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Premier saut

Voilà, c'est donc aujourd'hui le jour J pour notre premier saut. Sous le poids de notre équipement, notre groupe de parachutistes déambule en une interminable queue sur le taxiway.

Au moment où j'embarque, les souvenirs de nos deux mois d'entraînement précédant le saut me reviennent en mémoire. Comme la plupart de mes camarades, une des raisons pour laquelle j'ai décidé de me lancer dans cette aventure, c'était en fait d'éviter les nombreuses corvées inhérentes à notre statut de jeunes recrues dans l'armée. Ma décision est prise et cependant, je me pose encore beaucoup de questions.

Qu'est-ce que je suis en train de faire? Est-ce que j'aurai le courage de sauter? Quoiqu'il en soit, je dois le faire parce que mon honneur est en jeu! Cependant, j'ai peur que mon corps ne veuille pas se soumettre à ma volonté. J'ai peur que quelqu'un soit obligé de me pousser de l'avion le moment venu. Les moteurs tournent à plein régime pour donner la vitesse nécessaire au décollage. Le fuselage vibre de toute part dans un bruit assourdissant, à tel point que l'équipe de largueurs doit donner tous les ordres par gestes pour se faire comprendre. Plus nous approchons de l'heure H, plus je vois grandir l'anxiété sur les visages de mes copains. Quant à moi, je ne quitte pas des yeux les lumières rouges juste au-dessus des portes latérales et qui passeront au vert dès que nous atteindrons la zone de saut.

Je me sens terriblement nerveux. Je peux sentir les battements de mon cœur résonner jusque dans ma tête.

Une voix intérieure me répète inlassablement : « Tu dois le faire, tu dois sauter! » Mais, est-ce que mes jambes me porteront quand il faudra me lever? Même si j'en ai la volonté, je ne suis pas sûr que mon corps obéira. Soudain, au moment où les lumières passent au vert une sirène stridente se met à hurler dans nos oreilles! Les largueurs nous font signe de nous lever, rapidement. Nous ne pouvons nous permettre de perdre du temps. Si nous traînons, l'avion dépassera la zone de largage. Alors, tous les hommes se lèvent, comme des robots. Un par un, je les vois disparaître par la porte latérale, comme aspirés par le néant. La file de parachutistes, entre la porte et moi, diminue rapidement, trop rapidement. J'en viens à souhaiter qu'un évènement imprévu oblige l'avion à faire demi-tour avant que je ne saute. Malheureusement, tout se passe bien, et les hommes continuent d'être avalés par le néant! Plus que quelques secondes et ce sera mon tour. Je vais bientôt me retrouver face à ce monstre qui dévore un à un tous mes copains.

Le gars qui me précède vient juste de disparaître par la porte et à mon tour, je me retrouve sur le seuil. Je sens immédiatement l'air glacial sur tout mon corps et le vent qui me gifle en pleine face. Alors que je suis sensé me jeter de l'avion, mes membres refusent obstinément de m'éjecter. Je sais pourtant que si j'hésite plus longtemps, nous allons dépasser l'air d'atterrissage. Alors je cherche désespérément au plus profond de moi la force de sauter. Tous les hommes de ma compagnie l'ont fait avant moi. Je ne suis pourtant pas un lâche! Bon, je ne suis pas intrépide non plus, mais se jeter d'un avion n'est pas plus difficile que de sauter d'un plongeoir à la piscine. Je peux voir maintenant une nuée de petits champignons blancs flotter et se balancer dans le bleu du ciel.

Il ne tient qu'à moi de les rejoindre. Il me suffit pour ça de pousser fortement sur mes jambes, de tirer fermement sur mes bras et le vent cessera de me fouetter le visage, le froid cessera de me glacer le corps et le bruit cessera de me percer les tympans.

Juste pousser! Juste pousser très fort! Alors, prenant mon courage à deux mains, je me jette hors de l'avion! Pendant quelques secondes, je ne sais plus où je suis. Où sont mes jambes, où est ma tête, où est le haut, où est le bas? Pendant quelques secondes je ne sais pas si je suis dans un rêve où dans la réalité. Je ne sais pas si mon parachute va s'ouvrir correctement. Je ne sais pas si le choc à l'ouverture sera aussi violent qu'on le dit. Au moins, je n'aurai plus froid et le bruit sera enfin supportable. Soudain, en une fraction de seconde mon parachute s'ouvre et déploie son immense corolle blanche. Le choc est brutal!

