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La France pendant la deuxième guerre mondiale, Le Maréchal

Dans ce désarroi, un point fixe : le Maréchal. Autour de lui la quasi-totalité des Français se serre d'instinct. Dans l'isolement général, l'effondrement de toute institution, la ruine des certitudes les mieux établies, on se raccroche à la personne du vainqueur de Verdun. Précisons la portée de cette adhésion qui va à la personne du Maréchal, et pas nécessairement à son gouvernement et encore moins à sa politique. C'est un sentiment d'attachement, d'allégeance, de confiance personnelle. L'explication de la prise du pouvoir par quelque ténébreux dessein est superflue: il n'y eut pas d'autre conspiration que celle des circonstances, des souvenirs et des sentiments d'un peuple à la dérive, désemparé, privé de ses autorités habituelles, livré à la domination de l'occupant et qui aspire désespérément à trouver un protecteur qui fasse écran entre lui et le vainqueur. Depuis la disparition de Foch et de Clemenceau, en 1929, Pétain est le plus illustre des Français vivants : pour ceux qui ont combattu sous ses ordres - ils sont encore plusieurs millions -, il reste le chef respecté, le père à qui ses soldats sont reconnaissants de les avoir traités humainement. Son personnage s'identifie pour tous au souvenir de Verdun qui a été le plus haut moment de la guerre, le symbole du patriotisme des Français, de l'endurance du poilu, de la ténacité du soldat. Qui oserait douter de son patriotisme? S'il déclare à ses compatriotes qu'il faut cesser le combat, c'est que la guerre est perdue : la confiance dans son patriotisme désintéressé et son aptitude à apprécier une situation militaire a déterminé l'acceptation quasi générale de l'armistice. Elle engendrera le dogme de son infaillibilité: qui aurait l'orgueil de savoir mieux que lui ce qui est bon pour la France? Rien n'est venu dans l'entre-deux-guerres ternir sa réputation ou altérer la confiance qu'il inspire. A la différence d'autres grands chefs, on ne lui prête aucune ambition politique; son loyalisme n'a jamais été suspecté. Fils de paysans, il est proche du peuple, il n'est pas clérical, il n'a pas été l'élève des jésuites. Il passe pour le plus républicain des grands chefs de 1914. Sa participation au gouvernement Doumergue ne l'a pas non plus compromis aux yeux de la gauche. En mai 1940, la nouvelle qu'il a accepté d'entrer dans le gouvernement rend un moment l'espoir aux combattants. Quant aux circonstances dans lesquelles il accède à la direction du gouvernement, le 16 juin, les plus attachés à la légalité républicaine n'ont rien trouvé à y redire. Le mythe Pétain est fait de ces souvenirs et de ces sentiments: Aux derniers jours de juin 1940, il n'est guère de Français qui n'éprouvent un mouvement de gratitude pour ce vieil homme qui, au lieu de goûter la douceur d'un repos mérité, a consenti à reprendre du service dans une situation aussi désastreuse et fait le don de sa personne au pays. Presque tous se félicitent de cette chance exceptionnelle pour la France de trouver dans son malheur un homme paré d'un tel prestige. C'est la preuve que la France ne saurait mourir: le génie de la race, auquel les esprits religieux donnent le nom de Providence et que les autres appellent sa mission historique, suscite dans les épreuves un sauveur. Aux pires moments de la guerre de Cent Ans dont les souvenirs remontent alors à la surface, Dieu a suscité une bergère pour délivrer Orléans et consacrer la légitimité du souverain. De même, en 1940, il a tenu en réserve le Maréchal. Pour les gens religieux qui ne pensent pas que les événements puissent s'accomplir sans une permission divine et qui en cherchent la signification, l'intervention du Maréchal est assurément un signe de la Providence. Qu'il se soit trouvé dans le désastre, c'est le signe que Dieu n'abandonne pas la France. En conséquence, il ne serait pas seulement absurde et contraire au bon sens comme au patriotisme de ne pas suivre le Maréchal, mais lui désobéir serait impie et équivaudrait à se révolter contre la volonté divine. Cette composante religieuse du mythe Pétain concourt à fonder sa légitimité.

