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Les contes merveilleux d'Andersen. L'aiguille à repriser, Partie 2

- "J'ai habité une boîte qui appartenait à une demoiselle", dit l'aiguille. "Cette demoiselle était cuisinière. A chaque main elle avait cinq doigts. Je n'ai jamais rien connu d'aussi prétentieux et d'aussi fier que ces doigts ; et cependant ils n'étaient faits que pour me sortir de la boîte et pour m'y remettre". - "Ces doigts-là étaient-ils nobles de naissance?" demanda le tesson.

- "Nobles!" reprit l'aiguille, "non, mais vaniteux. Ils étaient cinq frères... et tous étaient nés... doigts! Ils se tenaient orgueilleusement l'un à côté de l'autre, quoique de différente longueur. Le plus en dehors, le pouce, court et épais, restait à l'écart ; comme il n'avait qu'une articulation, il ne pouvait s'incliner qu'en un seul endroit ; mais il disait toujours que, si un homme l'avait une fois perdu, il ne serait plus bon pour le service militaire. Le second doigt goûtait des confitures et aussi de la moutarde ; il montrait le soleil et la lune, et c'était lui qui appuyait sur la plume lorsqu'on voulait écrire. Le troisième regardait par-dessus les épaules de tous les autres. Le quatrième portait une ceinture d'or, et le petit dernier ne faisait rien du tout : aussi en était-il extraordinairement fier. On ne trouvait rien chez eux que de la forfanterie, et encore de la forfanterie : aussi je les ai quittés.

A ce moment, on versa de l'eau dans l'évier. L'eau coula par-dessus les bords et les entraîna. - "Voilà que nous avançons enfin!" dit l'aiguille. Le tesson continua sa route, mais l'aiguille s'arrêta dans le ruisseau. - "Là! je ne bouge plus ; je suis trop fine ; mais j'ai bien droit d'en être fière!" Effectivement, elle resta là tout entière à ses grandes pensées - "Je finirai par croire que je suis née d'un rayon de soleil, tant je suis fine! Il me semble que les rayons de soleil viennent me chercher jusque dans l'eau. Mais je suis si fine que ma mère ne peut pas me trouver. Si encore j'avais l'oeil qu'on m'a enlevé, je pourrais pleurer du moins ! Non, je ne voudrais pas pleurer : ce n'est pas digne de moi!" Un jour, des gamins vinrent fouiller dans le ruisseau. Ils cherchaient de vieux clous, des liards et autres richesses semblables. Le travail n'était pas ragoûtant ; mais que voulez-vous? Ils y trouvaient leur plaisir, et chacun prend le sien où il le trouve.

- "Oh ! la, la!" s'écria l'un d'eux en se piquant à l'aiguille. "En voilà une gueuse!" - "Je ne suis pas une gueuse ; je suis une demoiselle distinguée", dit l'aiguille. Mais personne ne l'entendait. En attendant, la cire s'était détachée, et l'aiguille était redevenue noire des pieds à la tête ; mais le noir fait paraître la taille plus svelte, elle se croyait donc plus fine que jamais. - "Voilà une coque d'œuf qui arrive", dirent les gamins ; et ils attachèrent l'aiguille à la coque. - "À la bonne heure!" dit-elle ; "maintenant je dois faire de l'effet, puisque je suis noire et que les murailles qui m'entourent sont toutes blanches. On m'aperçoit, au moins! Pourvu que je n'attrape pas le mal de mer ; cela me briserait." Elle n'eut pas le mal de mer et ne fut point brisée. - "Quelle chance d'avoir un ventre d'acier quand on voyage sur mer! C'est par là que je vaux mieux qu'un homme. Qui peut se flatter d'avoir un ventre pareil? Plus on est fin, moins on est exposé." Crac! fit la coque. C'est une voiture de roulier qui passait sur elle. - "Ciel! Que je me sens oppressée!" dit l'aiguille ; "je crois que j'ai le mal de mer : je suis toute brisée." Elle ne l'était pas, quoique la voiture eût passé sur elle. Elle gisait comme auparavant, étendue de tout son long dans le ruisseau. Qu'elle y reste! Vous pouvez retrouver ce texte et bien d'autres sur le site suivant, dont le but est la création et la publication d'ebooks gratuits, à partir de livres libres de droits, sous limitation de téléchargement: http://www.ebooksgratuits.com/ebooks.php

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- "J'ai habité une boîte qui appartenait à une demoiselle", dit l'aiguille. "Cette demoiselle était cuisinière. A chaque main elle avait cinq doigts. Je n'ai jamais rien connu d'aussi prétentieux et d'aussi fier que ces doigts ; et cependant ils n'étaient faits que pour me sortir de la boîte et pour m'y remettre".