En un clin d'œil, ma vitesse décroît et j'ai l'impression de remonter dans les airs alors que la seconde d'avant je chutais comme une pierre. Le système d'ouverture automatique a parfaitement fonctionné. Si ce n'avait pas été le cas, croyez-moi que je me serais plaint auprès de mon instructeur. Je flotte maintenant au milieu de dizaines de champignons éparpillés dans le ciel à cause du vent capricieux. Ce qui me frappe, c'est que je peux parler avec mes voisins qui flottent à plusieurs dizaines de mètres de moi alors qu'il y a quelques minutes à peine, je devais hurler pour communiquer avec mon plus proche voisin dans l'avion. La descente est un moment réellement savoureux! Malheureusement je n'ai que deux minutes environ pour en profiter avant de toucher le sol. Je prends quand même le temps de contrôler les suspentes de mon parachute. Tout à l'air correct. Voilà les premiers paras qui commencent à se poser dans un champ qui me parait bien petit vu du ciel!

L'atterrissage est une phase particulièrement délicate. Nos instructeurs nous ont tellement raconté d'histoires au sujet de jambes ou de chevilles fracturées au moment de l'atterrissage que nous ne sommes pas vraiment rassurés. Pour se poser en toute sécurité, il vaut mieux prendre un point de repère au sol pour évaluer précisément l'altitude. Un arbre, une grange ou bien une vache représentent de bon choix, mais une ambulance, c'est encore mieux. Et comme je n'ai pas l'intention de prendre de risques, sans hésiter, je choisi l'ambulance. En cas de problème, je serai plus près des secours. Mieux vaut être prudents.

Plus que quelques secondes avant que je ne me pose.

Le sol approche maintenant plus vite.

Deux secondes environ avant l'impact!... Une seconde!..... Je ferme les yeux!.... Impact!.....

Tout ce que j'avais appris pour réussir mon atterrissage est déjà oublié, c'est le moins que l'on puisse dire. Je n'ai vraiment pas de quoi être fier de cet atterrissage. En tout cas, tout est bien qui finit bien.

Après le débriefing, j'ai demandé au largueur pendant combien de minutes j'avais hésité avant de sauter. Il m'a répondu :« Mec!.... Ce n'était pas des minutes mais des secondes.... Je dirais, à peine deux secondes.

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Voilà, c'est donc aujourd'hui le jour J pour notre premier saut.

Sous le poids de notre équipement, notre groupe de parachutistes déambule en une interminable queue sur le taxiway.

Au moment où j'embarque, les souvenirs de nos deux mois d'entraînement précédant le saut me reviennent en mémoire. Comme la plupart de mes camarades, une des raisons pour laquelle j'ai décidé de me lancer dans cette aventure, c'était en fait d'éviter les nombreuses corvées inhérentes à notre statut de jeunes recrues dans l'armée. Ma décision est prise et cependant, je me pose encore beaucoup de questions.

Qu'est-ce que je suis en train de faire?

Est-ce que j'aurai le courage de sauter?

Quoiqu'il en soit, je dois le faire parce que mon honneur est en jeu! Cependant, j'ai peur que mon corps ne veuille pas se soumettre à ma volonté. J'ai peur que quelqu'un soit obligé de me pousser de l'avion le moment venu. Les moteurs tournent à plein régime pour donner la vitesse nécessaire au décollage. Le fuselage vibre de toute part dans un bruit assourdissant, à tel point que l'équipe de largueurs doit donner tous les ordres par gestes pour se faire comprendre. Plus nous approchons de l'heure H, plus je vois grandir l'anxiété sur les visages de mes copains. Quant à moi, je ne quitte pas des yeux les lumières rouges juste au-dessus des portes latérales et qui passeront au vert dès que nous atteindrons la zone de saut.

Je me sens terriblement nerveux. Je peux sentir les battements de mon cœur résonner jusque dans ma tête.

Une voix intérieure me répète inlassablement : « Tu dois le faire, tu dois sauter! » Mais, est-ce que mes jambes me porteront quand il faudra me lever? Même si j'en ai la volonté, je ne suis pas sûr que mon corps obéira. Soudain, au moment où les lumières passent au vert une sirène stridente se met à hurler dans nos oreilles! Les largueurs nous font signe de nous lever, rapidement. Nous ne pouvons nous permettre de perdre du temps. Si nous traînons, l'avion dépassera la zone de largage. Alors, tous les hommes se lèvent, comme des robots. Un par un, je les vois disparaître par la porte latérale, comme aspirés par le néant. La file de parachutistes, entre la porte et moi, diminue rapidement, trop rapidement. J'en viens à souhaiter qu'un évènement imprévu oblige l'avion à faire demi-tour avant que je ne saute. Malheureusement, tout se passe bien, et les hommes continuent d'être avalés par le néant!