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Dans ce désarroi, un point fixe : le Maréchal. Autour de lui la quasi-totalité des Français se serre d'instinct. Dans l'isolement général, l'effondrement de toute institution, la ruine des certitudes les mieux établies, on se raccroche à la personne du vainqueur de Verdun.  Précisons la portée de cette adhésion qui va à la personne du Maréchal, et pas nécessairement à son gouvernement et encore moins à sa politique. C'est un sentiment d'attachement, d'allégeance, de confiance personnelle. L'explication de la prise du pouvoir par quelque ténébreux dessein est superflue: il n'y eut pas d'autre conspiration que celle des circonstances, des souvenirs et des sentiments d'un peuple à la dérive, désemparé, privé de ses autorités habituelles, livré à la domination de l'occupant et qui aspire désespérément à trouver un protecteur qui fasse écran entre lui et le vainqueur. Depuis la disparition de Foch et de Clemenceau, en 1929, Pétain est le plus illustre des Français vivants : pour ceux qui ont combattu sous ses ordres - ils sont encore plusieurs millions -, il reste le chef respecté, le père à qui ses soldats sont reconnaissants de les avoir traités humainement. Son personnage s'identifie pour tous au souvenir de Verdun qui a été le plus haut moment de la guerre, le symbole du patriotisme des Français, de l'endurance du poilu, de la ténacité du soldat. Qui oserait douter de son patriotisme? S'il déclare à ses compatriotes qu'il faut cesser le combat, c'est que la guerre est perdue : la confiance dans son patriotisme désintéressé et son aptitude à apprécier une situation militaire a déterminé l'acceptation quasi générale de l'armistice. Elle engendrera le dogme de son infaillibilité: qui aurait l'orgueil de savoir mieux que lui ce qui est bon pour la France?

Rien n'est venu dans l'entre-deux-guerres ternir sa réputation ou altérer la confiance qu'il inspire. A la différence d'autres grands chefs, on ne lui prête aucune ambition politique; son loyalisme n'a jamais été suspecté. Fils de paysans, il est proche du peuple, il n'est pas clérical, il n'a pas été l'élève des jésuites. Il passe pour le plus républicain des grands chefs de 1914. Sa participation au gouvernement Doumergue ne l'a pas non plus compromis aux yeux de la gauche. En mai 1940, la nouvelle qu'il a accepté d'entrer dans le gouvernement rend un moment l'espoir aux combattants. Quant aux circonstances dans lesquelles il accède à la direction du gouvernement, le 16 juin, les plus attachés à la légalité républicaine n'ont rien trouvé à y redire.           .

Le mythe Pétain est fait de ces souvenirs et de ces sentiments:

Aux derniers jours de juin 1940, il n'est guère de Français qui n'éprouvent un mouvement de gratitude pour ce vieil homme qui, au lieu de goûter la douceur d'un repos mérité, a consenti à reprendre du service dans une situation aussi désastreuse et fait le don de sa personne au pays. Presque tous se félicitent de cette chance exceptionnelle pour la France de trouver dans son malheur un homme paré d'un tel prestige.

 

C'est la preuve que la France ne saurait mourir: le génie de la race, auquel les esprits religieux donnent le nom de Providence et que les autres appellent sa mission historique, suscite dans les épreuves un sauveur. Aux pires moments de la guerre de Cent Ans dont les souvenirs remontent alors à la surface, Dieu a suscité une bergère pour délivrer Orléans et consacrer la légitimité du souverain. De même, en 1940, il a tenu en réserve le Maréchal. Pour les gens religieux qui ne pensent pas que les événements puissent s'accomplir sans une permission divine et qui en cherchent la signification, l'intervention du Maréchal est assurément un signe de la Providence. Qu'il se soit trouvé dans le désastre, c'est le signe que Dieu n'abandonne pas la France. En conséquence, il ne serait pas seulement absurde et contraire au bon sens comme au patriotisme de ne pas suivre le Maréchal, mais lui désobéir serait impie et équivaudrait à se révolter contre la volonté divine. Cette composante religieuse du mythe Pétain concourt à fonder sa légitimité.