frange doublant la ramagure de la frise met la dernière touche à cet admirable meuble.

Un autre lit taillé dans le même bois arrondit ses formes singulières à côté de celui-ci. Le ciel est pareil à l'arceau d'une tonnelle qui se refermerait de façon à former le cercle parfait. Imaginez-vous une grosse lanterne ronde dans laquelle on aurait taillé, de chaque côté, une ouverture. Les parois sont faites de mousseline divisée en carrés par de légers châssis de bois; la transparente étoffe est historiée de peintures évoquant des scènes de la vie privée, des paysages: clairs de lune, ou levers de soleil.

Un troisième lit, fait sans doute sur un modèle européen; de superbes buffets incrustés de nacre, surchargés de sculptures, d'oiseaux fantastiques, de bêtes inconnues, de dragons tordant leur corps souple; des armoires dont les portes sont découpées à jour, des étagères, des chaises, des tables, complètent la remarquable exposition du chinois Song-Sing-Kong. King-Cheng-Youn est aussi de Ning-po; les meubles, qu'il sculpte, sont d'un tout autre genre que ceux de son compatriote et confrère; chez lui, tout est doré et peint des couleurs les plus vives. Le lit, ou plutôt l'appartement qu'il offre à notre admiration, est du plus joyeux effet, il est fouillé, découpé, enluminé d'écarlate et d'or; sur les frises, sur les colonnes courent, se battent, se reposent ou se promènent des personnages hauts comme la main, très finement sculptés et très vivants. Une sorte de petite antichambre, presque entièrement close, précède la couche; on place là une table et des chaises et les jeunes époux, en s'éveillant, après avoir fait craquer leurs doigts l'un après l'autre et s'être frotté le creux de l'estomac, ce qu'un Chinois ne manque jamais de faire avant de se lever, prennent en tête à tête leur déjeuner du matin. Ce lit est vendu déjà, il a été payé cinq mille francs.

Les battants d'armoires, de buffets, de bahuts disparaissent sous un fourmillement de petits bonshommes, vêtus des plus beaux habits couleur d'émeraude, de pourpre, d'azur, se livrant à toutes sortes d'occupations. Le dossier d'un certain canapé, dont la forme dénonce une arrière-pensée d'exportation, nous fait assister à une réception d'ambassadeurs; l'empereur apparaît au fond, tandis qu'un personnage s'agenouille sur les marches du trône, que les mandarins font la haie, et que la foule admire; de chaque côté, des esclaves tiennent en main des éléphants. Ce dossier est tout à fait charmant; mais nous aimons moins l'étoffe qui recouvre le siège et les coussins, dont le ton vineux est assez peu en harmonie avec le rouge éclatant des boiseries. Les meubles qu'expose Koong-tai, de Canton, sont d'un style sévère et noble; le bois de fer, dur comme du métal, noir comme l'ébène, est la matière que son ciseau fouille de préférence et sous lequel elle semble aussi souple que l'argile. Il n'est pas de coffret précieux, de poignées de sabres, de branches d'éventail, découpés avec plus de délicatesse que ce grand lit noir d'un si majestueux aspect. Une sombre végétation foisonne sur les colonnes, rampe sur la corniche, s'enchevêtre, s'enguirlande, avec des légèretés de dentelle; au plafond roulent des nuages sanglants desquels surgit une face de monstre, comme on doit en voir dans l'illusion des cauchemars et qui semble placée là pour donner une sinistre direction aux rêves du dormeur. Des paysages sculptés, encadrés de bois de fer et posant sur le corps de deux chimères, des écrans tout de bois de fer déchiquetés comme ces feuilles que rongent les insectes et s'appuyant sur un pied élégamment contourné; des sièges larges et massifs complètent cet ameublement d'une splendeur un peu sombre. Avant de quitter la boutique de Song-Sing-Kong, nous nous arrêterons encore devant un délicieux paravent où sur la soie blanche encadrée de bois sculpté, parmi des fleurs et des feuillages d'or, des papillons, des oiseaux, des paons ouvrent leurs ailes et déploient leur somptueux plumage.

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Le mobilier The furniture

Pour se fournir de beaux meubles en Chine, il faut se rendre dans une des rues les plus commerçantes de Canton, et aller les choisir au magasin très célèbre de Long-Sing-Kong.

Aussitôt entrés, nous irons tout droit à ce beau lit taillé dans un bois d'une essence particulière, nommé pa-ko, auquel les différents vernis communiquent les tons les plus divers. De fines colonnettes supportent le ciel du lit, autour duquel circule une double galerie fouillée à jour, comme une dentelle. Toutes les parties sculptées ont le ton chaud du vieil ivoire et contrastent très heureusement avec la couleur plus sombre des parties planes. Un dragon s'entortille autour des colonnettes de la façade et forme une ornementation très originale. Ces colonnes s'appuient sur des groupes de dix personnages; dans l'un, un jeune garçon s'apprête à soulever le couvercle d'une espèce de bol qu'il présente à son compagnon avec des contorsions bizarres; de l'autre côté, un des personnages tient entre ses bras un dauphin qui fait jaillir une gerbe d'eau par sa gueule; ce qui paraît amuser prodigieusement la seconde statuette. Ces deux sujets doivent faire allusion aux premières actions de la vie journalière: les ablutions matinales, et le déjeuner.