Plus que quelques secondes et ce sera mon tour. Je vais bientôt me retrouver face à ce monstre qui dévore un à un tous mes copains.

Le gars qui me précède vient juste de disparaître par la porte et à mon tour, je me retrouve sur le seuil. Je sens immédiatement l'air glacial sur tout mon corps et le vent qui me gifle en pleine face. Alors que je suis sensé me jeter de l'avion, mes membres refusent obstinément de m'éjecter.

Je sais pourtant que si j'hésite plus longtemps, nous allons dépasser l'air d'atterrissage. Alors je cherche désespérément au plus profond de moi la force de sauter. Tous les hommes de ma compagnie l'ont fait avant moi. Je ne suis pourtant pas un lâche! Bon, je ne suis pas intrépide non plus, mais se jeter d'un avion n'est pas plus difficile que de sauter d'un plongeoir à la piscine.

Je peux voir maintenant une nuée de petits champignons blancs flotter et se balancer dans le bleu du ciel.

Il ne tient qu'à moi de les rejoindre.

Il me suffit pour ça de pousser fortement sur mes jambes, de tirer fermement sur mes bras et le vent cessera de me fouetter le visage, le froid cessera de me glacer le corps et le bruit cessera de me percer les tympans.

Juste pousser! Juste pousser très fort! Alors, prenant mon courage à deux mains, je me jette hors de l'avion! Pendant quelques secondes, je ne sais plus où je suis. Où sont mes jambes, où est ma tête, où est le haut, où est le bas? Pendant quelques secondes je ne sais pas si je suis dans un rêve où dans la réalité. Je ne sais pas si mon parachute va s'ouvrir correctement. Je ne sais pas si le choc à l'ouverture sera aussi violent qu'on le dit. Au moins, je n'aurai plus froid et le bruit sera enfin supportable. Soudain, en une fraction de seconde mon parachute s'ouvre et déploie son immense corolle blanche. Le choc est brutal!

En un clin d'œil, ma vitesse décroît et j'ai l'impression de remonter dans les airs alors que la seconde d'avant je chutais comme une pierre. Le système d'ouverture automatique a parfaitement fonctionné. Si ce n'avait pas été le cas, croyez-moi que je me serais plaint auprès de mon instructeur.

Je flotte maintenant au milieu de dizaines de champignons éparpillés dans le ciel à cause du vent capricieux. Ce qui me frappe, c'est que je peux parler avec mes voisins qui flottent à plusieurs dizaines de mètres de moi alors qu'il y a quelques minutes à peine, je devais hurler pour communiquer avec mon plus proche voisin dans l'avion. La descente est un moment réellement savoureux! Malheureusement je n'ai que deux minutes environ pour en profiter avant de toucher le sol. Je prends quand même le temps de contrôler les suspentes de mon parachute. Tout à l'air correct. Voilà les premiers paras qui commencent à se poser dans un champ qui me parait bien petit vu du ciel!

L'atterrissage est une phase particulièrement délicate. Nos instructeurs nous ont tellement raconté d'histoires au sujet de jambes ou de chevilles fracturées au moment de l'atterrissage que nous ne sommes pas vraiment rassurés.

Pour se poser en toute sécurité, il vaut mieux prendre un point de repère au sol pour évaluer précisément l'altitude. Un arbre, une grange ou bien une vache représentent de bon choix, mais une ambulance, c'est encore mieux.

Et comme je n'ai pas l'intention de prendre de risques, sans hésiter, je choisi l'ambulance. En cas de problème, je serai plus près des secours. Mieux vaut être prudents.

Plus que quelques secondes avant que je ne me pose.

Le sol approche maintenant plus vite.

Deux secondes environ avant l'impact!... Une seconde!..... Je ferme les yeux!.... Impact!.....

Tout ce que j'avais appris pour réussir mon atterrissage est déjà oublié, c'est le moins que l'on puisse dire. Je n'ai vraiment pas de quoi être fier de cet atterrissage. En tout cas, tout est bien qui finit bien.

Après le débriefing, j'ai demandé au largueur pendant combien de minutes j'avais hésité avant de sauter. Il m'a répondu :« Mec!.... Ce n'était pas des minutes mais des secondes.... Je dirais, à peine deux secondes. »