- "Ces doigts-là étaient-ils nobles de naissance?" demanda le tesson.

- "Nobles!" reprit l'aiguille, "non, mais vaniteux. Ils étaient cinq frères... et tous étaient nés... doigts! Ils se tenaient orgueilleusement l'un à côté de l'autre, quoique de différente longueur. Le plus en dehors, le pouce, court et épais, restait à l'écart ; comme il n'avait qu'une articulation, il ne pouvait s'incliner qu'en un seul endroit ; mais il disait toujours que, si un homme l'avait une fois perdu, il ne serait plus bon pour le service militaire. Le second doigt goûtait des confitures et aussi de la moutarde ; il montrait le soleil et la lune, et c'était lui qui appuyait sur la plume lorsqu'on voulait écrire. Le troisième regardait par-dessus les épaules de tous les autres. Le quatrième portait une ceinture d'or, et le petit dernier ne faisait rien du tout : aussi en était-il extraordinairement fier.
On ne trouvait rien chez eux que de la forfanterie, et encore de la forfanterie : aussi je les ai quittés.

A ce moment, on versa de l'eau dans l'évier. L'eau coula par-dessus les bords et les entraîna.

- "Voilà que nous avançons enfin!" dit l'aiguille. Le tesson continua sa route, mais l'aiguille s'arrêta dans le ruisseau.

- "Là! je ne bouge plus ; je suis trop fine ; mais j'ai bien droit d'en être fière!" Effectivement, elle resta là tout entière à ses grandes pensées

- "Je finirai par croire que je suis née d'un rayon de soleil, tant je suis fine! Il me semble que les rayons de soleil viennent me chercher jusque dans l'eau. Mais je suis si fine que ma mère ne peut pas me trouver. Si encore j'avais l'oeil qu'on m'a enlevé, je pourrais pleurer du moins ! Non, je ne voudrais pas pleurer : ce n'est pas digne de moi!"

Un jour, des gamins vinrent fouiller dans le ruisseau. Ils cherchaient de vieux clous, des liards et autres richesses semblables. Le travail n'était pas ragoûtant ; mais que voulez-vous? Ils y trouvaient leur plaisir, et chacun prend le sien où il le trouve.

- "Oh ! la, la!" s'écria l'un d'eux en se piquant à l'aiguille. "En voilà une gueuse!"

- "Je ne suis pas une gueuse ; je suis une demoiselle distinguée", dit l'aiguille. Mais personne ne l'entendait. En attendant, la cire s'était détachée, et l'aiguille était redevenue noire des pieds à la tête ; mais le noir fait paraître la taille plus svelte, elle se croyait donc plus fine que jamais.

- "Voilà une coque d'œuf qui arrive", dirent les gamins ; et ils attachèrent l'aiguille à la coque.

- "À la bonne heure!" dit-elle ; "maintenant je dois faire de l'effet, puisque je suis noire et que les murailles qui m'entourent sont toutes blanches. On m'aperçoit, au moins! Pourvu que je n'attrape pas le mal de mer ; cela me briserait." Elle n'eut pas le mal de mer et ne fut point brisée.

- "Quelle chance d'avoir un ventre d'acier quand on voyage sur mer! C'est par là que je vaux mieux qu'un homme. Qui peut se flatter d'avoir un ventre pareil? Plus on est fin, moins on est exposé."

Crac! fit la coque. C'est une voiture de roulier qui passait sur elle.

- "Ciel! Que je me sens oppressée!" dit l'aiguille ; "je crois que j'ai le mal de mer : je suis toute brisée." Elle ne l'était pas, quoique la voiture eût passé sur elle. Elle gisait comme auparavant, étendue de tout son long dans le ruisseau. Qu'elle y reste!

 

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