À chaque angle de la toiture, un chien fantastique tient entre ses dents, d'un côté un sabre, de l'autre un bâton de commandement, ce qui semblerait indiquer que ce lit a été exécuté pour un mandarin guerrier. Quatre petits groupes, qui surchargent l'ornementation, nous paraissent confirmer cette hypothèse. On y voit, dans l'un, un chef militaire entouré de son escorte, qui part pour la guerre, enseignes déployées; dans l'autre, le même mandarin garde une allure plus paisible, et s'avance suivi d'un cortège civil; le troisième nous fait assister à un combat acharné, dans lequel notre héros remporte la victoire, car le dernier groupe a pour sujet une marche triomphale, où le glorieux vainqueur est ramené par une foule enthousiaste, au milieu des bannières conquises, et précédé par des musiciens qui, à en croire leurs attitudes, doivent faire un beau charivari. Le plafond du lit est tendu de soie et une belle frange doublant la ramagure de la frise met la dernière touche à cet admirable meuble.

Un autre lit taillé dans le même bois arrondit ses formes singulières à côté de celui-ci. Le ciel est pareil à l'arceau d'une tonnelle qui se refermerait de façon à former le cercle parfait. Imaginez-vous une grosse lanterne ronde dans laquelle on aurait taillé, de chaque côté, une ouverture. Les parois sont faites de mousseline divisée en carrés par de légers châssis de bois; la transparente étoffe est historiée de peintures évoquant des scènes de la vie privée, des paysages: clairs de lune, ou levers de soleil.

Un troisième lit, fait sans doute sur un modèle européen; de superbes buffets incrustés de nacre, surchargés de sculptures, d'oiseaux fantastiques, de bêtes inconnues, de dragons tordant leur corps souple; des armoires dont les portes sont découpées à jour, des étagères, des chaises, des tables, complètent la remarquable exposition du chinois Song-Sing-Kong. King-Cheng-Youn est aussi de Ning-po; les meubles, qu'il sculpte, sont d'un tout autre genre que ceux de son compatriote et confrère; chez lui, tout est doré et peint des couleurs les plus vives. Le lit, ou plutôt l'appartement qu'il offre à notre admiration, est du plus joyeux effet, il est fouillé, découpé, enluminé d'écarlate et d'or; sur les frises, sur les colonnes courent, se battent, se reposent ou se promènent des personnages hauts comme la main, très finement sculptés et très vivants. Une sorte de petite antichambre, presque entièrement close, précède la couche; on place là une table et des chaises et les jeunes époux, en s'éveillant, après avoir fait craquer leurs doigts l'un après l'autre et s'être frotté le creux de l'estomac, ce qu'un Chinois ne manque jamais de faire avant de se lever, prennent en tête à tête leur déjeuner du matin. Ce lit est vendu déjà, il a été payé cinq mille francs.

Les battants d'armoires, de buffets, de bahuts disparaissent sous un fourmillement de petits bonshommes, vêtus des plus beaux habits couleur d'émeraude, de pourpre, d'azur, se livrant à toutes sortes d'occupations. Le dossier d'un certain canapé, dont la forme dénonce une arrière-pensée d'exportation, nous fait assister à une réception d'ambassadeurs; l'empereur apparaît au fond, tandis qu'un personnage s'agenouille sur les marches du trône, que les mandarins font la haie, et que la foule admire; de chaque côté, des esclaves tiennent en main des éléphants. Ce dossier est tout à fait charmant; mais nous aimons moins l'étoffe qui recouvre le siège et les coussins, dont le ton vineux est assez peu en harmonie avec le rouge éclatant des boiseries. Les meubles qu'expose Koong-tai, de Canton, sont d'un style sévère et noble; le bois de fer, dur comme du métal, noir comme l'ébène, est la matière que son ciseau fouille de préférence et sous lequel elle semble aussi souple que l'argile. Il n'est pas de coffret précieux, de poignées de sabres, de branches d'éventail, découpés avec plus de délicatesse que ce grand lit noir d'un si majestueux aspect. Une sombre végétation foisonne sur les colonnes, rampe sur la corniche, s'enchevêtre, s'enguirlande, avec des légèretés de dentelle; au plafond roulent des nuages sanglants desquels surgit une face de monstre, comme on doit en voir dans l'illusion des cauchemars et qui semble placée là pour donner une sinistre direction aux rêves du dormeur. Des paysages sculptés, encadrés de bois de fer et posant sur le corps de deux chimères, des écrans tout de bois de fer déchiquetés comme ces feuilles que rongent les insectes et s'appuyant sur un pied élégamment contourné; des sièges larges et massifs complètent cet ameublement d'une splendeur un peu sombre. Avant de quitter la boutique de Song-Sing-Kong, nous nous arrêterons encore devant un délicieux paravent où sur la soie blanche encadrée de bois sculpté, parmi des fleurs et des feuillages d'or, des papillons, des oiseaux, des paons ouvrent leurs ailes et déploient leur somptueux plumage.